Nous sommes aujourd'hui dans une situation où les prêtres, dans leur immense majorité, en savent moins sur la liturgie que certains fidèles qui prennent le soin de s'informer. C'est donc aux fidèles d'agir, avec la fermeté dont fait preuve Benoît XVI, pour repousser la décadence liturgique et refuser les niaiseries qui truffent les célébrations paroissiales. Programme :
I. STOPPER LA "DÉSINTÉGRATION" DE LA LITURGIE.
Du temps où il était Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le Cardinal Ratzinger avait fait deux remarques importantes. Dans la première, il se disait convaincu que la crise de l'Eglise reposait largement sur la désintégration de la liturgie. Dans la seconde, il se demandait si, au vu du bricolage liturgique actuel, les fidèles avaient encore conscience qu'il existe un rite romain leur permettant de célébrer la foi de façon juste et intégrale (1). Ces deux observations, énoncées par celui qui est à présent Benoît XVI, nous invitent à poser la question suivante : devons-nous attendre de nos prêtres - évêques en tête - qu'ils agissent pour mettre définitivement un terme au "bricolage liturgique" entré dans les habitudes de la quasi totalité de nos paroisses ?
La solution qui consisterait à attendre le bon vouloir d'un clergé qui n'a reçu aucune formation liturgique n'est à l'évidence pas la meilleure. Car c'est depuis le Concile que les fidèles attendent que leurs prêtres respectent la liturgie de l'Eglise. En vain. C'est aussi depuis le Concile que les fidèles ont pu constater que leurs prêtres et, ce qui est plus grave, leurs évêques, ne tiennent compte ni du Missel romain ni des orientations données par les papes successifs.
Puisque l'attentisme n'est pas la solution, il faut imaginer une autre façon d'agir, plus efficace. Celle-ci devra consister en une "réappropriation de la liturgie" par les fidèles. Disons-le clairement : les fidèles qui souhaitent retrouver le trésor liturgique de l'Eglise vont devoir, d'une part, se mobiliser et, d'autre part, outrepasser les instructions données par des clercs qui ne respectent plus rien parce qu'ils ne savent plus rien (2). Ce sera le moyen de se "réapproprier" la liturgie que donne l'Eglise. Une telle "réappropriation" de la liturgie relève du droit élémentaire des fidèles (3) et, au vu de la situation actuelle, elle est un devoir en même temps qu'une urgence.
II. COMMENT SE REAPPROPRIER LA LITURGIE DE L'EGLISE ?
Comment les fidèles qui veulent à bon droit échapper au marasme actuel devront-ils s'y prendre pour se "réapproprier" la liturgie de l'Eglise? La réponse à cette question tient en deux mots: refuser et exiger. Le temps est venu de refuser avec une courtoise fermeté toute célébration liturgique qui n'est pas conforme aux données du Missel romain (4). Le temps est venu de se soustraire à toute célébration qui se dit "liturgique" mais qui n'est pas théocentrique. Là-dessus, il n'y a plus à discutailler; il n'y a plus à marchander. Si l'on doit exiger que la liturgie soit strictement célébrée en conformité avec le Missel romain, c'est parce qu'elle est un acte de l'Eglise.
A ce titre, elle doit clairement apparaître théocentrique, c'est-à-dire dirigée vers Dieu; car c'est Dieu qui est la raison d'être de notre liturgie. Par conséquent, il va falloir enfin se décider à refuser avec détermination les célébrations "cléricocentriques" - où le clergé devient le motif de la célébration -, "organistocentriques" - où l'organiste n'utilise la liturgie que pour satisfaire ses goûts musicaux (5) -, "choralocentriques" - où la chorale se fait plaisir en imposant le dernier chant à la mode -, "animateurocentriques" - où les agitations d'un(e) animateur(trice) distraient de l'essentiel -, "célébrantocentriques" - où le prêtre à l'autel ne sait qu'attirer l'attention sur lui -...
Les minauderies, le verbiage, les effets artificiels, les goûts subjectifs... tout ce qui n'est pas directement tiré du Missel romain et tout ce qui instrumentalise une célébration doit être refusé si l'on veut que la messe puisse demeurer le moment où chaque fidèle pourra entrer dans un coeur à coeur avec Dieu, et avec Lui seul. Le reste n'a pas sa place en liturgie, laquelle doit être célébrée comme elle doit l'être et ne doit en aucun cas devenir un motif d'introspection malsaine, ou de nombrilisme, ou encore d'évacuation de tourments psychologiques par improvisations ou innovations interposées.
