« Le mérite et la grandeur de la Bienheureuse et Glorieuse Marie toujours vierge, l’ange les proclame de la part de Dieu quand il dit : « Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre les femmes ». Il convient que la Vierge soit assurée de pareils dons : elle doit être pleine de grâce, elle qui donne la gloire au ciel, le Seigneur à la terre, et qui apporte la paix, la foi aux nations, un terme aux vices, une règle à la vie, une discipline pour les mœurs. Pleine de grâce en effet, car aux autres la grâce n’est donnée qu’avec mesure tandis qu’en Marie la plénitude de la grâce se répand d’emblée tout entière. Vraiment pleine, car si l’on croit qu’il y eut grâce chez les saints patriarches et les prophètes, elle n’est pourtant pas pleine à ce point. Mais en Marie survient, quoique d’une manière différente, la plénitude de toute la grâce qui est dans le Christ. C’est pourquoi l’ange dit : « Tu es bénie entre les femmes », c’est-à-dire bénie plus que toutes les femmes. Ainsi toute la malédiction répandue par Ève, la bénédiction de Marie l’enlève entièrement. C’est d’elle que Salomon parle comme à sa louange dans le Cantique : « Viens, ma colombe, dit-il, ma toute belle, viens. Voici que l’hiver est passé. Les pluies sont finies, elles s’en sont allées » (Cantique des cantiques 2, 10). Et ensuite il ajoute : « Viens du Liban, viens, tu seras couronnée ». Ce n’est donc pas sans raison que Marie est invitée à venir du Liban; car « Liban » signifie blancheur éclatante. Elle est en effet éclatante de mérites et de vertus sans nombre, plus blanche que neige pure, grâce aux dons du Saint-Esprit montrant toujours la simplicité de la colombe; car ce qui s’accomplit en elle est toute pureté et simplicité, toute vérité et grâce, toute miséricorde et justice, cette justice qui des cieux se penche. Marie est donc immaculée puisque rien ne la souille. Car elle a entouré un homme dans son sein, comme le saint prophète Jérémie l’atteste, ce n’est pas d’ailleurs qu’elle l’a reçu. « Le Seigneur, dit-il crée du nouveau sur la terre. La femme entoure un homme » (Jérémie 31, 22). Du nouveau, c’est bien vrai; nouveauté des vertus qui surpasse toute nouveauté : Dieu (que le monde ne peut porter et que personne ne peut voir sans mourir) a fait son entrée comme en sa demeure dans un sein dont il ignore les limitations corporelles, il y a été porté et toute Sa Divinité s’y trouvait il en est sorti « la porte complètement close », selon la prophétie d’Ézéchiel (cf. 44, 2). Aussi est-ce de Marie que le Cantique chante encore : « Jardin bien clos, source scellée. Tes effluves, un paradis ! » (4, 12). C’est un vrai jardin de délices dans lequel sont plantées toutes les espèces de fleurs et où s’exhalent tous les parfums des vertus. Il est si bien fermé qu’on ne peut le violer ou s’y introduire par ruse. C’est donc la source scellée du sceau de toute la Trinité ».
Sermon de Paschase Radbert, Lettres, 9, 5 et 9: PL 30, 127