Une figure oubliée de l’Eglise post-conciliaire ? Le Cardinal Jean Daniélou. Peu de fidèles se souviennent aujourd'hui de ce Cardinal duquel on a commencé à parler lorsque les médias se sont jetés comme des rapaces sur l’information de sa mort, un après-midi de mai 1974, au domicile d’une prostituée. Puis ce fut un long silence : on ne parla plus de ce grand théologien et personne ne se soucia d’informer le « bon peuple » prêt à cracher sur l’Eglise dès que l’occasion lui en est donnée. Le Cardinal Daniélou fréquentait donc les prostituées...
On passa sous silence qu'il était venu apporter de l’argent à une « fille » pour qu’elle puisse payer un avocat capable de faire sortir son mari de prison. Seules les personnes qui connaissaient bien le Cardinal savaient qu’il accomplissait en secret des actes de charité pour des gens méprisés et qui avaient besoin d'aide et de pardon. Ce qui s’était vraiment passé fut entouré d’un silence permettant d’oublier progressivement la figure du Cardinal Daniélou. Oui, il fallait l’oublier car la Cardinal dérangeait. N’avait-il pas accordé une interview à Radio Vatican, en octobre 1972, dans laquelle il critiquait durement la « décadence » qui dévastait tant d’ordres religieux masculins et féminins, à cause d’ « une fausse interprétation de Vatican II » ? Il n'était pas conseillé de tenir de tels propos dans les années euphoriques de l'après-concile ! Le Cardinal, qui n’avait pas mâché ses mots, était allé jusqu'à déclarer que la crise de l’Eglise « se manifeste dans tous les domaines. Les conseils évangéliques ne sont plus considérés comme consécration à Dieu, mais envisagés dans une perspective sociologique et psychologique. On se préoccupe de ne pas présenter une façade bourgeoise mais, sur le plan individuel, la pauvreté n’est pas pratiquée. On substitue la dynamique de groupe à l'obéissance religieuse ; sous prétexte de réaction contre le formalisme, toute régularité de la vie de prière est abandonnée. Les conséquences de cet état de confusion sont d’abord la disparition des vocations, car les jeunes demandent une formation sérieuse, et d'autre part ce sont les nombreux et scandaleux abandons de religieux qui renient le pacte qui les liait au peuple chrétien. » Puis il avait expliqué : « La source essentielle de cette crise est une fausse interprétation de Vatican II. (...) Dans nombre de cas, on a remplacé les directives de Vatican II par des idéologies erronées que répandent nombres de revues, de sessions, de théologiens et parmi ces erreurs, on peut mentionner : la sécularisation (...), une fausse conception de la liberté qui entraîne la dépréciation des constitutions et des règles et exalte la spontanéité et l'improvisation (...), une conception erronée de la mutation de l’homme et de l’Eglise. (...) ». Quant au remède que le Cardinal Daniélou préconisait de prendre pour surmonter cette grave crise, il consistait à arrêter de toute urgence « toutes les expérimentations et toutes les décisions contraires aux directives du concile (et) mettre en garde contre les livres, revues, sessions où ces conceptions erronées sont diffusées (...) ».
Mais le Cardinal savait aussi que le redressement de la situation ne serait pas chose facile. En 1974, il écrivait à Gérard Soulages, Secrétaire du groupe « Fidélité et Ouverture » : « Nous ne sommes plus au temps de la « discrétion » mais au temps de l’ « affrontement ». (...) Des hommes restent dans l’Eglise pour la changer, certains pour la détruire. (...) ». Des hommes restent dans l’Eglise pour la détruire : phrase terrible qui doit pousser à réfléchir tellement elle semble encore d’actualité. Benoît XVI, lui, au moment de son élection au pontificat suprême, évoquera la présence de loups menaçant les brebis...