Le mystère marial est le "nexus mysteriorum", le lien intérieur des mystères dans leur face à face et leur unité, lien aussi d'Israël et de l'Église, de l'Ancien Testament et du Nouveau. Il fixe la correspondance humaine à la réalité du Verbe incarné. En ce sens Marie est bien « victorieuse de toutes les hérésies », Sceptre de l'orthodoxie par sa foi pure qui est celle de l'Église vierge de toute souillure. L'élément marial est principe d'incarnation et de personnalisation de la théologie, l'empêche de réifier les mystères, lui évite dessèchement et sentimentalisme en unifiant, en l'Église parfaite adoratrice à la suite de Marie - l'Église ne rend aucune louange au Christ sans s'unir à Marie -, rationalité théologique et affectivité croyante. Il nous ramène au visage concret de Dieu, à ses manifestations dans Ses relations avec les hommes. Elle nous ramène à la Maternité Divine. Il est impossible de détacher le Christ et Sa mère, comme non plus le Christ et Son Église, sous peine de le transformer en aérolithe abstrait, non incarné dans la tradition passée et future des hommes. Les mystères de l'Église et de Marie sont garanties du sérieux de l'Incarnation, sont le témoignage du dessein de Dieu qui veut associer la créature à l'œuvre de son salut, qui veut qu'en vertu de sa grâce qui crée sa liberté elle coopère à la grâce.
La mariologie est la garantie de l'autonomie de la création, l'antonomase de la collaboration de la créature à l'action divine. La Création est appelée à une réponse libre et (relativement) autonome, conformément à l'exigence divine d'un Royaume intérieur. La femme dans sa virginité est ici la figure parfaite, normative, de la création et de sa réponse féminine recevant la sagesse et la faisant fructifier. L'Église qui répond à l'appel de Dieu et qui intercède est figurée dans le mot de « femme » appliqué à Marie à Cana et au pied de la Croix. La piété mariale a un caractère d'Avent, remplie de la joie de l'attente déjà exaucée, de la gloire promise déjà accordée, et d'une façon exceptionnelle, à Marie. Mais, Mère des croyants, elle nous reconduit à l'épreuve de la foi, à la Croix. La mariologie aide à retrouver une saine anthropologie, ne réifiant pas le biologique (pour y réduire la vérité de l'homme ou s'en détacher, ce qui est mépriser le plus profond de soi-même - « Lorsque le biologique est soustrait à l'humanité, l'humanité elle-même est niée », Joseph Cardinal Ratzinger, Marie Mère de l'Église) ni le rationnel, mais retrouvant leur intégration dans le théologique. Dans le juste rapport de l'homme et de la femme, dépositaire du mystère de la vie, apparaît la Vérité sur Dieu, l'homme, leurs relations.
Le Sénevé (Pentecôte 2005) - Journal des aumôneries de
l'École normale supérieure et de l'École des Chartes