« Les liturgies civiles des siècles passés tout comme celles de notre époque, tels les concerts de musique rock, célèbrent des idoles "œuvres des mains de l'homme" (cf. Ps. 115, 4). Toutefois, on note que, ces dernières années, les liturgies religieuses elles-mêmes sont devenues des "danses autour de ce veau d'or que nous sommes". Notons au passage que, aujourd'hui, le mot liturgie est préféré à celui de culte, peut-être parce qu'on a tendance à valoriser exagérément la place prise par le peuple, et son rôle, durant l'action sacrée, au détriment du temps consacré à Dieu. Cette observation, prononcée sur un ton douloureux durant une méditation vigoureuse du Chemin de Croix 2005, provient du pape, alors qu'il n'était encore que le Cardinal Ratzinger. Celui-ci affirma donc sans détour ce que la liturgie ne peut pas être, pour cette simple raison : étant donné que nous ne sommes pas Dieu, nous nous égarons si nous consentons à nous adorer nous-mêmes. On est arrivé à ce point de dégradation parce que, sans doute, le mouvement liturgique a été déformé, aussi bien par ceux qui considéraient que ce qui est nouveau constitue toujours ce qui est le meilleur, [que] par les partisans d'une reproduction à l'identique de situations désormais obsolètes. (...) Ces deux positions sont finalement contradictoires. La liturgie n'a plus été considérée comme un donné offert et reçu d'en haut, comme ce fut le cas pour la Parole de Dieu, au Sinaï, elle qui est lumière et loi sur notre chemin. Elle est plutôt devenue un don fait à soi-même, une "auto-fabrication" venue d'en-bas, ce veau d'or autour duquel on danse. (...) Comme elle est grande la responsabilité des évêques et des prêtres dans tout ce qui s'est passé ! Cela signifie donc, concrètement, céder à la tentation de prendre la place de Dieu. Il est vrai que la liturgie a toujours besoin de réformes, car le culte est en rapport avec le sacré, c'est-à-dire qu'il concerne notre relation avec Dieu qui s'est incarné. Toutefois, la liturgie descend du ciel sur la terre; elle ne peut donc pas être une "liturgie faite par soi-même". De fait, si la liturgie n'était pas sacrée, si le culte n'était pas divin, elle ne servirait à rien, sinon à se représenter soi-même et, surtout, elle ne sauverait pas l'homme et le monde, elle n'aurait aucun effet sanctifiant. (...) C'est pourquoi nous devons retrouver avec courage le sens du sacré, le courage de distinguer ce qui est chrétien et ce qui ne l'est pas; non pas pour dresser des barrières, mais pour transformer, pour être vraiment dynamiques ».
Mgr Nicola BUX, Consulteur à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, La réforme de Benoît XVI, éd. Tempora (pp. 23-26)