« Sommes une jeunesse, Messieurs ! Sommes la jeunesse de Dieu. La jeunesse de la fidélité ! Et cette jeunesse veut préserver pour elle et pour ses fils, la créance humaine, la liberté de l'homme intérieur... » (Charette)
Il y a quelques années, il était de bon ton de ne rien dire à propos des abus liturgiques ou au sujet de l'incohérence et du grotesque dont certains faisaient preuve en prétendant mettre Vatican II en œuvre. Le tripatouillage liturgique était entré dans les habitudes, et une certaine clérocratie française - qui n'a malheureusement pas totalement disparu de nos diocèses - s'en faisaient une gloire.
Le fidèle qui, après avoir lu et correctement compris le Concile, se permettait de critiquer les habituelles falsifications liturgiques dont se vantait son curé ou son évêque, était immédiatement classé "réac", "anticonciliaire", "intégriste", "lefebvristes"... ces termes qu'on trouve le plus souvent chez les inlassables champions de l' "ouverture" et la "tolérance". On soupçonnait même le Cardinal Ratzinger d'être contre le Concile et de s'être rangé du côté d'Ecône. N'avait-il pas à plusieurs reprises osé dire et écrire que la liturgie traversait une grave crise ? Certains évêques français avaient pris ces propos du Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi comme des atteintes à leur clairvoyance et à leur sens pastoral, eux qui n'avaient jamais voulu voir la moindre trace de crise liturgique... peut-être faute de regarder dans la bonne direction. Oui mais voilà : contre toute attente, le Cardinal Ratzinger est devenu le pape Benoît XVI et, à la suite de Jean-Paul II, il a continué de parler de "crise liturgique" et d' "abus" qui ont été introduits dans la pratique liturgique. Et le Cardinal Arinze, puis Mgr Ranjith, Mgr Gaidon et Mgr Bruguès, et bien d'autres se sont mis à faire les mêmes constats que le Souverain Pontife. Les propos tenus par ces Pasteurs aussi courageux que clairvoyants n'auront été des surprises que pour ceux qui se sont voilé la face durant des années, feignant de croire et faisant croire qu'il n'y a pas de crise liturgique en France puisque tout a été fait pour que le Concile soit correctement appliqué. Cette vision "gallicane" des choses, qui contredit le constat fait par le Saint-Père et par d'autres avec lui, montre bien que dans nos diocèses, peu savent encore de quoi ils parlent quand ils parlent de liturgie : nos messes paroissiales oscillant entre l'indigence et le style "Star Ac'" n'enchantent plus guère que quelques responsables diocésains organisateurs de sessions de recyclage où l'on se plaît à brasser du vent, ainsi que des fidèles vieillissants impliqués dans l' "animation liturgique" ou l'organisation de "funérailles sans prêtres" - le "must" en matière d'engagement des laïcs -.
La crise est ainsi niée par ceux qui se réclament d'un Concile qu'ils n'ont, au fond, jamais cherché à appliquer fidèlement puisque la lecture qu'ils en ont faite ne leur a pas permis d'en comprendre le véritable sens. La crise est ainsi niée par ceux qui célèbrent des liturgies minimalistes au cours desquelles ils cherchent à se montrer "sympa" avec tout le monde au point de conduire tout le monde à ignorer ce qu'est la célébration de l'Eucharistie. Ainsi, les "réac" d'hier qui dénonçaient les abus liturgiques sont aujourd'hui remplacés par des "néo-réac"; ce sont ceux qui persistent à ignorer cette crise liturgique profonde dont ils veulent demeurer les promoteurs et les gardiens. Voilà pourquoi l'Exhortation post-synodale Sacramentum Caritatis - et les autres documents magistériels - ne trouvent chez eux aucun écho. La crise liturgique que beaucoup de pasteurs ne se résolvent pas à voir n'est-elle pas aussi le signe qu'une partie du clergé français est aujourd'hui devenu captif d'un "système ecclésiastique trop préoccupé de sa propre survie", comme le soulignait déjà le P. de Vaucelles en 1971 (cf. revue Etudes) ?
Pro Liturgia