9 juin 2007
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La "querelle des rites" qui oppose depuis plus de 40 ans les fidèles attachés à la liturgie romaine d'avant Vatican II (dite "de Saint Pie V") aux fidèles attachés à la liturgie romaine restaurée à la suite du Concile, a conduit à une situation dont on ne sortira qu'au prix de grandes difficultés tellement elle est mal "emmanchée"…

Les "progressistes" se veulent fidèles à l'enseignement du Concile. Or, quand on voit ce qu'ils font ou font faire dans les paroisses, on en déduit immédiatement qu'ils n'ont jamais dû consulter ni les textes de Vatican II ni le missel romain actuel. En effet : où ont-il vu qu'il fallait remplacer les autels par des tables ? Où ont-ils vu qu'il était obligatoire de célébrer la messe face au peuple ? Où ont-ils vu qu'il fallait remplacer le chant grégorien par des refrains tellement pauvres ? Où ont-ils vu que le célébrant a le droit de modifier la liturgie selon ses goûts ou selon les goûts supposés de l'assemblée ? Où ont-ils vu que la dignité et la beauté d'une célébration était une entrave à la participation des fidèles ? Où ont-ils vu qu'il fallait imposer partout des "animateurs liturgiques" faisant des moulinets avec un zèle inversement proportionnel à leurs compétences liturgiques et musicales ? Oui, la crise liturgique mettra beaucoup de temps à se résorber, car de quelque côté que l'on se place, on voit bien que ceux qui parlent le plus de liturgie sont surtout ceux qui la connaissent le moins : d'un côté se trouvent ceux qui critiquent une messe "conciliaire" qu'ils n'ont jamais vue car elle n'existe pas dans les paroisses, et de l'autre côté se trouvent ceux qui se prévalent d'un Concile qu'ils n'ont jamais cherché à appliquer. De quelle autorité se réclament les uns et les autres ? On aimerait le savoir. Une chose est certaine : ce n'est pas de l'autorité de l'Eglise !
Alors, on entend certains fidèles "traditionalistes" dire que l'Eglise devrait être plus "tolérante" et accepter qu'on puisse célébrer selon l'ancienne forme de la liturgie romaine. Le problème vient de ce qu'une tolérance de l'Eglise à l'égard de ceux qui revendiquent l'usage des livres liturgiques d'avant Vatican II impliquerait une tolérance identique à l'égard de ceux qui croient respecter la liturgie issue de Vatican II en ne sachant pas qu'ils en trahissent systématiquement la forme chaque dimanche, depuis plus de 40 ans... Et la "tolérance", on s'en rend bien compte, placerait le Magistère dans une position très difficile, voir impossible à gérer. Dans ces conditions, le Motu proprio libéralisant la messe "de Saint Pie V" - utilisons cette dénomination puisque c'est la plus courante - lorsqu'il sera publié, ne pourra qu'être accompagné d'un document expliquant que la célébration de l'Eucharistie réalisée selon les anciens livres n'est pas à considérer comme une fin en soi, mais comme un moyen de redécouvrir les exigences inhérentes à la célébration du "sacrement de l'unité". Il y a fort à parier que le Motu proprio sera bien plus qu'une simple autorisation... et qu'il ne plaira pas à tout le monde, peut-être pas même aux "traditionalistes" qui comptent dans leurs rangs des fidèles d'une rare intransigeance, comme l'a fait remarquer récemment Jean Sévillia sur l'un de leurs blogs.
Il reste une question à poser : pourquoi en est-on arrivé à cette situation de "querelle des rites" dont on ne voit pas vraiment l'issue ? La réponse qu'il faut donner ne fera pas plaisir à tout le monde, mais il faut bien la donner tout de même. La "querelle des rites" est le résultat - pas "que" le résultat mais essentiellement le résultat - d'une inaptitude de [certains] évêques français : ils n'ont jamais parlé quand il fallait parler; ils n'ont jamais donné eux-mêmes le bon exemple lorsqu'ils célébraient la liturgie; ils ont tout accepté, y compris l'inacceptable fait sous couvert d'expériences pastorales. Ils ont laissé dire que le Concile avait supprimé ou interdit le latin et le grégorien. Ils ont fermé les yeux sur les improvisations et les expériences liturgiques qui se faisaient dans leurs propres séminaires diocésains. Oui, les évêques de France furent, par leurs faiblesses, leurs silences, leurs complaisances... les grands instigateurs de la crise liturgique. Aujourd'hui encore, lorsqu'ils célèbrent une messe de funérailles pour tel ou tel acteur de cinéma (le petit peuple, lui, n'a pas le droit à une messe d'enterrement...), ils autorisent n'importe quel chant profane au cours de la liturgie, et ne respectent pas toujours les textes du missel romain. C'est dire qu'on ne pourra guère compter sur eux pour sortir de la crise. Car cette crise, ils ne la voient pas, ne veulent pas la voir, ne veulent pas en savoir l'ampleur. Peut-être est-ce parce qu'ils se sentent incapables de la surmonter ? On ne sortira pas si vite de la "querelle des rites", parce que, d'un côté comme de l'autre, depuis plus de 40 ans, on a laissé dire tout et n'importe quoi au sujet de Vatican II, on a laissé faire tout et le contraire de tout au nom de la fidélité au Concile, ce qui a favorisé un long pourrissement de la situation et, par contrecoup, un raidissement des positions des uns comme des autres. Tel est le bilan que l'on peut faire à la veille de la publication, par Benoît XVI, d'un Motu proprio devant faire suite à Ecclesia Dei adflicta.