4 novembre 2009 3 04 /11 /novembre /2009 08:20

Mgr Nicola Bux est consulteur de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, de la Congrégation pour le Culte Divin, du Bureau des célébrations liturgiques du Souverain Pontife, et professeur de liturgie et de théologie sacramentaire à l'Institut de théologie de Bari (I). En 2010, il a publié un ouvrage au titre significatif : "Come andare a Mesa et non perdere la fede" - comment aller à la Messe et ne pas perdre la foi... ou encore : comment ne pas perdre la foi quand on va à la messe -. C'est une question d'actualité tant il est vrai qu'il arrive que des fidèles, après avoir assisté à certaines célébrations eucharistiques, en viennent à se demander s'il faut encore croire en quelque chose... Le livre de Mgr Bux vient d'être traduit en français pour être publié par les éditions Artège sous le titre : "La foi au risque des liturgies". Le propos de l'Auteur est clair : « Il faut rétablir le droit de Dieu à être adoré à la manière qu'il indique lui-même et inverser la dangereuse tendance actuelle à multiplier les rites contingents qui ne répondent qu'aux besoins de l'homme ou de l'assemblée ». Concrètement, dans 99% des paroisses de France... tout est à revoir, comme va le montrer Mgr Bux au fil de ses pages.

 

 

 


buxbenoitDans le premier chapitre, l'Auteur montre que la liturgie souffre d'un mal qui se communique aux fidèles : nos célébrations « ne manifestent plus la foi en la permanence de la présence divine » : près des autels, l'importance désormais donnée aux sièges des célébrants a fait perdre de vue que c'est l'action de la grâce sacramentelle qui est première. Ce qui fait que de nombreux prêtres, confondant liturgie et catéchèse, en viennent à penser qu'ils sont la figure principale d'une liturgie qui perdrait son efficacité s'ils ne prenaient pas soin de l'expliquer. Cette inversion du sens de la liturgie est-elle imputable au Concile Vatican II ? Non, répond clairement Mgr Bux. Elle est le fait de ceux qui, dans un climat d'euphorie post-conciliaire généralisée, on prétendu améliorer les célébrations en y introduisant, comme autant d'abus, leurs façons de voir et de comprendre la liturgie. D'où l'urgence de corriger nombre de pratiques actuelles issues de ces prétendues "améliorations" qui, comme on le constate, ont eu partout des résultats inverses de ceux qu'elles se proposaient d'obtenir.

 


Dans le chapitre 2, Mgr Bux explique ce que la liturgie... ne doit pas être : elle ne doit pas être le fruit de nos manipulations. Or la "manipulation" de la liturgie est bien ce qui caractérise les célébrations actuelles : elle est le fait d'un état d'anarchie dans lequel les groupes de fidèles n'écoutent plus les prêtres, qui eux-mêmes n'écoutent plus les évêques, qui eux-mêmes n'écoutent plus le Souverain Pontife et ne suivent plus les documents émanant du Siège apostolique. Citant ici le Cardinal Ratzinger, Mgr Bux souligne que « la manière dont le culte doit être rendu n'est pas matière à compromis : la liturgie tire sa mesure et son ordonnance de Dieu même et de sa révélation ». Il y a donc une désobéissance quasi généralisée qui est le fruit de la méconnaissance de l'histoire et de la signification théologique du rite, de l'obsession de la nouveauté, de la défiance de la capacité de parler à l'homme par l'intermédiaire de signes, dans le manque de confiance dans l'efficacité du sacrement qui reçoit de Dieu le pouvoir de réaliser ce qu'il signifie. Et cette désobéissance aboutit à une violation des règles liturgiques qui se fait sous couvert d'un terme passe-partout jeté à la figure de tout fidèle qui refuse les excentricités de tel ou tel célébrant : la "pastorale". Pour Mgr Bux, il est urgent de contrecarrer les effets de cette pastorale dévastatrice en redonnant à la liturgie romaine ses deux caractéristiques principales exaltées par Vatican II : la sobriété et la noblesse. Deux qualités qui doivent s'équilibrer l'une l'autre. « C'est à ces caractéristiques - écrit l'Auteur - que l'on reconnait l'authentique rite romain lorsqu'il n'est pas étouffé par des innovations introduites dans un "rituel" propre à des mouvements ou communautés nouvelles; ou encore par un quelconque "directoire et normes pour les acolytes et les lecteurs" déviant et erroné bien qu'approuvé par un organisme liturgique diocésain ». Quelles sont les innovations abusivement introduites dans le rite romain ? Mgr Bux en fournit une petite liste dans laquelle chaque fidèle pourra reconnaître ce qui affecte habituellement la messe paroissiale à laquelle il lui est donné d'assister : « inflation incontrôlée de commentaires, réduction à la portion congrue de la liturgie eucharistique, diffusion du personnalisme liturgique et manipulation des rites, substitution des rites et des lectures liturgiques afin de "personnaliser" les célébrations, ministres extraordinaires de la communion qui finissent par devenir des ministres ordinaires au point de remplacer le célébrant, communion des laïcs en self-service, récitation totale ou même partielle de la prière eucharistique par les fidèles, usage arbitraire des vêtements liturgiques : chasuble sans étole, étole sans chasuble, étole sur la chasuble, étole sur et sous la chasuble, célébration sans chasuble et sans étole... etc ». Et Mgr Bux de conclure : « Les évêques ne devraient pas tolérer de tels abus. Le Seigneur a, en effet, confié aux Apôtres et à l'Eglise, la garde du Saint Sacrement en même temps que celle de la foi. Si chaque célébration eucharistique dans un diocèse est faite en communion avec l'évêque et sous son autorité, il a la responsabilité de veiller à ce que les fidèles puissent assister à la messe catholique et non à un show bizarre. Afin d'y veiller, il doit s'assurer de la formation de tous et mettre un terme aux abus ». Ce que ne dit pas ici Mgr Bux - mais il est vrai que son ouvrage ne vise pas directement la France - c'est que dans nos diocèses "hexagonaux", c'est souvent l'évêque lui-même qui est l'auteur des abus liturgiques les plus criants... Mais ceci est un problème spécifique.