Il va donc falloir très rapidement en finir avec tout ce qui permettrait d'utiliser la liturgie à des fins narcissiques. Ensuite, il convient d'exiger. Exiger que tout célébrant - à plus forte raison s'il s'agit d'un évêque - laisse les fidèles à l'abri de ses goûts, de ses préférences, de ses lubies, de ses préoccupations personnelles. Ce que pense, veut ou préfère un célébrant n'a aucunement à entrer en ligne de compte pour la mise en oeuvre de la liturgie; car la seule chose qui importe, c'est de faire ce qu'aime l'Eglise. Le célébrant n'aime-t-il pas le latin ou le grégorien ? C'est "son problème" mais ce n'est ni celui des fidèles ni celui de l'Eglise : il n'y a donc pas à faire passer les choix d'un célébrant avant les normes liturgiques établies par l'Eglise. Voilà pourquoi il est essentiel d'exiger, dans toutes les paroisses, que les célébrations liturgiques soient arrachées à l'arbitraire des célébrants et de leurs équipes (6).
Car ce à quoi le fidèle est en droit de participer, en effet, c'est à la liturgie de l'Eglise dans son intégrité: cette liturgie-là n'a pas à être un peu "comme ci" ou un peu "comme ça", avec "un peu de ceci" et "un peu de cela" pour faire plaisir à tout le monde. Non ! La liturgie donnée par l'Eglise n'est pas un patchwork: elle est très clairement définie et si on ne la reçoit pas telle qu'elle nous est transmise, et si on la saupoudre de ce qui pourrait faire plaisir aux uns et plaire aux autres, ce n'est simplement plus la liturgie de l'Eglise capable de signifier objectivement et de transmettre la foi reçue des Apôtres. Ce n'est alors plus que le "truc" sorti de l'imagination du curé, ou de l'équipe liturgique locale, ou encore de l'évêque... et ça n'est plus guère d'intérêt puisqu'on n'y trouvera que ce que les acteurs de la liturgie auront été capables d'y apporter, c'est-à-dire pas grand-chose de transcendant.
De ce fait, il est urgent de rappeler à tous les célébrants qu'un salmigondis de bons sentiments - les leurs ou ceux de leurs proches collaborateurs - n'a jamais fait une liturgie et n'a aucun intérêt sur le plan de la foi catholique. Plusieurs évêques de France ont d'ailleurs rappelé que la liturgie ne supportait pas les choix arbitraires, mais exigeait la fidélité et l'humilité... On peut simplement regretter le peu d'empressement, chez ces mêmes pasteurs, à appliquer eux-mêmes ce qu'ils énoncent si justement (7).
III. COMMENT RESPECTER LA LITURGIE QUAND ON NE L'A PAS APPRISE ?
Le "bricolage liturgique" que dénonçait si justement le Cardinal Ratzinger (8) et qui est aujourd'hui une caractéristique essentielle des célébrations paroissiales, prouve à l'envi que la liturgie n'est plus ni connue, ni comprise. Comment alors demander qu'elle soit célébrée correctement dans ces conditions si défavorables ? Pour répondre à cette question, il faut distinguer deux choses : premièrement la connaissance de la liturgie, et deuxièmement la mise en oeuvre de la liturgie.
Parlons d'abord de la connaissance. Grâce à internet, tout le monde peut avoir accès à des documents essentiels qui sont en tout point conformes à l'enseignement de l'Eglise et peuvent être à la base d'une formation minimale. Nous ne donnerons ici que trois titres, car mieux vaut se limiter à des choses simples et complètes, plutôt que de butiner à droite et à gauche pour ne trouver que des informations disparates et souvent incomplètes. Ces titres sont :
- l'Exhortation post-synodale Sacramentum Caritatis, qui donne un aperçu très complet sur ce que doit être la liturgie aux yeux de l'Eglise... et donc pour le coeur du baptisé;
- la Conférence donnée à Rome par Mgr Marc Aillet, Evêque de Bayonne, qui explique de façon brève et claire dans quelle direction aller pour retrouver l'authentique liturgie; - le "Cérémonial de la Sainte Messe à l'usage ordinaire des paroisses", qui constitue un guide sûr pour qui veut mettre fidèlement en oeuvre des célébrations liturgiques dignes et priantes.
