15 mars 2010 1 15 /03 /mars /2010 10:12

scouteuropemerFacilité… ou héroïsme ? La jeunesse n’est pas mesurée par le nombre des années. Elle est avant tout une qualité d’âme. On peut avoir 50 ans et garder cette flamme, cet enthousiasme, cet entrain qui sont les marques de la jeunesse. On rencontre aussi aujourd’hui, dans notre civilisation de mort, des enfants de douze ans à peine, qui portent au visage les stigmates d’une ‘expérience’ bien plus vieille que leur âge, triste reflet d’une âme déjà flétrie. Aujourd’hui, dans la presse et sur le petit écran, la jeunesse est exaltée, portée aux nues; on dirait qu’il suffit d’avoir vingt ans pour mériter d’être un héros… ou un saint. Quelle erreur ! Ou plutôt, quel mensonge ! Car ceux qui véhiculent un tel message savent très bien ce qu’ils font. Ce qu’ils font ? Ils brisent la jeunesse dans leur élan. Au lieu de lui dire : Allez ! Lancez dans la vie vos forces neuves, mettez l’ardeur de vos vingt ans au service de cet évangile qui transforme le monde parce qu’il agit au plus profond des âmes, on la convainc qu’elle est arrivée au sommet de la gloire et qu’il ne lui reste plus qu’à conserver jalousement cette marque de toute réussite : être jeune. Méfiez-vous de ceux qui exaltent la jeunesse et la laissent se reposer sur ses prétendus lauriers. Aimez ceux qui lui demandent beaucoup. Fuyez ceux qui disent qu’elle n’a de leçons à recevoir de personne. Suivez ceux qui ne se contentent pas de donner des leçons, mais dont la vie vous est un exemple et une aide pour monter plus haut. Vous êtes faits pour les ascensions et les hauteurs, repoussez avec dégoût la facilité, dont un autre nom est la médiocrité. Mais, pourquoi les pièges tendus à la jeunesse actuelle sont-ils aussi efficaces ? Pourquoi nos jeunes n’arrivent-ils plus à se dévouer gratuitement au service du prochain ? Pourquoi, à l’âge où la vie s’ouvre devant eux, avec ses charmes et ses espoirs, rencontre-t-on autant de blasés, de découragés ? Pourquoi enfin la jeunesse actuelle, au demeurant agréable à vivre et sympathique, recule-t-elle devant les grands choix de la vie : la réponse à l’appel de Dieu, ou la construction d’un foyer chrétien ? Il serait trop facile d’accuser la société en laquelle nous vivons. Sommes-nous libres ou non ? Nos choix seront-ils toujours ceux que l’on veut, il est vrai, nous imposer, ou seront-ils enfin les nôtres ? Votre vie sera ce que vous avez décidé d’en faire. Je ne parle pas ici de la profession que vous aurez plus tard, mais de l’âme avec laquelle vous l’accomplirez. Ceux qui s’attachent aujourd’hui à corrompre la jeunesse, pour mieux l’asservir, croient au péché originel. Nous n’y croyons plus. C’est la réponse la plus profonde peut-être aux questions qui précèdent. La jeunesse, dit-on, a une immense capacité d’aimer. Oui, mais entendons-nous. La jeunesse aime aimer. Elle a du mal à se donner à l’objet de son amour, elle aime jouir de l’amour qu’elle sent vibrer en elle. Elle est égoïste, tournée vers elle, en raison de cette catastrophe que fut le péché originel. Bien sûr, elle est douée aussi de force pour résister à cet égoïsme et pour se donner, mais ce n’est pas sa pente ordinaire, laquelle est plus souvent descendante. On est tous si tentés par la facilité ! Ne croyez pas si légèrement à tous les sentiments que vous éprouvez. Ce n’est pas parce qu’ils sont neufs et qu’ils se veulent généreux qu’ils sont nécessairement purs. C’est dans la mesure où ils sont absolus qu’ils sont les plus dangereux. Voici ce qu’écrivait Gustave Thibon : « Le oui et le non absolus ne peuvent fleurir que dans le royaume de l’abstraction et du rêve. Appliqués au réel, ces entraînements affectifs incontrôlés, si nobles qu’ils soient dans leur source, aboutissent au désordre et à l’injustice. (…) La soif aveugle et prématurée d’absolu a aussi ceci de tragique qu’elle conduit après l’échec et la déception inévitables, à la pire disgrâce que puisse encourir un être créé à l’image de Dieu : le scepticisme et la démission en face de tout idéal, le consentement à la médiocrité. » (Permanences n°401, p.6). Autre facilité de notre époque : les biens matériels. Comme vous y êtes attachés ! Non pas que vous en ayez beaucoup, mais quelle importance ils ont à vos yeux ! André Charlier, dans ses célèbres Lettres aux Capitaines, écrit : « Vous êtes les plus comblés parce que tout vous est donné et que vous n’imaginez même pas que rien puisse vous êtes refusé ; mais vous êtes en même temps les plus pauvres parce que vous êtes réduits à tirer de l’extérieur de quoi remplir votre vie. Un homme vrai est un homme qui n’a pas de besoins, c’est-à-dire qui est capable de tout tirer de lui-même » (p.38). Autre qualité de cette jeunesse atteinte par le péché des origines : ses rêves, ses idéaux, ses espoirs. On veut faire de sa vie quelque chose de grand, et l’on a raison ; mais, que cette grandeur devienne un refuge imaginaire confortable, laissant pâles à côté de lui les réalisations terrestres, et l’on abandonne alors les efforts nécessaires pour faire de sa vie une belle œuvre, et l’on devient critique pour tout ce qui se fait, parce que tout ce qui se fait ici bas, croit-on, sera toujours moins beau que ce que l’on a rêvé. Mais, non ! C’est le réel qui est beau ! Le réel qu’il faut s’efforcer de comprendre -et c’est tâche difficile !-, le réel qu’il nous appartient de construire, petitement peut-être, pauvre peut-être, imparfait toujours, mais combien encourageant et enthousiasmant ! « Un regard jeune est toujours un regard grave : on ne peut pas ne pas être grave, quand on est au bord de sa vie et qu’on sait que l’on va se mesurer avec le réel. C’est le scepticisme et l’ironie qui vieillissent un homme avant l’âge », écrit encore A. Charlier (p.174). Grave, ici, veut dire sérieux. Sérieux ne veut pas dire triste. C’est encore une confusion de la jeunesse. Parce que l’on est sérieux, on ne saurait pas rire. Je veux m’arrêter là. J’espère surtout ne pas vous avoir accablés. Ces paroles, il est vrai, peuvent sonner comme des reproches. Entendez les d’abord comme un appel. Un appel à monter plus haut, avec un réalisme vigoureux et joyeux. Bien sûr il y a le péché originel, mais il y a aussi la grâce. Fondez sur elle votre jeunesse. Mais, là encore, attention ! , la grâce nous est toujours donnée par la croix. N’ayez pas peur du sacrifice ! « Est-ce que le but de la vie est de vivre ? Est-ce que les pieds des enfants de Dieu sont attachés à cette terre misérable ? Il n’est pas de vivre mais de mourir ! Et non point de charpenter la croix, mais d’y monter et de donner ce que nous avons en riant ! Là est la joie, là est la liberté, là est la grâce, là la jeunesse éternelle !… » (Claudel, L’annonce faite à Marie, acte 4, scène 2).

 

Par un chanoine régulier de la Mère de Dieu

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