 

 

foiaurisquedesliturgiesnicolabuxAu chapitre 3, Mgr Bux évoque les solutions avancées par le pape pour tenter de mettre un terme aux abus liturgiques et pour permettre aux fidèles de retrouver le vrai sens de la messe. Trois grandes pistes sont proposées : 1. « Innover dans la tradition » car « la liturgie appartient à la tradition et ne peut être comprise en dehors d'elle ». C'est dire qu'il faut réapprendre à prier à genoux (en France, on s'est employé à supprimer les agenouilloirs pour faire perdre aux fidèles le goût de la posture spécifique de la prière chrétienne), retrouver l'habitude de la messe célébrée en latin sans pour autant abandonner la pratique de la liturgie en langues vernaculaires; 2. restaurer la discipline dans la musique sacrée en remettant le chant grégorien à l'honneur et en mettant hors du sanctuaire les cantiques « d'un style sentimental vaguement New Age qui a envahi nombre de répertoires nationaux et domine dans les grandes célébrations comme dans nombre de paroisses »; 3. promouvoir un art qui obéit à la tradition, à l'Ecriture et au Magistère pour se faire « ministère de la beauté » et ainsi appuyer la foi.

 

 

Dans le chapitre 4, Mgr Bux entend rappeler à quoi doit ressembler une église : elle est un sanctuaire dans la disposition, parce qu'elle interagit avec la liturgie et donc avec la foi des fidèles, doit être respectueuse de certaines règles. L'église est un temple; elle n'est ni une salle, ni un hall... de gare ! Tour à tour sont décrits plusieurs éléments que l'on trouve dans une église :

- le baptistère, élément du parcours de l'initiation chrétienne, précède l'Eucharistie et y conduit. Selon la tradition, il se situe au nord, c'est-à-dire à gauche lorsque l'église est orientée;

- le confessionnal doit rester le lieu où le fidèle est assuré de trouver la discrétion qui garantit le secret;

- la place réservée aux fidèles doit être distincte de celle réservée aux ministres de la liturgie. Elle n'est donc pas dans le choeur. Elle a une caractéristique : permettre la participation à la liturgie par le recueillement du coeur et du corps, par l'écoute, la louange, l'adoration.

- la place des chantres : elle ne doit pas être dans le presbyterium (le choeur) car il faut éviter l'exhibition des choristes qui détourne les fidèles de la prière; lorsqu'il existe une tribune, c'est là, près de l'orgue, qu'est la place de la chorale; c'est du reste de là qu'elle parvient le mieux à entraîner le chant de l'assemblée.

- les images qui représentent les saints et les anges, nous présentent la "famille de Dieu". Leur but est de favoriser la contemplation; aussi est-il bien de les répartir harmonieusement dans toute l'église et non de les rassembler dans des chapelles latérales.

- l'ambon désigne un espace, généralement un peu surélevé, distinct de l'autel, vers lequel les fidèles se tournent pour écouter la Parole de Dieu proclamée.

- le presbyterium - ou sanctuaire - est l'espace élevé, séparé de la nef de l'église, dans lequel se déroulent les rites liturgiques. Une balustrade est nécessaire pour séparer le presbyterium de la nef : elle délimite le lieu de la présence de Dieu et, en séparant l'espace réservé au clergé, montre que les ministres chargés de la liturgie sont choisis par le Seigneur lui-même pour être admis à son service. La distance qui sépare les fidèles de l'autel marque une distinction qui permet la relation entre Dieu et son peuple. Mgr Bux rappelle certains discours post-conciliaires malheureux qui enseignaient que la balustrade empéchait la participation de l'assemblée à la liturgie; mais là où l'on a ôté ces balustrades on a dû placer, pour éviter les entrées intempestives des visiteurs dans le choeur des églises, des plots et des cordons qui font penser à un musée plutôt qu'à un lieu sacré.