Tels sont les textes et les études de références sur lesquels tout fidèle - qu'il soit prêtre ou laïc - aura intérêt à s'appuyer dès qu'il souhaite aborder une question d'ordre liturgique. Les autres publications du genre "guide de l'animateur liturgique", même si elles sont largement diffusées et employées (hélas !), devront impérativement trouver leur vraie place : la poubelle. Car on doit maintenant considérer comme étant définitivement révolu le temps où ces publications faisaient davantage autorité que le Missel romain dans les paroisses.
Venons-en à la mise en oeuvre de la liturgie. C'est la partie la plus difficile car le passage de la théorie à la pratique n'est pas toujours aisé. Il y a pourtant, au départ, des choses simples à faire pour rehausser la qualité des célébrations en se basant sur les études citées plus haut :
1. Mettre de l'ordre dans le choeur des églises: dans le sanctuaire, chaque chose doit être à sa juste place et rien de ce qui n'est pas prévu dans le Missel romain ne doit venir encombrer l'espace sacré. Autant dire qu'il faut impérativement supprimer les panneaux, les banderoles, les affichettes... et autres collages parfois aux couleurs de l'arc-en-ciel de la gay-pride.
2. Veiller à ce que tous les éléments utilisés dans la liturgie forment un ensemble harmonieux. Aucun clerc ne devrait plus porter ces affreuses "aubes-sacs" qui pendouillent lamentablement en transformant les ventres des célébrants en proéminences disgracieuses; aucun prêtre ne devrait accepter de revêtir les "chasubles Castelbajac" aux couleurs - encore une fois ! - de la gay-pride; aucune messe ne devrait être désormais célébrée sur un de ces simili-autels qui ressemblent à des caisses, à des tables, à des guéridons... à n'importe quoi, sauf à un autel du sacrifice; aucun prêtre ne devrait accepter de célébrer la Messe sur un autel où la croix et les cierges ne sont pas disposés symétriquement... etc.
3. Veiller à ce que tous les acteurs de la liturgie sachent exactement leur rôle, connaissent la place qui est la leur, et aient une tenue digne: ils sont affreusement pitoyables, ces célébrants qui se tiennent près de l'autel, bras ballants et mentons dans leurs cols roulés, comme ils se tiendraient devant une baraque à frites un soir d'ennui ! Comment peuvent-ils espérer, en affichant une telle désinvolture, donner l'exemple et donner à croire aux fidèles que la liturgie - et l'Eucharistie avant tout - sont les trésors les plus précieux aux yeux de l'Eglise ?
4. Veiller à ce que les chants exécutés au cours des célébrations soient des chants de qualité et soient des chants proprement liturgiques par leurs mélodies et leurs paroles. Ce n'est pas parce qu'un chant plaît à une assistance ou à une chorale qu'il peut ipso facto être qualifié de "liturgique": il est des chants à la mode qui apparaissent dans les célébrations puis qui disparaissent sans laisser la moindre trace. Or l'éphémère n'a jamais pu transmettre quoi que ce soit d'une génération à une autre; en liturgie encore moins qu'ailleurs ! Il faut donc retrouver impérativement le goût et l'usage du chant grégorien, chant liturgique par excellence (et dans ce domaine, les goûts du célébrant n'ont aucune espèce d'importance).
Contrairement à ce qu'on croit, le grégorien n'est pas difficile : il est simplement exigeant, ce qui n'est pas la même chose. Contrairement à ce qu'on croit, le grégorien n'est pas élitiste : il est éminemment populaire; et il faut rappeler ici que c'est le peuple qui l'a en grande partie transmis de générations en générations en des siècles où la notation musicale n'existait pas. Contrairement à ce que l'on croit, il n'est pas nécessaire d'avoir étudié le latin pour saisir le sens (on ne parle pas ici du "contenu") d'une pièce grégorienne : le sens se communique à l'intelligence propre à chaque fidèle par une imprégnation qui s'opère par la répétition des mêmes mots, des mêmes formules. C'est souvent plus efficace que de longs discours... et bien moins fastidieux. A ceux qui pensent encore qu'il faut être un "crac" en latin pour chanter du grégorien (ou participer à une messe en latin) demandons s'il faut savoir la langue de Shakespeare pour réussir à surfer à peu près correctement sur le web en évitant les spams et les bugs... tout en ouvrant les mails. Au sortir d'une messe en latin, le professeur de la Sorbonne qui maîtrise les déclinaisons n'est pas davantage sanctifié que l'ouvrier qui n'a jamais fait de longues études classiques !
