Ils étaient émouvants. A les entendre soudain si sincères, on avait presque la larme à l'oeil. Qui ? Mais les évêques de France, voyons ! Quand ? Mais dès qu'a été publié le Motu proprio Summorum pontificum de Benoît XVI, voyons ! Que nous disaient-ils ? Simplement qu'il n'était pas question de remettre en cause Vatican II; qu'il n'était pas question de revenir sur la légitimité de la liturgie voulue par le Concile; que partout - oui, partout ! - c'était le missel actuel qui était la norme. Plusieurs d'entre eux - on parle toujours des évêques de France - étaient même allés jusqu'à signer et à publier des manifestes dans lesquels ils se disaient indéfectiblement attachés au Concile et à la personne du Souverain Pontife - ou plutôt à la personne du pape, car le mot "souverain" est un mot qu'ils n'apprécient guère tant il leur fait penser à une autorité indiscutable -. Et puis il y a eu la levée des excommunications des évêques sacrés par Mgr Lefebvre. Là encore, on a entendu nos évêques nous rappeler que Vatican II n'était pas négociable. Dans l'Est de la France, dix évêques sont même allés jusqu'à signer une déclaration dans laquelle ils disaient prier « pour que la décision du Saint Père soit reçue pour ce qu'elle veut être : non pas une remise en cause du concile Vatican II »
Oui mais voilà : les belles déclarations ont été faites; des fidèles y ont cru... et rien n'a changé. Rien n'a changé, c'est-à-dire, en clair, que nos évêques de France ne sont toujours pas prêts à recevoir Vatican II (+) (+) et à en appliquer les principes : c'est un fait qu'il faut avoir l'honnêteté de reconnaître. La situation est bloquée au point que rien ne semble avoir changé depuis le temps où l'académicien André Frossard écrivait son excellente "Lettre ouverte aux évêques de France" (éd. Fayard). Il suffit de parcourir les sites internet des diocèses français pour voir ce qu'on y trouve et qui est présenté comme le nec plus ultra de la pastorale liturgique : des messes célébrées dans des halls de fêtes ou des salles de sport; un vicaire épiscopal revêtu d'une chasuble aux couleurs de la gay pride et qui danse avec les jeunes (déguisés pour l'occasion) à la fin d'une "messe"; un archevêque qui utilise des corbeilles en osier en guise de ciboires ou de patènes; un autre archevêque - bientôt à la retraite - qui danse une farandole avec les fidèles à l'issue d'une célébration eucharistique... Et partout ces braves fidèles septuagénaires auxquels on donne des responsabilités en leur faisant croire qu'en étant à la tête de structures paroissiales démultipliées, ils rendront service à l'Eglise. Et partout des messes "plan-plan", des chants "nunuches", des célébrants qui se donnent en mauvais spectacle, des concélébrants vautrés sur des chaises, des fidèles qui se pressent autour d'un autel comme pour montrer qu'eux aussi ont le droit d'occuper un mètre carré du "podium" où il est de bon ton de se montrer si l'on veut faire partie des "super-cathos" [preuves en vidéo]... Il y a aussi des évêques qui autorisent que soit célébrée, ici ou là, la forme "extraordinaire" du rite romain, cette forme autorisée par le Motu proprio Summorum pontificum. Mais à y regarder de plus près, ces messes-là ne sont que des leurres : le même évêque qui viendra célébrer la forme "extraordinaire" correctement (sans forcément y croire, comme l'ont ouvertement avoué l'un ou l'autre d'entre eux au cours de réunions entre prêtres d'un secteur) vont allègrement massacrer la forme "ordinaire" : preuve que pour ceux-là, la liturgie n'a aucune cohérence. C'est gravissime !
Autres questions : a-t-on un jour entendu un évêque de France enseigner que la communion pouvait légitimement être reçue à genoux et directement dans la bouche ? Non. A-t-on entendu un de nos évêques rappeler que la liturgie dite "conciliaire" pouvait légitimement être célébrée versus orientem ? Non. A-t-on entendu un évêque rappeler à ses prêtres qu'il était interdit (par le Concile dont on se réclame !) de modifier la liturgie de l'Eglise ? Non. A-t-on vu un de nos évêques rappeler que, selon l'Exhortation Sacramentum Caritatis, il était nécessaire que les prêtres sachent célébrer en latin (ce qui suppose une solide formation !), sachent chanter le grégorien sans le massacrer (ce qui suppose aussi une formation !), et que les fidèles sachent eux-mêmes participer à la liturgie lorsqu'elle est célébrée en latin ? Non. Pour beaucoup de fidèles, il est devenu clair que, quoi que nous disent nos évêques de France, obéir au Saint-Père n'est pas leur priorité. On a même parfois l'impression que leur pastorale consiste à affirmer qu'en France, l'Eglise bénéficie d'une autonomie l'autorisant à ne pas tenir compte des enseignements du Magistère ou du moins à les adapter dans un sens vraiment très large... et très lâche. Il devient évident que dans les diocèses où l'on donne l'impression de ne pas marcher sur le même chemin que l'Eglise universelle, les fidèles n'ont plus vraiment de raisons d'avoir confiance en leurs pasteurs, quand bien même ces derniers multiplieraient-ils les lénifiantes déclarations de soutien au pape et de fidélité à ses orientations.
Pro Liturgia