- le siège doit être placé de telle façon à ce que le célébrant ne tourne pas le dos au tabernacle.

- l'autel, qui est le lieu le plus saint, ne doit pas être posé directement sur le sol mais doit être élevé de quelques degrés pour rappeler le Golgotha, lieu du Sacrifice du Seigneur. Il ne doit pas faire penser à une table et ne doit pas être obligatoirement prévu pour célébrer "face au peuple" puisque la liturgie restaurée à la suite de Vatican II prévoit que le prêtre puisse célébrer versus orientem de l'offertoire à la communion. Une possibilité à exploiter bien plus que cela n'a été fait jusqu'à présent.

- la croix étant "l'échelle qui conduit au Paradis", elle doit être bien visible, si possible au centre de l'autel pour que les fidèles puissent se rendre compte que c'est le Christ qui est au centre de l'action liturgique et non le célébrant.

- le tabernacle a souvent été placé dans un lieu secondaire, parfois difficile à trouver, ce qui a eu pour conséquence d'estomper la vérité de foi qui affirme que le Seigneur est toujours présent dans son Eglise. Pour corriger cette erreur, Mgr Bux formule une proposition : « il serait opportun que les prêtres qui ont la charge de l'aménagement des églises remettent le tabernacle au centre du presbyterium, déplaçant le siège du célébrant lorsqu'il s'y trouve, mais surtout qu'ils déplacent ce siège lorsqu'il se trouve placé devant le tabernacle. De cette manière, la foi dans la Présence réelle ne pourra qu'être encouragée, les prêtres gagneront en humilité, et le Seigneur aura la place qui lui convient ».

 

 

Au chapitre 5, Mgr Bux propose un très rapide survol de l'histoire de la messe. Sont évoqués son histoire et les principales réformes dont elle a été l'objet jusqu'au concile Vatican II dont la Constitution Sacrosanctum Concilium, pour être correctement comprise et appliquée, doit être lue à la lumière de la tradition. La figure et le rôle du prêtre sont aussi évoqués. L'Auteur souligne que « le prêtre dirige et gouverne la communauté ecclésiale seulement dans la mesure où il est en communion avec son évêque et avec le Pape. Il doit refuser la confusion théologique, respecter la piété populaire, se garder des abus liturgiques qui n'ont pour conséquence que d'éloigner les fidèles de l'Eglise et de favoriser la diffusion de nouveaux mouvements religieux ou magiques. Il lui faut garder à l'esprit que la Gloire de Dieu ne coïncide pas toujours avec les différentes aspirations humaines, que le culte, lorsqu'il se referme sur la communauté, ne permet plus de s'approcher de Dieu mais la met à sa place, au centre de la liturgie », ce qui n'est d'aucun intérêt comme on sait. Lorsqu'il célèbre la liturgie, le prêtre doit le faire avec humilité, se souvenant toujours qu'il dit les paroles et fait les gestes d'un Autre, qu'il collabore à une oeuvre qui l'a précédé et le dépasse.

 

 

Le chapitre 6 est le plus long : plus de 60 pages. Mgr Bux y développe une catéchèse sur la messe, "sacrement de la Passion du Seigneur" en évoquant les différentes parties qui constituent la célébration eucharistique.

 

 

Dans le chapitre 7 est abordée la question de la "participation" à la messe. Celle-ci se réalise surtout par la prière et l'adoration. Malheureusement, « la mise en avant des "acteurs" de la liturgie a fini par ramener les fidèles au rôle de simples spectateurs de la liturgie qui est devenue une mise en scène dans laquelle s'exhibent prêtres et ministres ». Quant à la participation "active", elle ne consiste pas tant à faire quelque chose qu'à obéir et à servir afin de pouvoir prendre part au don que nous fait le Christ sur la croix. La dernière partie est constituée par quelques conseils donnés aux prêtres qui doivent prêcher : il est conseillé, entre autres choses, d'abandonner les termes en "-ion" qui n'expriment que des concepts vagues souvent éloignés de la vie, d'abandonner le "nous" impersonnel pour le remplacer par le "je" qui engage celui qui parle, de savoir employer une certaine "dramatisation" qui peut pousser l'auditeur à agir. L'étude de Mgr Bux se situe totalement dans ce courant initié par Vatican II et que Benoît XVI souhaite relancer afin de permettre à tous les fidèles de redécouvrir le sens authentique de la liturgie de l'Eglise. "La foi au risque des liturgies" (Ed. Artège, 18 euros) : un ouvrage qu'il faut absolument lire et offrir aux prêtres, qu'ils soient "simples" curés de paroisses ou évêques. Il ne pourra que leur rendre un très précieux service dont les fruits seront goûtés par un grand nombre.

 

Pro Liturgia

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commentaires

O
<br /> l'excés de la critique ne peut que rebuter et la rendre inaudible<br />
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