7 mai 2008 3 07 /05 /mai /2008 08:56

C'est dimanche : le jour où, dans les église paroissiale de France, des prêtres se plaisent à contraindre les fidèles à participer à des messes célébrées selon la forme infraordinaire du rite romain. 
La forme infraordinaire du rite romain, c'est celle que nos évêques veulent à tout prix faire passer pour "ordinaire", pour conforme au Missel romain. Alors qu'elle ne l'est pas du tout. 
La forme infraordinaire, c'est celle que l'on trouve désormais partout : elle est la seule dont les rubriques sont connues de tout les célébrants bien qu'elles n'aient été écrites nulle part.
La forme infraordinaire, c'est celle qui autorise toutes les variations sur un thème connu de tous : la désobéissance. Cette désobéissance (ou infidélité) laisse une grande liberté à une génération de célébrants qui ont en commun de n'avoir eu aucune formation liturgique solide et d'être en opposition permanente à ce qui vient de Rome.
 Observons quelques principes de base qui permettront de transformer la forme forme ordinaire du rite romain (celle que l'Eglise demande de célébrer) en forme incontestablement infraordinaire :

 

 

 


- la décoration du choeur où se déroule la célébration doit être ornée par beaucoup de papier colorés : des posters, des grands slogans, des écrans, des panneaux, des banderoles (si possible aux couleurs de la gay-pride), des photos montrant les têtes des membres de l'équipe liturgique locale, des dessins, des reportages, des bricolages. Parfois même, quand c'est jour de fête interparoissiale, des ballons gonflables. Et donc gonflés.

 


- sur l'autel (devenu table, caisse, guéridon... ) tout doit à être disposé de façon asymétrique : une bougie sur un côté, des fleurs sur l'autre. Pour faire mieux, on peut aussi mettre plusieurs bougies sur un côté; mais dans ce cas, il faut veiller à ce qu'elles n'aient pas toutes la même dimension. Il faut éviter de mettre une croix sur l'autel. Il faut, en effet, que le célébrant soit bien vu : il est l'élément principal de la liturgie. Entre les bougies, les fleurs, les pochettes en plastique, l'étui à lunettes... il ne faut pas oublier le micro : c'est l'objet indispensable pour toute participation consciente et active. C'est le "top" absolu de la forme infraordinaire; c'est l'objet du désir de tout célébrant, tel que le conçoit Sigmund Freud.

 


- toujours sur l'autel, le missel romain doit être remplacé par des petits papiers rappelant ce qu'il faut faire (chants, commentaires, prières inventées, déroulement de la messe, pense-bête, intention de la messe...) et par un petits livret jetables du type "Prions en Eglise".


 

- devant l'autel, il faut une profusion de gadgets : arrangement floraux psychédéliques, lumignons déposés par les enfants, collages, slogans... L'important étant que l'espace liturgique puisse être confondu avec un marché aux puces.


 

- durant la célébration selon la forme infraordinaire, il est bon d'inviter les fidèles présents à reprendre des chants donnant l'impression d'avoir été composés pour vider les esprits et tuer les intelligences. On en trouve dans les publications servant à l'animation pastorale. Le chant d'entrée, par exemple, sera celui que tout le monde connaît le mieux et braille le plus pour exalter le "peuple en marche" ou le "peupledu partage". Pour les grandes fêtes, les enterrements et les mariages, il est très bien vu de passer de la musique préenregistrée. Pour accompagner la personne qui chante d'une voix de fausset en remuant les bras pour entraîner l'assistance, on emploiera de préférence un orgue électronique ou, à défaut, une cithare (certaines communautés raffolant des sons aigrelets). Les percussions sont un peu passées de mode, mais pour les messes avec enfants, on peut les remplacer par des applaudissements, des claquement des doigts, des instruments improvisés qu'on agite. Il faut remplacer systématiquement le "Gloire à Dieu" et le "Je crois en Dieu" par un refrain simple qui ponctue un texte assez éloigné de celui qu'on trouve dans le missel romain. Pareil pour le "Saint, saint, saint le Seigneur" et "l'Agneau de Dieu". Les anamnèses doivent emprunter les mélodies les plus romantiques possibles, de préférence inspirés de grands opéras italiens. Bien entendu, dans la forme infraordinaire, toute parole latine est interdite. Quant au chant grégorien, il ne peut être utilisé qu'avant ou après la célébration - jamais pendant - et uniquement comme musique d'ambiance. Les oraisons doivent être formulées librement par le célébrant; il montre ainsi qu'elles viennent vraiment du coeur. La prière eucharistique, si possible glosée et commentée, doit s'adresser en priorité aux fidèles et doit être la moins possible fidèle à la foi reçue des Apôtres : on y fera donc mention des frères protestants, juifs, musulmans... et éventuellement du "père-évêque de Rome".


