Un « fil rouge » relie l’homélie de la Veillée Pascale du Saint-Père, à sa célèbre méditation du Chemin de Croix en 2005, à celle du 22 février 2006 sur le carriérisme, et du mois d’avril suivant sur ceux qui « s’introduisent dans le bercail » et, récemment, à l’homélie de la Messe Chrismale où il déclare que « Le fait de s’unir au Christ suppose le renoncement. Cela comporte que nous ne voulions pas imposer notre propre voie et notre propre volonté ; que nous ne désirions pas devenir tel ou tel autre, mais que nous nous abandonnions à Lui partout, et quelle que soit la manière dont il veut se servir de nous ». Toutefois, il avait déjà exposé cette pensée dans son livre « Introduction au Christianisme » : « Les vrais croyants ne donnent jamais un poids excessif à la lutte pour la réorganisation des formes ecclésiales. Ils vivent de ce que l’Eglise est toujours. Et si l’on veut savoir ce qu’est réellement l’Eglise, il faut aller auprès d’eux. L’Eglise, en effet, n’est pas, qui plus est là où elle s’organise, se dirige, mais au contraire est présente chez ceux qui croient avec simplicité, en recevant en elle le don de la foi qui devient pour eux source de vie […] Cela ne veut pas dire qu’il faut laisser tout comme cela est, et le supporter comme il est. Le fait de supporter peut être aussi un processus hautement actif…’ (ed. Queriniana-Vaticana, 2005, à propos de l’article sur l’Esprit et l’Eglise, en particulier pages 333-337). La foi catholique a besoin d’un pluralisme théologique sain et serein : toute opinion a droit de cité dans l’Eglise, à condition qu’elle puisse présenter des raisons théologiques pertinentes. Pour arriver à cela, il est nécessaire de savoir distinguer entre ce que les chrétiens doivent croire, c’est-à-dire la doctrine proposée avec autorité par le Magistère ecclésiastique comme étant une Vérité divinement révélée (la doctrine sûre, certaine et pure dont parle saint Paul à Timothée), et ce qu’ils croient, c’est-à-dire une opinion qu’ils se sont faite, ou bien l’adhésion à l’opinion d’un théologien. Le pouvoir d’enseigner la Vérité, le Christ l’a donnée seulement à son Eglise. Le Pape mène à sa juste maturation la véritable application du Concile Vatican II, en continuité avec la Tradition, et cela ne se produit qu’en communiquant la doctrine sûre : « Sine doctrina – disait déjà Caton - vita est quasi mortis imago ». Saint Paul parle de doctrine sûre, saine et pure (cf. Tite 1,7-11; 2,1-8) : à notre avis la doctrine est « sûre » si elle est fondée sur Jésus-Christ et sur la Primauté de Pierre ; elle est « saine » si elle est exempte de pensées fallacieuses ; et elle est « pure » si elle est exempte des altérations frauduleuses mondaines. C’est pourquoi Joseph Ratzinger, rappelait alors que l’Eglise ne pouvait changer la foi et en même temps demander aux croyants de lui rester fidèles. Elle est intimement obligée à s’en tenir à la Parole de Dieu, et à la tradition. Cela explique ses gestes. Cela veut dire, comme certains l’ont noté, que le Concile Vatican II n’a créé et n’a nié aucun dogme, et qu’il ne les a pas interprétés d’une manière différente de celle de Tradition. L’indéfectibilité de l’Eglise est précisément ceci : être assistée par l’Esprit-Saint à tel point de ne pas vouloir et de ne pas pouvoir renier la foi transmise par les Apôtres. Ce qu’on appelle la « fracture de l’après-Concile » a été produite par une certaine théologie qui a voulu interpréter de manière arbitraire le Concile, en parlant d’un soi-disant ‘esprit’, différent certes de l’Esprit Saint qui, jusqu’alors, avait guidé l’Eglise (cf. Benoît XVI, Discours à la curie romaine, 22 décembre 2005). C’est ainsi que l’on a commencé à parler de « théologie préconciliaire » à supprimer et à éliminer pour toujours, en y substituant les représentants de la « théologie conciliaire ». Mais, la vraie théologie ne prétend pas être porteuse d’une vérité absolue que tous doivent accepter comme de foi ; une opinion, ou une école théologique ne peut s’imposer comme étant l’unique manière de vivre la foi, et ne peut « excommunier » les autres écoles et els autres opinions. La véritable théologie est seulement une tentative d’interprétation de la doctrine de la foi, toujours fondée sur le dogme, sans mettre avant la Parole de Dieu une opinion humaine. La véritable théologie ne prétend pas éliminer le dogme (en lui enlevant des parties, c’est-à-dire en faisant une sélection entre les « articles de foi »), ni le dépasser (en lui ajoutant de nouveaux « articles de foi »). Et ainsi, la crise actuelle de la foi chez le peuple chrétien est née de l’erreur très grave qui consiste à confondre la théologie avec le Magistère, et le Magistère avec la théologie. Les théologiens sont considérés, ou se considèrent, comme étant plus importants que les Evêques et que le Pape, presque comme les interprètes légitimes de Vatican II, qu’ils auraient « devancé » et puis « inspiré ». La vérité de la foi catholique n’est pas seulement par le Magistère du Pape, et des Evêques unis réellement à Lui.