Si l’on demandait aux fidèles catholiques qui ont déjà assisté au lavement des pieds qui se fait durant la liturgie du Jeudi Saint quelle est la signification de ce rite, il est certain qu’ils donneraient une explication qui ne seraient pas différente de celle que pourraient donner les Protestants : il s’agit de rappeler l’importance de la charité et du service humble que tous les disciples du Christ doivent pratiquer les uns envers les autres. Voilà donc à quoi a été réduit le “Mandatum” : une invitation à s’entraider ; puisque vous me lavez les pieds, je vais laver les vôtres... Le “Mandatum” est désormais perçu comme une coutume luthérienne ou anglicane :
Pourtant, si l’on interroge l’histoire de la liturgie et qu’on lit les commentaires patristiques, on constate que le lavement des pieds n’a jamais été compris comme étant le signe d’un service mutuel. Le lavement des pieds lié au sacerdoce d’Aaron et des Lévites, dans l’Ancien Testament, a toujours été une préfiguration du “Mandatum” de la liturgie du Jeudi Saint par lequel le Christ a voulu préparer ses Apôtres au sacerdoce de la Nouvelle alliance. En raison de cette compréhension, les Pères de l’Église ont donné au rite du lavement des pieds une interprétation visant à faire saisir que les Apôtres devaient être purifiés et conformés au Christ-prêtre. En d’autres termes, le rite du “Mandatum” a toujours porté sur le statut et l’identité du prêtre comme “alter Christus” et devait, de ce fait, demeurer réservé aux membres du clergé. En 1955, Pie XII a autorisé que les laïcs puissent remplacer les prêtres lorsque, dans une paroisse, le nombre de clercs était insuffisant. Cette décision a été particulièrement bien accueillie par l’aile progressiste qui se montrait opposée à la nature hiérarchique de l’Église. Sans surprise, l’autorisation a été exploitée par ceux qui commençaient à contester l’idée de sacerdoce ministériel. Le P. Yves Congar avait alors déclaré : “Nous sommes encore loin de tirer les conséquences de la redécouverte du fait que toute l’Église est un seul Peuple de Dieu et que les fidèles la composent avec le clergé. Inconsciemment, nous avons encore l’idée que l’Église est composée du clergé et que les fidèles ne sont que leurs bénéficiaires ou leur clientèle. Cette horrible conception est inscrite dans tant de structures et de coutumes qu’elle semble gravée dans la pierre et qu’il difficile de changer quoi que ce soit. C’est pourtant une trahison de la vérité. Il reste encore beaucoup à faire pour décléricaliser notre conception de l’Église.”
En lavant les pieds à des fidèles laïcs, dont des femmes, le pape François n’a pas joué en faveur d’une redécouverte du véritable sens du “mandatum”. A son exemple, on se fait un point d’honneur de laver maintenant les pieds à des femmes et dans certaines paroisses, ce sont même des laïcs des deux sexes qui lavent les pieds d’autres laïcs. Si l’on ajoute à cela le fait que la liturgie du Jeudi Saint est (malgré une interdiction du Siège apostolique qui n’a jamais été levée) célébrée sur des tables dressées dans les nefs, on voit que ce sont des communautés paroissiales entières qu’on fait glisser vers le protestantisme, c’est-à-dire vers une Église progressivement sans prêtres, sans sacrements et sans doctrine objective. Le schisme est donc à nos portes.