Avoir le souci d'attirer les jeunes à l'église le dimanche est tout ce qu'il y a de plus louable. S'imaginer qu'on les attirera avec des célébrations que l'on adapte à ce que l'on croit être leurs goûts est une grave erreur: les messes imaginées pour soi-disant attirer les jeunes sont à la fois anti-liturgiques et anti-pédagogiques. A plus ou moins long terme, elles font fuir plus qu'elles n'attirent. Si les chiens pouvaient parler, c'est certain qu'ils se moqueraient de leurs maîtres ou maîtresses qui croient se faire comprendre de leur animal de compagnie en lui parlant le "langage chien". Le jeune chrétien n'est pas un chien : il n'a pas besoin de trouver en face de lui des adultes qui croient se mettre à sa portée en le singeant; le jeune qui va à la messe a besoin de voir en face de lui ou à côté de lui des adultes qui se comportent en adultes et non des adultes qui sombrent dans le gniangnian dès qu'ils prétendent s'adresser à des adolescents.
Les jeunes qui sont obligés de participer aux messes soi-disant faites pour eux, avec banderoles, rondes, maman-catéchistes affairées et célébrants patauds qui veulent se mettre au niveau de leur assistance, savent parler; mais comme ils sont polis et dociles, ils ne disent rien et font ce qu'on leur demande de faire. Seulement, dès qu'ils ne sont plus obligés de participer à ces célébrations infantilisantes qu'on croirait imaginées par des simplets, ils n'y viennent plus : la pratique religieuse leur semble un truc fait pour des adultes un peu demeurés... Il n'y a guère que dans la catholicisme occidental qu'on croit pouvoir attirer les jeunes à la messe en bradant la liturgie de l'Eglise : nulle part ailleurs, dans aucune autre religion, on ne fait de pareilles erreurs. Et c'est bien normal puisque partout les rites liturgiques officiels apparaissent comme des sortes de sas par lesquels il s'agit de passer pour construire ce qu'il est convenu d'appeler "une foi adulte". Imagine-t-on, chez les Orthodoxes, le prêtre disant aux jeunes de sa paroisse qu'on va organiser pour eux une liturgie adaptée, sans les chants sacrés, sans l'iconostase, sans les rites? Ce serait totalement absurde. Cela nous paraît absurde, à nous qui avons un certain sens de ce qu'est la liturgie. Mais curieusement cela ne l'est pas pour les pratiquants de nombreuses paroisses. Alors ils préfèrent ne pas impliquer les jeunes dans le déroulement normal de la liturgie romaine, qui leur paraît trop rébarbative.
Ce qu'ils ne voient pas, c'est que les "messes des jeunes" ennuient profondément les jeunes; elles n'intéressent guère que les quelques personnes qui s'investissent à fond pour les organiser et croient attirer les adolescents en singeant leurs comportements. Le nivellement de la liturgie par le bas n'a jamais attiré grand monde à l'église; le plafonnement qui empêche de faire toujours mieux non plus. N'en tirons pas la conclusion qu'il ne faut rien faire pour intéresser les jeunes à la liturgie. Au contraire ! Mais cela, il faut commencer par les sensibiliser à la liturgie : la vraie liturgie, celle de l'Eglise, et non la liturgie frelatée de certaines de nos équipes paroissiales. On n'initie pas quelqu'un à l'oenologie en lui faisant boire de la piquette; on ne sensibilise pas quelqu'un à la liturgie en lui donnant à participer à des "célébrations piques-niques" sur fond de refrains proches de comptines. Pour amener les jeunes à la liturgie de l'Eglise, il faut les introduire dès le plus jeune âge dans les trésors des rites et de la musique propre de la liturgie romaine : le grégorien. Contrairement à ce que l'on pense généralement, les rites et le grégorien sont à leur portée et ils y sont très sensibles pour peu qu'on sache leur présenter ces richesses comme des réalités vivantes, actuelles, et d'une valeur permanente. Tout est une question de pédagogie : son efficacité est liée au fait que les jeunes doivent pouvoir trouver en face d'eux des pratiquants convaincus et convaiquants, leur montrant que par les liturgies auxquelles ils participent ils entrent peu à peu dans une compréhension adulte de leur foi.
Pro Liturgia