« Sommes une jeunesse, Messieurs ! Sommes la jeunesse de Dieu. La jeunesse de la fidélité ! Et cette jeunesse veut préserver pour elle et pour ses fils, la créance humaine, la liberté de l'homme intérieur... » (Charette)
Dans une totale indifférence des fidèles, nos évêques ont permis que disparaisse de la liturgie ce que le Concile entendait conserver : la célébration « versus orientem », le latin et le chant grégorien, l’agenouillement aux moments importants de la messe, la noblesse des autels, la tenue et la dignité des ministres de l’autel... etc. Ces disparitions, anodines en apparence, ne se sont pas faites d’un coup mais par petites touches successives : un dimanche on oublie cela, le dimanche suivant on omet ceci, et puis on remplace tel rite, tel chant par autre chose. Sans qu’on y prête attention, en s’appuyant sur une catéchèse elle-même défaillante, ces petites touches successives auront pourtant marqué la poursuite de l’affaiblissement constant du sens de la liturgie chez les catholiques de France.
Cette évolution est le fruit de la volonté opiniâtre de certains pasteurs insensibles au délitement progressif de la pratique dominicale, et qui mettent tout en œuvre pour détruire les résistances. Celles-ci sont, en effet, un obstacle à leur pastorale du « tout se vaut du moment que ça plaît » peuplée d’individus amnésiques, et qu’il faut mettre partout en œuvre. Jusque dans la plus petite des chapelles. Rien de tel alors, pour favoriser cette pastorale, que la disparition de la liturgie de l’Eglise et son remplacement par des célébrations aléatoires et souvent bêtifiantes. En effet, des fidèles oublieux de leur liturgie consentent d’autant mieux à se détourner de leurs racines spirituelles pour se contenter d’un simple verni de spiritualité, d’une foi édulcorée en un « Dieu qui chante et fait danser la vie ». Souvent ignorée, donc, la liturgie de l’Eglise subit également de virulentes attaques. Il faut désormais présenter des excuses si l’on veut participer à une messe célébrée selon le missel romain actuel. Récemment, un évêque conseillait même à un fidèle qui souhaitait la liturgie de l’Eglise dans sa paroisse d’aller discuter avec son curé. Discuter pour demander à un prêtre de bien vouloir faire ce qu’il doit faire ! Ne marche-t-on pas cul par-dessus tête ? Surtout quand on sait qu’il n’est nul besoin de discuter avec ce curé pour lui demander de célébrer n’importe comment : il le fait si spontanément ! Mal comprise par un clergé mal formé qui a su s’appuyer sur des « équipes » où sont engagés des fidèles ignorants, la liturgie est partout maltraitée. Autrefois objet de fierté pour tout catholique, elle est devenue objet de culpabilité pour qui l’aime et souhaite qu’elle soit respectée. Nos Pères dans la foi, dont le concours au cours des siècles avait permis d’édifier une liturgie qui soit la juste expression de ce que croit l’Eglise du Christ : il est de notre responsabilité de faire vivre ; à défaut, celle-ci pourrait bien disparaître définitivement, comme le craignait le Cardinal Ratzinger. Pour ce faire, il est essentiel que la transmission de la liturgie, dont la mise en œuvre fidèle est le socle, éclaire avec précision la construction de notre appartenance à l’Eglise pour que tous les fidèles puissent conserver l’envie de la célébrer ensemble.
Les spiritualités nouvelles qui ont fleuri un peu partout ces dernières années, sont à la recherche de signes identitaires spécifiques. Afin d’être en mesure de défendre leurs valeurs liturgiques, les fidèles catholiques devraient s’inspirer d’une telle quête : nous devrions absolument nous réapproprier notre liturgie et renouer avec un authentique « sensus Ecclesiae ». Il faudrait pour cela que dans la nature du fidèle catholique puisse se deviner un amour de la liturgie forçant l’admiration et le respect de tous. Cela ne pourra s’obtenir que si, en premier lieu, les ministres de l’autel acceptent à nouveau de célébrer les Mystères en s’inscrivant dans ce que Benoit XVI appelait une « herméneutique de continuité » qui conduit à ne rien rejeter de notre héritage liturgique reçu de l’Eglise.
Pro Liturgia