 

- le célébrant doit être en aube-sac (taillée pour aller aux fraises) et étole alourdie de logos; il doit éviter de mettre une chasuble, et surtout ne pas porter d'amict afin que son orientation pastorale puisse être visible au niveau de son col : col romain strict (qui ne signifie d'ailleurs pas qu'il fasse ce que Rome lui demande de faire), col décontracté de polo (mai 68), col ouvert de chemise à carreaux (ouvrier cégétiste), col avec cravate (le top du cadre légèrement supérieur).


 

- le moment le plus important de la célébration doit demeurer celui où les fidèles échangent un geste de paix. C'est le moment où le célébrant parcourt la nef et serre un maximum de mains avec un sourire affiché. C'est un signe d'ouverture et de convivialité.

 


- ceux qui s'agenouillent lors de ces célébrations liturgiques ou qui insistent pour recevoir la communion dans la bouche doivent être regardés comme des attardés mentaux qui se sont trompés de rite. Il faut cependant tout faire pour les accueillir décemment, discrètement, avec compassion... Car là où est la forme infraordinaire, là est une Eglise d'ouverture à l'autre.


 

- le célébrant ne doit chanter aucune oraison, aucun dialogue. Et surtout pas la préface. Par contre, il est bon qu'il chante avec l'assistance les refrains les plus simples. Si possible, il chantera plus fort et plus faux dans son micro que l'animateur liturgique : c'est du meilleur effet. S'il est un grand musicien (c'est-à-dire un ancien guitariste scout), il peut éventuellement chanter les intentions de prière pénitentielle sur une mélodie improvisée dans une autre tonalité que le "Seigneur prends pitié" prévu par l'équipe liturgique.


 

- les personnes chargées de proclamer les deux premières lectures doivent être choisies au hasard en dernière minute. Il ne faut pas avoir peur des gens qui ne savent pas se servir d'un micro. Le choix des lectures doit se faire dans une liberté absolue : on peut même prévoir des textes non bibliques.

 


- il est bon d'annoncer les pages des chants et des refrains. On peut aussi les afficher sur un grand écran blanc dans le choeur. Le dernier cri, c'est d'y afficher carrément les paroles grâce à un programme d'ordinateur. C'est la "messe-karaoké".


 

- la tenue dans le choeur doit être la plus désinvolte possible : bras pendouillants, ou croisés. Main tenant le menton quand on est affalé pour écouter l'homélie. La génuflexion est proscrite : mieux vaut faire une "inclination profonde" en pointant bien son fondement dans la direction de ceux qui suivent. Quand le célébrant s'assied, il croise les jambes ou il les étire devant lui, s'adossant avec un léger mouvement de proéminence du ventre avec tout le poids de son dos sur le dossier de sa chaise. Se sentir vraiment à l'aise est le mot d'ordre permettant de diffuser partout la forme infraordinaire du rite romain.

 


- derniers détails qui ont tout de même leur importance : le célébrant doit veiller à ce que les fidèles s'ennuient moins que lui; voilà pourquoi il doit sans arrêt les occuper et les empêcher de se recueillir, de prier. Il est conseillé de supprimer l'embolisme après le "Notre Père" afin d'enchaîner tout de suite "Car c'est à toi...", comme font les frères protestants. A la consécration, il est bien de briser l'hostie et de montrer les morceaux à l'assistance en disant : "il prit le pain... le rompit..." On peut aussi donner tout de suite la communion aux fidèles en disant "prenez en mangez-en tous...". Il faut faire distribuer la communion par le plus de laïcs possible, de préférence par des gens peu habitués à venir à la messe. Ne jamais oublier de dire "bonjour" à toute l'assemblée au début de la célébration et "au-revoir et bon dimanche à toutes et à tous" à la fin.

 


- ne surtout pas s'inquiéter en constatant que la généralisation de cette forme infraordinaire conduit à vider les églises: c'est le but officiellement recherché.

 

Pro Liturgia

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