Les fidèles chrétiens ne pourront bénéficier de Liturgies dignes, belles et vraiment profondes tant que les célébrations seront présidées par des prêtres incapables d’intérioriser “l’éthos” qu’impose la Liturgie, à savoir cette manière d’être faite de dignité, d’effacement et de réserve qui seule peut faire du prêtre un “pontifex”, c’est-à-dire un “constructeur de ponts” entre Dieu et les hommes. Inutile de répéter que cette attitude est à peu près absente chez la plupart de nos célébrants, qui se trouvent alors être plus des obstacles et des empêcheurs de prier qu’autre chose… Nous autres, fidèles, sommes fatigués de se voir infliger dimanche après dimanche les personnalités envahissantes de nos clercs en mal de mise en scène. Nous sommes fatigués d’avoir à subir au cours des célébrations dominicales leurs interminables commentaires, leurs discours vides, leurs simagrées bien souvent grotesques, leurs attitudes tantôt puériles tantôt compassées, mais toujours superficielles, comme s’il y avait en eux une forme de peur-panique d’avoir à descendre jusqu’aux profondeurs de leur vie intérieure, et de réaliser à quel point celle-ci est vide...
Ce que nous demandons au clergé n’est pourtant pas bien compliqué ! Nous n’exigeons pas de nos prêtres qu’ils soient de grands saints ou de grands mystiques. Nous savons que la misère humaine est peut-être la chose au monde la mieux partagée et la mieux répartie, et que le clergé n’en est pas épargné. Non ! Nous ne leur demandons qu’une chose : qu’ils soient de vrais célébrants. Mais qu’est-ce qu’un vrai célébrant ? Le vrai célébrant est celui qui est conscient de sa propre misère, et qui par conséquent sait se taire et s’effacer derrière le rite, de peur d’infliger cette misère aux fidèles présents. Le vrai célébrant est celui qui sait que ce que l’Église a à dire est plus important que ce qu’il a lui-même à dire. C’est pourquoi il se contente de proclamer les prières prescrites par l’Église, et réserver ses prières privées pour son for intérieur. Le vrai célébrant est celui qui sait que le centre et le cœur de toute Liturgie, c’est le Christ vivant, et non sa propre personne ; c’est pourquoi il s’emploie à manifester, par sa propre manière d’être effacé et de célébrer dignement, cette “centralité” de Dieu. Le vrai célébrant est celui qui sait que la Liturgie est d’abord prière du cœur ; c’est pourquoi il s’attache à bannir tout geste, toute parole, toute attitude qui n’est pas prière, qui n’exprime pas la prière, qui ne porte pas à la prière ; Le vrai célébrant est celui qui sait que l’héritage choral, rituel, artistique et symbolique légué par la Tradition immémoriale de l’Église exprimera toujours mieux la foi que ses propres idées, inventions et créations ; c’est pourquoi il s’attache à toujours célébrer la Sainte Liturgie dans la fidélité à l’esprit et à la forme de cette Tradition vivante, sans chercher sans cesse à tout réinventer ; Le vrai célébrant est celui qui sait que la Liturgie n’est pas sa propriété mais celle de l’Église. Le vrai célébrant est aussi celui qui sait que la Liturgie exprime une foi objective et universelle, que certes elle doit toucher les cœurs mais qu’elle n’est pas un “attrape-nigaud” conçue pour attirer les fidèles ; par conséquent il se garde bien d’introduire dans la célébration tout ce qui se rattache à des modes passagères, peut-être provisoirement populaires mais toujours mondaines et superficielles.
Bref, un vrai célébrant, c’est un prêtre qui, stable sur le plan émotionnel et psychologique, se sait pécheur ; et qui non seulement se sait pauvre, mais qui, en fils de l’Église et ministre de cette même Église, sait que le remède au péché, c’est le Christ, donné aux hommes par l’Église à travers la Sainte Liturgie. Voilà ce que nous attendons de nos prêtres ! Voilà ce qu’ils devraient être et comment ils devraient apparaître lorsqu’ils accèdent à l’autel du Seigneur.
Pro Liturgia