« Voyez, je vous ai enseigné des lois et des normes comme le Seigneur mon Dieu me l’a ordonné, pour que vous les mettiez en pratique dans le pays où vous allez entrer pour en prendre possession. Vous les observerez donc et vous les mettrez en pratique, parce que cela sera votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples » (Deutéronome 4, 5). Cette déclaration de Moïse au peuple d’Israël devrait être méditée par les hommes politiques catholiques qui considéreraient qu’il leur faut faire abstraction de leur propre identité au nom du dépassement de leur situation pour ne pas être considérés comme « des séparés, des isolés ». Nous pourrions nous servir actuellement de ces paroles en disant : « Quelle sera votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peules », en traduisant « quelle sera votre identité face aux autres ». Si « parti » vient de « partie », comment pourraient s’y trouver ensemble « deux parties », deux identités substantiellement différentes et opposées, en continuant à considérer d’être une seule partie ? On répond : au nom de la laïcité. Bien : mais quelle laïcité ?
Pour la Doctrine Sociale catholique, la laïcité est une autonomie de la sphère civile et politique vis-à-vis de l’autonomie religieuse et ecclésiastique, mais non pas de l’autonomie morale (cf. « Note doctrinale sur des questions concernant l’engagement et l’attitude des catholiques dans la vie politique », n°6). C’est la « laïcité saine » ou encore la « laïcité bien comprise », comme l’a souvent rappelé le Pape Benoît XVI ; autrement, elle est « mal comprise » et mal comprise comme « pluralisme du point de vue du relativisme moral, nocive pour la vie démocratique elle-même, laquelle a besoin de fondements vrais et solides, ce qui veut dire de principes éthiques qui, par leur nature et par leur rôle de fondement de la vie sociale, ne son pas négociables » (ibid. n° 3). Ce n’est pas par hasard que se sont multipliées, dans différents milieux sociaux, les demandes de « codes éthiques », en réalité, ils ne sont que le « retour par la fenêtre », malheureusement en version caricaturale, du Décalogue du Sinaï mis « à la porte » par un certain laïcisme idéologique en Europe. On voit revenir, sous une forme décentrée, l’éthique de l’Etat de mémoire hégélienne qui remplaça celle de Dieu, et se divinisa dans les formes des Etats nazis et communistes. Sur tout cela, nous aimerions que méditent ces catholiques, si prêts, de manière irénique et idéologique, à organiser et à lancer, sur les valeurs justes de la paix et du moratoire sur la peine de mort, des meetings et des moratoires avec n’importe qui, mais réticents pour s’unir avec leurs frères mêmes dans la foi, pour « observer et mettre en pratique dans leur pays » au moins l’éthique du Sinaï, ou du moins celle du Discours sur la Montagne. Ne devraient-ils pas apporter un témoignage à cette éthique, comme pour la racine d’une Nation et d’un Continent comme l’Europe, désormais plus territoire de mission et de nouvelle annonce de l’Evangile ? Une fausse concorde, fruit de compromis identitaires, au nom des valeurs, et le premier entre tous celui de la fausse paix construite par l’homme, et selon les impératifs des pouvoirs forts du monde, est l’œuvre de l’antéchrist, comme le prévoyait Solov’ev au début du siècle dernier. La signification profonde du fait d’être chrétiens, aujourd’hui comme toujours, est représentée par le binôme indispensable, dont on ne peut se passer, d’unité et de mission. La recherche de l’unité entre ceux qui croient au Christ, « pour que tous soient un » et la mission, l’évangélisation comme élément auquel on ne peut renoncer de la vie chrétienne, comme accomplissement du, mandat du Christ, doivent caractériser tout existence chrétienne dans chaque milieu, et même dans le milieu politique. L’évangélisation est aujourd’hui absolument prioritaire et essentielle dans une Europe secouée par une crise de la foi sans égale dans l’histoire, tout comme dans les autres continents : « La mission du Christ Rédempteur, confiée à l’Eglise, est bien loin encore de son accomplissement. Au terme du deuxième millénaire de sa venue, un regard d’ensemble sur l’humanité montre que cette mission en est encore à ses débuts, et que nous devons travailler de toutes nos forces en nous mettant à son service » (Redemptoris Missio, 1). Ici, se poursuit le discours de Moïse : « Les peuples, en entendant parler de toutes ces lois diront : Cette grande nation est le seul peuple sage et intelligent. En effet, quelle grande nation a la divinité si proche d’elle, comme le Seigneur Notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons » (Deutéronome 4, 8)
Il est nécessaire de dépasser ce « respect humain » qui fait « crier à l’ingérence » de la part des laïcs, ou à l’intégrisme de la même partie catholique, chaque fois qu’un catholique continue à être tel, même s’il est assis dans un des Parlements des démocraties du monde. Comme cela a été rappelé aux Pères de la Congrégation Générale de la Compagnie de Jésus, par le Pape Benoît XVI : « Vous devez être attentifs afin que vos œuvres et vos institutions conservent toujours une identité claire et explicite, pour que la fin de votre activité ne reste pas ambiguë et obscure, et pour que de nombreuses personnes puissent partager vos idéaux et s’unir à vous de manière efficace et avec enthousiasme » (Discours du 21 février 2008). Est-il possible que cela ne vaille pas pour les catholiques engagés dans la politique ? Oh que oui, et comment peut-on laisser en dehors de la compétition politique les valeurs éthiques ! C’est à une présence, et seulement à cette présence, que sont appelés les catholiques, dans une unité visible, partout où ils trouvent dans le monde. Etre des témoins authentiques de l’Evangile, c’est la mission à laquelle appelle le Baptême que nous avons reçu, et aucun de ceux qui croient dans le Christ ne peut se soustraire au devoir suprême d’annoncer le Christ à tous les peuples !
Fides