« Sommes une jeunesse, Messieurs ! Sommes la jeunesse de Dieu. La jeunesse de la fidélité ! Et cette jeunesse veut préserver pour elle et pour ses fils, la créance humaine, la liberté de l'homme intérieur... » (Charette)
Mgr Noyer, ancien Evêque d'Amiens, peut être considéré comme la figure emblématique d'un épiscopat qui eut pignon sur rue durant les années post-conciliaires. Dans "Témoignage Chrétien" de juillet 2008, il écrit que « dans les années 1950, jeunes étudiants en théologie à Rome, nous nous moquions ». De quoi se moquait-on en ces années ? De la messe, précise Mgr Noyer. Et il n'écrit pas "je" me moquais, mais "nous" nous moquions. Ils étaient plusieurs à se moquer... certains allaient devenir prêtres, évêques... En 1997, le même Mgr Noyer avait écrit dans "Le Courrier Picard" que « le manque de prêtres ne doit pas être considéré comme un handicap mais comme une grâce ». De tels propos ne sont-ils pas symptomatiques d'une théologie quelque peu défaillante et d'une ecclésiologie faussée chez certains... ou chez plusieurs, peut-être même chez beaucoup ?
Le problème c'est qu'en France, par le système de cooptation des évêques, il arriva que ce furent ceux-là dont l'ecclésiologie était déficiente qui furent chargés de la conduite de nos diocèses. Il y eut donc, à la tête de certains évêchés, des hommes dont l'obéissance à l'Eglise - et partant, la rectitude doctrinale - pouvait, à la suite de certaines de leurs déclarations ou orientations pastorales, être légitimement mise en question. Comme ces pasteurs (qui formaient une "bureaucratie mitrée" dénoncée par le Cardinal Ratzinger) étaient séduits par tout ce qui pouvait apparaître nouveau et inédit dans l'Eglise - prises de positions originales, expériences catéchétiques, innovations liturgiques... etc. - ils furent fascinés par des prêtres ou des fidèles laïcs ayant un discours audacieux, innovant, capable de "bousculer les certitudes". Un discours calqué sur celui des idéologues de mai 68. C'est ce qui explique que ces évêques avides de nouveautés qui, selon eux, devaient donner un nouvel élan à l'Eglise, n'ont eu de cesse qu'ils n'aient pu mettre sur une voie de garage des prêtres trop "classiques", trop fidèles à Rome, et nommer ensuite aux postes-clés des prêtres anti-conformistes, audacieux, capables d'expériences toujours nouvelles. Qui se souvient encore que certains de ces prêtres allaient chanter l' "Internationale" à la Fête de l'Humanité ? Qui se souvient encore qu'ils faisaient chanter aux jeunes de nos paroisses des cantiques aux paroles très marxisantes au cours de réunions d'Action Catholique où déjà des "messes" étaient célébrées sur une table avec une baguette de pain et un verre de rouge ? Qui se souvient des organistes et des choristes brutalement interdits de tribune parce qu'ils avaient osé chanter une note de grégorien ? Qui se souvient des autels anciens démolis à coups de pioches et des confessionnaux brûlés au fond des jardins de presbytères ? Ce sont très souvent des prêtres appartenant à cette catégorie de clercs audacieux - pour ne pas dire iconoclastes - qui furent nommés responsables de la pastorale liturgique diocésaine, supérieurs de grands séminaires, responsables de la catéchèse... Certains sont encore en place. Ainsi, dans tel diocèse, le cérémoniaire de l'évêque et responsable de la pastorale liturgique venait faire des cours de liturgie au grand séminaire : il enseignait aux futurs prêtres à composer de nouvelles prières eucharistiques... En remerciement de ses bons et loyaux services, il a été nommé dans une importante paroisse de ville. Dans tel diocèse, le professeur de liturgie (que personne n'aurait osé critiquer ou contredire) enseignait aux séminaristes que le missel romain est un livre qu'on peut parfois utiliser quand on est en manque d'imagination pour construire d'autres façons de célébrer l'Eucharistie... Dans tel diocèse, l'actuel "grand timonier" de la pastorale liturgique officielle est aussi le responsable d'une des revues d' "animation liturgique" qui a fait le plus de dégâts dans les paroisses et contre laquelle aucun évêque n'a jamais eu le courage de dire quoi que ce soit, alors qu'elle n'a aucune reconnaissance de la part de l'Eglise. Les engrenages et les rouages déficients continuent à tourner en bien des endroits : car une fois qu'ils avaient été bien placés dans les diocèses, ces prêtres - ou ces laïcs - ont usé de leur influence auprès des évêques pour faire en sorte que ce soit prioritairement leurs amis proches - ceux qui partagent leurs idées - qui soient nommés vicaires épiscopaux ou curés-doyens, ou responsables de telle ou telle commission. Ainsi a pu se constituer, dans l'ensemble des diocèses de France, une sorte d'état-major aussi influent que nébuleux, une véritable "nomenklatura" qui tient les évêques sous sa coupe et qui télécommande des actions pastorales que personne n'osera contrecarrer. D'autant que le mot d'ordre qui a cours dans les hautes instances diocésaines est souvent : "pas de vagues". Pendant un temps, cet état-major a même étendu son pouvoir dans les grands séminaires diocésains, allant jusqu'à user de son influence nocive pour dissuader des évêques d'admettre parmi les candidats au sacerdoce des jeunes jugés trop attentifs à l'enseignement de Rome. Pour être ordonné prêtre, il fallait qu'un jeune soit "bien vu"; et pour être "bien vu", il valait mieux être un inconditionnel de la pastorale liturgique et catéchétique initiée par les prêtres novateurs occupant les postes de commande d'un diocèse. Ne sont alors restés dans les séminaires que des garçons au caractère faible, écrira plus tard Mgr Gaidon... Les caractères faibles n'attirant généralement que des caractères faibles, on trouve ici une explication parmi d'autres à l'actuelle crise des vocations, et aussi un motif au fait que l'on ait aujourd'hui, dans nos paroisses, tant de prêtres si peu formés ou si mal formés en théologie de façon générale, et en liturgie de façon particulière. La question qui doit à présent être posée est double : comment faire pour que toute une génération de prêtres n'ait pas l'impression d'être trahie ou ne finisse pas totalement désabusée en constatant que les nouvelles générations de fidèles se sentent davantage en phase avec un pape tel que Benoît XVI qu'avec un clergé qui pensait agir pour le bien des baptisés - et aussi de l'Eglise - en édulcorant dangereusement tout ce qui se rapporte à la foi catholique ? Et que peut faire un évêque qui souhaite assainir son diocèse tout en ne démolissant pas, psychologiquement, des prêtres qui de toute évidence sont incapables de comprendre les nouvelles orientations pastorales initiées par le Souverain Pontife et qui visent à redynamiser l'Eglise ?
Pro Liturgia