L'avortement serait-il une méthode moderne de discrimination ?
L'histoire abonde en exemples de discrimination. Elle enseigne aussi que la contestation de ces discriminations et des privilèges les accompagnant, a été un des moteurs poussant vers des sociétés plus démocratiques. Or discriminer, c'est toujours invoquer des raisons pour lesquelles on voue des êtres humains à la servitude ou à la mort. Parfois, discriminer, c'est doubler une faiblesse objective par une faiblesse légale. Le régime nazi a discriminé les juifs, les gitans, les "non-hommes". À Nuremberg, on a appelé ça "crime contre l'humanité"; depuis lors, la mémoire des hommes a été délestée de ces souvenirs gênants. D'autres régimes ont discriminé les contestataires ou les opposants en les envoyant, par exemple, dans des asiles psychiatriques. Actuellement, on discrimine non seulement les enfants - voire les adultes - atteints de malformations ou de handicaps graves, mais aussi les pauvres. La libéralisation de l'avortement légalise une discrimination nouvelle : celle dont peuvent être impunément victimes des êtres humains se trouvant dans un état extrême de faiblesse et de dépendance.
L'idéologie dont s'inspirent les partisans de l'avortement n'est-elle tout de même pas différente de l'idéologie nazie ?
Il y a à la fois des différences d'expression et une profonde communauté d'inspiration. Les justifications explicites sont présentées dans des emballages différents, mais les pratiques auxquelles elles aboutissent sont finalement les mêmes. Qu'on invoque que quelqu'un soit juif, gitan, handicapé, enfant non-né ou non-désiré, adulte incurable : lorsqu'il s'agit de l'éliminer, les motifs invoqués diffèrent, mais l'horreur est la même. Qu'importe que les idéologies soient différentes si les pratiques sont pareilles ? Ne faut-il cependant pas concéder que si les pratiques sont les mêmes, les idéologies, elles, diffèrent ? Les idéologies forgées pour « légitimer » le nazisme et l'avortement ne recourent pas à la même formulation mais elles ont ceci en commun qu'elles "légitiment" des discriminations parfaitement arbitraires entre les êtres humains. D'où les points communs aux idéologues du génocide et aux partisans de l'avortement : dans les deux cas, l'autre n'est pas reconnu comme un être humain; dans les deux cas, la victime est innocente. À cela il faut ajouter que, si l'on en croit les statistiques de l'OMS, les victimes annuelles de l'avortement sont incomparablement plus nombreuses que les victimes du génocide exécutées par les nazis.
Extrait de l'ouvrage de Mgr Michel SCHOOYANS,
« Bioéthique et Population : Le choix de la vie » (1994)