En discutant avec des prêtres exerçant selon « la forme extraordinaire » mais aussi avec ceux exerçant selon « la forme ordinaire » de l’unique rit romain, certains d’entre eux semblent oublier que la liturgie ne leur appartient pas mais qu’elle est avant tout action du Christ et de l’Eglise, son Epouse Mystique ! Elle ne doit et ne peut donc pas être utilisée de manière idéologique voire volontairement partisane…
En liturgie, la sensibilité a toute son importance. Mais uniquement à condition qu'elle ne s'exprime que pour adhérer à ce qui est juste et vrai, et pas qu'elle soit utilisée pour justifier l'introduction de pratiques subjectives, partisanes, idéologiques qui vont dénaturer la liturgie. Quand on apprend que, pour la messe d'enterrement de tel acteur de cinéma, on a fait interpréter la musique de tel ou tel film, la sensibilité est ici totalement décalée par rapport à la vérité liturgique que seule peut garantir l'intégrité de la célébration. Donc, avant d'introduire en liturgie ce qui est sensé plaire aux fidèles ou répondre à telle ou telle sensibilité, il convient d'apprendre ce qui se passe réellement au cours d'une célébration eucharistique, afin de ne pas laisser vagabonder son émotivité là où elle n'a pas à aller. Si l'on a conscience que la Messe est la reproduction (de manière actualisante, commémorative) de l'Unique Saint-Sacrifice de la Croix, que Notre Seigneur s’immole de nouveau avec Son Epouse Mystique mais de manière non-sanglante, alors il faut convenir qu'il y a des musiques et des comportements qui ne conviennent pas dans le cadre d'une liturgie, même s'ils correspondent à une sensibilité tout à fait respectable en elle-même : on peut tout de même légitimement penser que la Vierge Marie et Saint Jean, au pied de la Croix, n'avaient pas précisément le cœur à taper dans les mains au rythme d'un refrain jazzy... « La liturgie n’est pas un show ! » (Cardinal Ratzinger, Entretien sur la Foi). De l’autre côté, si je puis m’exprimer ainsi, la liturgie ne doit pas se limiter à une « spiritualité des rubriques jusqu’au baiser des burettes » ! (Dom Louis-Marie, Père-Abbé du Barroux).
La sensibilité ne crée pas ce qui est juste ou bon. Elle permet d'adhérer avec son cœur à ce qui est Vrai, sachant que la Vérité est antérieure à nos sentiments. Ce ne sont donc ni notre sensibilité ni nos goûts qui doivent gouverner la liturgie, mais c'est la liturgie de l'Eglise qui doit canaliser notre sensibilité et éduquer nos goûts. Sans une telle canalisation, sans une telle éducation, la sensibilité introduite en liturgie se transformera en sensiblerie ou en sentimentalisme, et l'éducation se limitera à n'être plus qu'un stérile formatage des esprits. Sentimentalisme religieux et formatage des esprits ne peuvent qu'engendrer des célébrations qui replient l'homme sur lui-même au lieu de lui donner de pouvoir s'ouvrir à l'Absolu.
Inspiré de Pro Liturgia