Nous sommes appelés à devenir des amis de Dieu, en conformant nos désirs avec ceux de l’Esprit de Dieu, comme nous déclare Saint Paul : « Si vous vivez selon la chair, vous mourrez; si, en revanche, avec l’aide de l’Esprit, vous faites mourir les oeuvres du corps, vous vivrez. En effet, tous ceux qui sont guidés par l’Esprit de Dieu, sont enfants de Dieu » (Romains 8, 13-14).
Vivre l’amitié avec Dieu, à laquelle nous rappelle constamment le Saint-Père, le Pape Benoît XVI, veut dire libérer notre cœur des désirs de la chair pour le laisser remplir par la grâce de la communion intime avec Dieu, qui ne peut se réaliser qu’en renonçant à son propre « moi » et à ses désirs qui viennent du monde. Le Seigneur le dit clairement à ses disciples : « Vous serez mes amis, si vous faites ce que je vous commande » (Jean 15, 14). Ce qui rend crédible notre foi en Jésus, est la confrontation de notre vie avec l’Evangile. Il n’y a rien de plus efficace, pour attirer le prochain au Christ, que l’exemple d’une vie authentique de témoins de l’Evangile. Le Cardinal Ratzinger, peu de temps avant son élection au siège de Pierre, déclarait lors d’une conférence donnée à Subiaco le 1er avril 2005 : « Ce dont nous avons surtout besoin en ce moment de l’histoire, ce sont des hommes qui, par une foi éclairée et vécue, rendent Dieu crédible en ce monde. Le témoignage négatif de chrétiens qui parlaient de Dieu et vivaient contre Lui, a éclipsé l’image de Dieu et a ouvert les portes à l’incrédulité. Nous avons besoin d’hommes qui aient le regard fixé droit sur Dieu, en apprenant ainsi ce qu’est l’humanité authentique. Nous avons besoin d’hommes dont l’intelligence soit éclairée par la lumière de Dieu, et à qui Dieu ouvre le cœur, de manière que leur intelligence puisse parler à l’intelligence des autres, et que leur cœur puisse ouvrir le cœur des autres. C’est seulement avec des hommes qui sont touchés par Dieu, que Dieu peut faire son retour auprès des hommes ». Comment ne rappeler ici même, une des affirmations devenues parmi les plus célèbres du Serviteur de Dieu Paul VI : « Le monde a plus besoin aujourd’hui de témoins que de maîtres » (cf. « Evangelii Nuntiandi », 41) ! Saint François d’Assise n’était pas prêtre, parce qu’il se considérait trop indigne pour le devenir ; mais sa vie parlait d’elle-même, et cette vie, en tout conforme au Seigneur Jésus, a fasciné des âmes innombrables, durant sa vie et après sa mort, en les poussant à l’imiter en suivant le Seigneur. Une des tentations les plus fréquentes pour nous tous qui sommes chrétiens, c’est précisément celle de la « double vie », c’est-à-dire faire aller de pair deux vies en parallèle : l’une qui a les apparences d’appartenir au Christ - auxquels s’adresse l’avertissement de Jésus : « Ce n’est pas celui qui me dit : Seigneur, Seigneur, qui entrera dans la Royaume des Cieux » (Matthieu 7, 21), et une autre qui, plus ou moins en cachette, mène sa propre voie, comme si Dieu n’existait pas. Les Apôtres ne se sont pas faits d’illusions que l’on puisse « tromper » le Seigneur avec une dévotion extérieure, ou qu’Il puisse « se contenter » du seul culte extérieur. Jésus en effet a inculqué dans l’esprit de ses disciples, la vérité indélébile de l’exigence de la conversion pour être capables de Le suivre, en menant une seule vie, celle qui est toute orientée vers la sanctification : « en vivant pour Lui » et en mourant à l’autre vie, celle qui est toute orientée vers son propre avantage « en vivant pour soi-même ». Parmi les nombreux enseignements du Christ sur cette question, il est bon de méditer la parabole du semeur. Elle enseigne que c’est l’homme qui décide d’être vraiment une bonne terre, de se laisser féconder et transformer par le Seigneur ; en revanche, ce sont les pierres et les épines qui paralysent sa croissance spirituelle et humaine. Nous ne pouvons travailler que sur notre terre, en rentrant en nous-mêmes et en chassant de notre cœur, avec l’aide de la grâce, tout ce qui est ténèbre ; il ne nous est pas permis de le faire sur la terre de l’autre : aucune Maman ne peut le faire avec son propre enfant, aucun mari ne peut le faire avec son épouse, et vice versa.
Dans cette oeuvre fondamentale de conversion au Christ, dont dépend notre éternité, nous sommes « terriblement » seuls avec notre liberté, devant Dieu, qui se met de côté pour ne pas conditionner notre libre choix. Dans la parabole des talents, Jésus nous fait réfléchir sur cet homme qui, avant de partir, confie ses talents à ses serviteurs et qui « après un long temps », retourne pour « régler les comptes » avec eux (cf. Matthieu 25, 14-30). Il en est de même pour nous aussi : Dieu nous a créés à son image et à sa ressemblance, il nous a donné des talents, parmi lesquels le don de la liberté ; mais au moment où nous décidons de les faire fructifier avec sa grâce, alors Il vient et il nous aide à défricher le terrain pour le rendre accueillant. Ceux qui ne veulent pas écouter le Seigneur, n’expérimenteront pas la force transformatrice de sa grâce ! Voilà pourquoi nous ne devons absolument pas sous-estimer l’incroyable possibilité de liberté qu’Il nous a laissée, une possibilité pratiquement sans limites. Si les deux disciples d’Emmaüs, « repêchés » par Jésus à la vraie vie, quand ils furent parvenus à leur village ne lui avaient pas dit : « Reste avec nous car il se fait tard » (Luc 24, 29), Il aurait continué son chemin et serait passé outre. L’évangéliste Luc exprime, avec une phrase mystérieuse mais claire, cette terrible vérité : « Quand ils furent proches du village où ils se rendaient, Il fit comme s’Il devait aller plus loin » (Luc 24, 28). Cette parole, qui nous révèle comment Dieu agit avec notre liberté, mériterait d’être gravée dans notre cœur, conscients que le Seigneur marche à nos côtés pour nous former, pour nous purifier, pour nous guider… mais cela ne se fait pas de manière « automatique », parce que son Esprit Divin agit en nous dans la mesure où nous le Lui permettons. Il faut toujours le concours de notre libre décision, en renouvelant chaque jour, avec la Sainte Vierge et avec notre vie, cette demande tellement importante : « Reste avec moi Seigneur » !