23 septembre 2009 3 23 /09 /septembre /2009 17:32

Romano Guardini (1885-1968) est surtout connu pour son ouvrage "L'esprit de la liturgie" dont les idées ont été reprises par Benoît XVI pour faire comprendre dans quelle optique il convient d'aborder aujourd'hui la question liturgique. En son temps, Romano Guardini avait parfois été soupçonné par certains évêques de vouloir court-circuiter la Hiérarchie de l'Eglise. A la suite de quelques malentendus, dans une lettre qu'il adresse en 1940 à Mgr. Stohr, archevêque de Mayence, Guardini cherche à dissiper d'éventuels points de conflits : plusieurs évêques allemands et autrichiens avaient en effet réagi, craignant que le mouvement lancé par Guardini en vienne à saper leur propre autorité. Le 24 décembre 1943, le Secrétaire d'Etat du Vatican écrit lui-même aux évêques soupçonneux en leur demandant de renoncer à exercer leur pouvoir propre dans des questions purement liturgiques. Mais que précisait donc Guardini dans sa lettre adressée à l'archevêque de Mayence ? Il dénonçait quatre comportements erronés en liturgie :

 

 

 

 

1. le "liturgisme", qui se produit lorsqu'on sous-estime ce qui est important jusqu'à ce qu'on le redécouvre à nouveau et qu'on lui accorde ensuite une place exagérée. Guardini précisait que cette erreur d'appréciation se produit lorsque le mode de pensée et la sensibilité ne sont plus gouvernés que par l'esthétisme.

 

2. le "practicisme", qui consiste à remplacer la véritable pastorale liturgique par des activités pratiques relevant de la pédagogie. Le "practicisme" se base sur une ignorance de l'essence et de la dignité de la vie liturgique, laquelle est d'abord intérieure et ne saurait être subordonnée à des objectifs uniquement matériels et pragmatiques. Oubliant que la liturgie est quelque chose d'inutile en soi, le "practicisme" met le culte divin au "service d'actions morales ou d'entreprises stimulantes" mais perd de vue le sens premier et le plus important de la liturgie : sa totale gratuité pour Dieu.

 

3. le "dilettantisme", qui se produit lorsqu'une orientation à la mode, véhiculée par le public, finit par s'imposer à la conscience des fidèles par modification des pratiques liturgiques imposée. Et Guardini nous donne des exemples tirés de son expérience : "Partant de l'idée selon laquelle l'homme ne peut prier que dans la langue dans laquelle il vit, on a donné de l'importance à l'allemand. Convaincu de l'importance des symboles liturgiques, on a essayé de les faire ressortir plus clairement et de donner aux saintes actions une apparence plus populaire". Il est cependant très vite apparu "que non seulement l'on ne savait pas le latin, mais l'allemand non plus. Ce qui était grave, en outre, c'était qu'on associait au thème liturgique d'autres thèmes telles que des conceptions confuses sur la place des laïcs dans l'Eglise ou sur la relation entre l'éthique et le religieux" Incontestablement, ces exemples demeurent d'une brûlante actualité après Vatican II.

 

4. le "conservatisme" qui consiste à rejeter de la liturgie ce à quoi on n'est pas habitué pour ne conserver que ce qu'on a toujours vu faire. Parlant des tenants du "conservatisme", Guardini dit qu'ils ne comprennent pas que "les éléments [auxquels ils tiennent] (...) proviennent de la période religieuse la plus stérile du XIXème siècle, et que ces éléments ont eux-mêmes supplanté bien des richesses de la piété ecclésiale". Selon Guardini, les tenants du "conservatisme" font de siècle en siècle la même erreur : celle qui consiste à assimiler la liturgie de la messe à des dévotions populaires et privées souvent douteuses. La pratique des sacrements est alors "détachée de son contexte important pour devenir un rite purement externe". Certaines forces conservatrices n'ont souvent pas "une juste conception de ce qu'est véritablement la liturgie"; beaucoup n'y voient "que l'aspect extérieur, mais sans en comprendre véritablement le sens".

 

Il est évident que Guardini réagissait ici contre un formalisme liturgique hérité des XVIIIème et XIXème siècles, encore bien ancré à son époque, et qui persistera en certains milieux après Vatican II.

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