5. Veiller à ce que les mariages et les enterrements soient l'occasion de célébrer la liturgie de l'Eglise et non des "fariboles" généralement imaginées et souhaitées par des gens qui ne mettent jamais les pieds à l'église. Les mariages et les enterrements sont effectivement - et malheureusement ! - les moments où l'on voit et où l'on entend dans les églises les pires niaiseries (les organistes en savent quelque chose). Un prêtre devrait donc être capable d'expliquer aux familles qui viennent le trouver qu'il n'est pas le maître de la liturgie; il devrait être capable de leur montrer le Missel romain (permettre aux fidèles de voir et de toucher ce gros livre en ces occasions-là est très pédagogique) et de leur dire que s'ils choisissent de venir à l'église, c'est qu'ils ont confiance en l'Eglise et donc qu'ils s'engagent à respecter les rites et les prières données par l'Eglise qui exigent d'être accomplis et dites dans le calme et le recueillement. A qui pourra-t-on faire croire que le sacrement du mariage est quelque chose de sérieux si, pendant sa célébration, on autorise Ginette à lire son poème composé pour la circonstance ou si l'on permet à l'oncle Jules d'y pousser la chansonnette parce que "ça plaît à la grand-mère du marié" ? La vraie question d'ordre "pastoral" qu'il faut se poser ici n'est jamais de savoir si une liturgie plaît ou ne plaît pas, mais de savoir si elle est catholique ou si elle ne l'est pas. Et elle ne l'est pas quand elle ne respecte pas ce que l'Eglise demande de faire (9). Car "lorsque, dans les réflexions sur la liturgie, on se demande seulement comment la rendre attirante, intéressante et belle, la partie est déjà perdue. Ou bien elle est opus Dei avec Dieu comme sujet spécifique, ou elle n'est pas." (10)
6. Ce qui vient d'être dit pour les messes de mariage ou de funérailles est aussi valable pour ce qu'on appelle communément les "messes de jeunes". Jésus a déclaré de façon très claire : "Si vous ne devenez comme les enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des Cieux" (Mt 18, 3). Par ses paroles, le Seigneur nous a appris que l'enfant est le symbole par excellence de la perfection de la vie spirituelle. De là le respect et l'attention profonde dont il doit bénéficier de la part des adultes. Mais de là aussi la profonde absurdité des "messes de jeunes" imaginées par des adultes qui, parce qu'ils n'ont plus des âmes d'enfants leur permettant d'entrer simplement dans la spiritualité liturgique de l'Eglise, croient que les enfants ne savent apprécier que des célébrations bêtifiantes. Les enfants, précisément parce qu'ils ont une vie spirituelle qui leur facilite l'entrée dans le Royaume des Cieux, ont une prédilection pour les belles liturgies qui, lorsqu'elles sont célébrées fidèlement, sont un reflet de la liturgie céleste; les enfants aiment les "vraies" messes et, même s'ils ne le disent pas, détestent ces adultes qui les prennent pour des débiles en les obligeant à participer à des "messes de jeunes" qui ne sont en réalité que des liturgies frelatées incapables de laisser une trace dans les mémoires et les coeurs.
Voici ce qu'écrivait l'Abbé Berto à ce sujet : « La prière, composée exclusivement de paroles empruntées à la liturgie et choisies avec soin parmi les plus expressives, accoutume l'enfant à modeler sa propre prière sur la prière de l'Eglise, elle lui imprime de bonne heure dans l'esprit des formules chargées de ce sens, fortes, sobres, prenant appui sur le fond même des mystères chrétiens, propres enfin à inspirer l'aversion tant pour ce bavardage spirituel, ce multiloquium que le Verbe incarné interdit à ses disciples, que l'aversion pour les excès de l'émotivité, de l'affectivité dans la prière. Je n'hésite pas à dire que ce dernier danger est très grand, très redoutable. Pourquoi tant de chrétiens sont-ils moins pieux dans l'âge adulte que dans l'enfance? L'une des causes, et non la moindre, c'est que la façon dont on les a accoutumés à prier les a laissés persuadés que la prière est émotion et effusion. Comme ils se sont trouvés, en grandissant, moins capables de cette émotion et de cette effusion, ils ont conclu que la piété n'est pas leur affaire, qu'ils ne sont pas organisés pour la piété. (...) On rencontre (...) des âmes très saintes, très près de Dieu qui, parce qu'une éducation mal dirigée les a imprégnées de la même erreur, se désolent de n'être pas pieuses. C'est comme si, à trente ans, on se désolait de n'avoir plus de dents de lait. L'expérience montre que cette confusion entre la piété et l'émotion a beau recevoir mille démentis, une fois implantée, elle est pratiquement indéracinable: il faut donc l'empêcher de s'enraciner, et le meilleur, peut-être l'unique moyen de l'en empêcher, c'est l'éducation liturgique ». (11)
L'Eglise n'entend pas qu'on adapte la liturgie au peuple - quel que soit son âge - et il faut donc rejeter cette proposition faussement évidente que la liturgie doit se plier aux goûts supposés d'une catégorie particulière de fidèles. (12)
7. Il serait enfin nécessaire de limiter considérablement les concélébrations qui, en ayant lieu dans un endroit donné pour donner l'illusion que les participants sont en nombre, privent bien des fidèles qui n'ont pas les moyens de se déplacer de la messe dominicale en même temps qu'elles obligent tous les concélébrants à se plier au diktat des équipes interparoissiales chargées de préparer ce genre de happening. Tout prêtre devrait aussi refuser de concélébrer (13), même avec son évêque, dès lors que ce dernier ne lui garantit pas que la liturgie sera fidèlement respectée. Il en va de la crédibilité des pasteurs.
