« Sommes une jeunesse, Messieurs ! Sommes la jeunesse de Dieu. La jeunesse de la fidélité ! Et cette jeunesse veut préserver pour elle et pour ses fils, la créance humaine, la liberté de l'homme intérieur... » (Charette)
Au cours d’une rencontre qui s’est déroulée durant l’été 2007, Benoît XVI a dit aux prêtres des diocèses de Bellune, Feltre et Trévis : « J’ai vécu, moi aussi, l’époque du Concile Vatican II (...) On avait vraiment l’impression d’une nouvelle Pentecôte, où l’Eglise pouvait de nouveau convaincre l’humanité. Le monde s’était éloigné de l’Eglise aux XIXe et XXe siècles, mais il semblait qu’ils se rencontraient à nouveau et que renaissaient un monde chrétien et une Eglise du monde, vraiment ouverte au monde. Nous avons beaucoup espéré mais, en réalité les choses se sont révélées plus difficiles que prévues. Cependant, il nous reste le grand héritage du Concile, qui a ouvert une voie nouvelle ; c’est toujours une « grande charte » du cheminement de l’Eglise, tout à fait essentielle et fondamentale. Mais pourquoi en a-t-il été ainsi ? (...) nous devons constater que dans la vie de l’après-Concile, il y a deux grandes coupures historiques. La première est celle de 1968, qui marque le début ou l’explosion - si j’ose dire - de la grande crise culturelle en Occident. C’était la fin de notre génération de l’après-guerre, une génération qui, après toutes les destructions, et ayant vu les horreurs de la guerre et des combats, ayant constaté le drame des grandes idéologies qui avaient véritablement conduit les gens vers l’abîme de la guerre, avait redécouvert les racines chrétiennes de l’Europe et commencé à reconstruire l’Europe sur la base de ces grandes inspirations. Mais une fois passée cette génération, on a vu aussi tous les échecs et les lacunes de cette reconstruction, la grande misère qui existait dans le monde. C’est ainsi qu’a commencé puis explosé la crise de la culture occidentale, ou plutôt d’une révolution culturelle qui voulait tout changer radicalement. Cette révolution culturelle disait : « En deux mille ans de christianisme, nous n’avons pas créé un monde meilleur ; nous devons donc repartir de zéro, d’une manière absolument nouvelle. » Et le marxisme paraissait être la formule scientifique permettant d’établir enfin ce monde nouveau.
Dans ce que j’appellerai un grave et grand conflit entre la nouvelle et saine modernité voulue par le Concile et la crise de la modernité, tout est devenu difficile, comme après le premier Concile de Nicée. Certains pensaient que cette révolution culturelle était ce qu’avait véritablement voulu le Concile. Ils identifiaient cette nouvelle révolution culturelle - marxiste - avec la volonté du Concile. Ils disaient : « Le Concile, c’est ça ; quand on les prend au pied de la lettre, les textes sont encore un peu vieillots ; mais derrière les mots écrits, il y a cet « esprit » du Concile. C’est cela la volonté du Concile ; voilà comment il faut faire. » Les autres, naturellement, réagissaient et disaient : « En vous comportant ainsi, vous détruisez l’Eglise. » La réaction absolue contre le Concile fut l’ « anticonciliarisme » et, disons-le, un timide et humble effort pour concrétiser le véritable « esprit » du Concile. (....) Pendant que le progressisme erroné et l’ « anticonciliarisme » absolu faisaient grand bruit, le chemin de l’Eglise progressait très silencieusement, avec beaucoup de souffrances et de pertes dues à la construction d’un nouveau passage culturel. La seconde coupure a eu lieu en 1989, au moment de l’effondrement des régimes communistes. Mais la réponse à cette coupure n’a pas été un retour à la foi, comme on pouvait peut-être s’y attendre ; elle n’a pas été la redécouverte du fait que c’était justement l’Eglise, avec l’authentique Concile, qui avait indiqué une solution aux vrais problèmes. La réponse, au contraire, a été un scepticisme total qui a caractérisé ce qu’on a appelé la post-modernité. On disait alors : « Rien n’est vrai : à chacun de voir comment il veut vivre. » C’était l’affirmation d’un matérialisme, d’un scepticisme pseudo-rationaliste et aveugle qui finit dans la drogue et dans tous ces problèmes que nous connaissons actuellement et qui, de nouveau, barrent le chemin à la foi. Il est si simple, si évident de dire : « Non, rien n’est vrai; la vérité est intolérante, on ne peut pas prendre ce chemin... »
Voilà : dans le contexte de ces deux ruptures culturelles, la première étant la révolution culturelle de 1968 et la seconde la chute dans le nihilisme après 1989, l’Eglise, humblement, entre les passions du monde et la gloire du Seigneur, a voulu tracer son chemin. Sur ce chemin, nous devons progresser avec patience et apprendre maintenant, dans un monde nouveau, ce que signifie renoncer à un certain triomphalisme. Le Concile lui-même avait dit qu’il fallait renoncer au triomphalisme : il avait surtout pensé à l’héritage du Baroque, à toutes ces grandes cultures de l’Eglise. On a alors dit : « Commençons de manière moderne, nouvelle... » Mais un autre triomphalisme s’est développé, consistant à penser : « Maintenant nous agissons : nous avons trouvé la voie et nous y trouvons le monde nouveau. » Mais l’humilité de la Croix, celle du Crucifié, exclut également un tel triomphalisme. Nous devons renoncer à tout triomphalisme qui nous fait croire que c’est maintenant que naît réellement la grande Eglise de l’avenir. L’Eglise du Christ est toujours humble et c’est comme cela qu’elle est grande et joyeuse. (...) Nous devons aussi apprendre, en même temps que cette humilité est le vrai triomphalisme de la catholicité, celui qui progresse au cours de tous les siècles. Aujourd’hui encore nous voyons s’étendre la présence du Crucifié-ressuscité qui a ses blessures et les conserve. Il est blessé, mais c’est justement ainsi qu’il renouvelle le monde, qu’il donne son souffle qui renouvelle aussi l’Eglise malgré toute notre pauvreté. Dans ce mélange d’humilité de la Croix et de joie du Seigneur ressuscité nous avons reçu dans le Concile un grand guide pour la route : nous pouvons donc aller de l’avant, joyeux et pleins d’espérance. »