« L’Eglise connaît deux vies qui lui ont été révélées et confiées par Dieu: l’une est dans la foi, l’autre dans la vision; l’une, pour le pèlerinage temporel, l’autre pour la demeure d’éternité; l’une dans le labeur, l’autre dans le repos; l’une pour la route, l’autre pour la patrie; l’une dans les œuvres de l’action, l’autre dans la récompense de la contemplation. L’une s’éloigne du mal et fait le bien, l’autre n’a plus aucun mal à éviter et peut jouir d’un grand bien. L’une combat l’ennemi, l’autre règne sans plus d’ennemi. L’une vient en aide à l’indigent, où est l’autre, ne se trouve plus aucun indigent. L’une pardonne aux autres leurs péchés pour qu’on lui pardonne les siens; l’autre ne subit rien à pardonner et ne commet rien qui réclame le pardon. L’une est flagellée de maux de peur que les biens ne l’exaltent, l’autre est préservée de tout mal par une telle plénitude de grâces qu’elle adhère au bien suprême sans aucune tentation d’orgueil. Enfin, l’une est bonne mais peineuse encore, l’autre est meilleure et bienheureuse. La première est symbolisée par l’apôtre Pierre, et la seconde par Jean. La première s’écoule tout entière jusqu’à la fin de ce siècle et alors, elle trouvera sa fin. La seconde est différée jusqu’à son accomplissement après la fin de ce siècle, mais dans le siècle à venir elle n’aura pas de fin. Aussi Jésus dit-il à l’un : « Suis-moi ». Il dit de l’autre : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi ». Que veut dire ceci ? A mon sentiment, à mon avis, que signifie ceci : « Toi, suis-moi » sinon : imite-moi en supportant les maux de ce temps, lui, qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne rendre les biens éternels ».
Homélie de Saint Augustin, évêque (Traités sur saint Jean 124, 5: CCL 36, 685-686)