IV. UNE STRATEGIE À SUIVRE.
Quelle stratégie faut-il suivre pour se "réapproprier" la liturgie et ainsi mettre peu à peu un terme définitif à la désintégration du rite romain ?
Premièrement, il faut que les prêtres qui célèbrent dignement et fidèlement la liturgie (quitte à se démarquer de ce qui se fait partout ailleurs) soient déculpabilisés, encouragés, aidés par les fidèles qui eux-mêmes tiennent au respect du Missel. Ces prêtres-là ne font en réalité que ce qu'ils doivent faire et comme ils doivent le faire; et aucune équipe liturgique locale, aucun évêque ne saurait le leur reprocher. Deuxièmement, il faut que les paroisses où la liturgie est respectée soient connues afin de pouvoir servir de modèles. Car c'est à partir de ces lieux d'exemplarité qu'une véritable reconquête de la liturgie pourra être entreprise.
Il faut, par conséquent, que les desservants de ces paroisses puissent se connaître, entrer en contact les uns avec les autres, s'entraider, se booster mutuellement... Internet peut pour cela se révéler un outil magnifique et nous proposons, pour tous les fidèles - clercs et laïcs - qui souhaitent entreprendre cette "reconquête" de la liturgie, deux pôles de référence : la paroisse de Villars-les-Dombes et notre Association "Pro Liturgia". C'est un début : il y en aura d'autres.
Troisièmement enfin, il ne faut plus que les fidèles aient à se contenter d'avoir de temps en temps une "messe correcte"... ou "moins pire que d'habitude". La qualité et le respect de la liturgie ne sont ni négociables ni optionnelles, et il faut donc que la liturgie soit partout et toujours célébrée comme elle doit l'être et non comme la communauté locale ou le groupe paroissial veut qu'elle soit célébrée. Ce point capital, qui est du ressort de la compétence des évêques diocésains, "gardiens et promoteurs de la liturgie de l'Eglise", ne saurait en aucun être zappé pour des motifs pastoraux toujours plus ou moins basés sur des arguments fallacieux tels que le "pluralisme", la "charité", l' "ouverture"... etc. (14)
Il ne tient qu'aux évêques que la liturgie cesse d'être un chantier permanent qui éloigne de plus en plus les fidèles de l'Essentiel, ou bien un champ de bataille sur lequel se battent des groupes de baptisés plus ou moins rivaux: il leur suffit pour cela de donner eux-mêmes l'exemple et de veiller à ce que partout, en toute circonstance, on suive fidèlement les normes de la célébration données par l'Eglise. (15)
"Plus que jamais, le monde a besoin aujourd'hui d'une liturgie ayant la force de résister au culte de l'ego, à l'idolâtrie du "je - moi - mon", au terrorisme du subjectivisme. La nécessité du respect des normes liturgiques n'est pas un rabat-joie: elle nous apporte plutôt une grande liberté nous permettant d'accéder à la joie véritable. C'est ce que disait Romano Guardini : « Présenter à Dieu un jeu, une oeuvre d'art - non pas s'affairer, mais être - c'est cela l'essence véritable de la liturgie » (De l'Esprit de la Liturgie, 1921)." (16)
NOTES.
(1) Cf. La célébration de la foi (Ed Téqui); Entretien sur la foi (Ed Fayard); L'esprit de la liturgie (Ed Ad Solem).
(2) Cardinal Francis Arinze, Conférence donnée à Paris.
(3) Code de Droit canonique, Can. 214, 221.
(4) Jean-Paul II, Motu proprio Ecclesia Dei adflicta.
(5) Quand l'organiste est lui-même un angoissé chronique, comme peuvent l'être bien des artistes, on imagine que certaines de ses improvisations échevelées sont plus stressantes que pacifiantes. D'où l'avantage qu'on a à jouer des oeuvres écrites soigneusement sélectionnées.
(6) Cardinal Joseph Ratzinger, La réforme liturgique en question.
(7) Cardinal Ricard, Mgr Dagens et al. au moment de la publication du Motu Proprio Summorum Pontificum.
(8) Cf. La célébration de la foi (Ed Téqui); Entretien sur la foi (Ed Fayard); L'esprit de la liturgie (Ed Ad Solem).
(9) Il est très facile pour un curé de paroisse de faire comprendre tout ceci aux gens. Il suffit de leur dire: "Que penseriez-vous d'un match de foot où les joueurs ne suivent pas les règles du jeu et font perdre leur équipe? Vous vous en prendriez à l'arbitre qui ne dit rien, n'est-ce pas? En liturgie, c'est pareil: il y a des règles qui ne dépendent pas des "joueurs". En tant que prêtre, je suis tenu d'observer ces règles." Pour les messes d'enterrement, il est très facile d'expliquer aux gens que l'Eglise sait mieux que la famille du défunt ce qu'il convient de demander à Dieu pour l'âme de celui qui a quitté cette vie terrestre. Montrons donc notre confiance en l'Eglise en suivant ce qu'elle demande de faire pour la liturgie des défunts.
(10) Benoît XVI, Discours au monastère cistercien d'Heiligenkreuz.
(11) Abbé Berto, Le Cénacle et le Jardin, éd. DMM, 2000 (Préface de Dom Le Gall, alors Abbé de Kergonan).
(12) "(...) il est nécessaire que les fidèles accèdent à la liturgie avec les dispositions d'une âme droite, qu'ils harmonisent leur âme avec leur voix, et qu'ils coopèrent à la grâce d'en haut pour ne pas recevoir celle-ci en vain. C'est pourquoi les pasteurs doivent être attentifs à ce que dans l'action liturgique, non seulement on observe les lois d'une célébration valide et licite, mais aussi à ce que les fidèles participent à celle-ci de façon consciente, active et fructueuse. (...) Cette participation pleine et active de tout le peuple est ce qu'on doit viser de toutes ses forces dans la restauration et la mise en valeur de la liturgie. Elle est, en effet, la source première et indispensable à laquelle les fidèles doivent puiser un esprit vraiment chrétien ; et c'est pourquoi elle doit être recherchée avec ardeur par les pasteurs d'âmes, dans toute l'action pastorale, avec la pédagogie nécessaire." (Cf. Const. Sacrosanctum Concilium)
(13) Cf. Code de Droit canonique, Can. 902: "A moins que l'utilité des fidèles ne requière ou ne conseille autre chose, les prêtres peuvent concélébrer l'Eucharistie, étant respectée la liberté pour chacun de la célébrer individuellement, mais pas quand il y a une concélébration dans la même église ou le même oratoire."
(14) La première des marques de charité, pour un évêque, pour tout prêtre, ne consiste-t-elle pas à ne pas priver les fidèles du trésor liturgique que l'Eglise veut leur donner?
(15) "A côté de ces bienfaits de la réforme liturgique, il faut reconnaître et déplorer certaines déviations, plus ou moins graves, dans son application. On constate parfois des omissions ou des ajouts illicites, des rites inventés hors des normes établies, des attitudes ou des chants qui ne favorisent pas la foi ou le sens du sacré (...). On ne peut tolérer que certains prêtres s'arrogent le droit de composer des prières eucharistiques ou de remplacer les textes de l'Ecriture sainte par des textes profanes. Des initiatives de ce genre, loin d'être liées à la réforme liturgique elle-même, ou aux livres qui en sont issus, lui contreviennent directement, la défigurent et privent le peuple chrétien des richesses authentiques de la liturgie de l'Eglise. Il appartient aux évêques d'extirper ces abus, puisque le gouvernement de la liturgie dépend de l'évêque, dans les limites du droit, et que la vie chrétienne de ses fidèles découle de lui en quelque manière." Cf. Jean-Paul II, Vicesimus quintus annus, n.13.
(16) Dom Wallner o. cis., Conférence donnée à Heiligenkreuz.