« Sommes une jeunesse, Messieurs ! Sommes la jeunesse de Dieu. La jeunesse de la fidélité ! Et cette jeunesse veut préserver pour elle et pour ses fils, la créance humaine, la liberté de l'homme intérieur... » (Charette)
Quand on « va à la messe » dans une paroisse quelconque, on s’aperçoit vite - pour peu qu’on ne soit pas disposé à tout accepter - que la liturgie qui est célébrée évoque plus souvent ce que le Christ n’est pas plutôt que ce qu’il est. Un théologien disait que les messes actuelles célèbrent plus l’ « absence réelle » de Dieu que sa présence. Cet inversement du sens de la liturgie vient de ce que les célébrations sont désormais devenues des « activités pastorales » où se côtoient le tragique, l’absurde et la vacuité de la pensée. Bien des messes ne sont plus que les marques d’une pseudo-religion dans laquelle le célébrant n’est plus dans sa fonction sacerdotale. Pour comprendre le pourquoi de cette corruption de la liturgie, il faut voir que l’idée dominante qui s’est emparée d’un grand nombre de fidèles - aussi bien clercs que laïcs - est que la liturgie devait relever du conceptuel. C’est-à-dire de ce qui privilégie l’idée subjective au détriment de la réalité objective. Ainsi imagine-t-on des célébrations qui correspondent à une idée mais qui ne sont plus « liturgiques » au sens catholique du terme.
Dans les paroisses, il est donc devenu très difficile de trouver une « messe » : à la place n’existent que des rassemblements autour de l’affirmation faite par le prêtre lui-même que « la liturgie, c’est ça ». La messe relève donc d’une idéologie devant être confirmée et approuvée par l’ « establishment » : elle n’est plus que le fruit de l’arbitraire et ne prétend plus avoir un caractère essentiel ou véridique. De là cette infinie variété de célébrations desquelles est exclu un élément fondamental : la liturgie elle-même. De fait, les « messes » actuelles ne sont plus fondées sur ce qui est transmis par l’Eglise, mais plutôt sur l’interdiction de plusieurs éléments clés de la liturgie : la connaissance et le respect des rites, la dignité, la beauté, l’usage du latin et du chant grégorien... Et la plupart des fidèles qui pratiquent encore, croyant toujours qu’ils participent à des célébrations qui sont dans le prolongement du concile Vatican II, ne perçoivent plus la réalité de la situation catastrophique dans laquelle ces interdictions plongent le triple rapport liturgie-Eglise-foi.
Dans les diocèses de France, à des degrés divers, les messes bricolées sont devenues la forme d’expression officielle et acceptable de la liturgie. Ces messes font désormais partie d’une stratégie dans laquelle les opinions souvent infondées mais pastoralement correctes de quelques clercs autoproclamés « spécialistes », déterminent ce que devra être une « belle » célébration, une célébration « qui plaît ». On est alors dans un système totalitaire où la liturgie ne sert à rien d’autre qu’à l’autosatisfaction de quelques fidèles : il n’y a plus ni célébration de la gloire de Dieu, ni transmission de connaissances, ni reconnaissance du passé. Et il n’y a certainement rien à apprendre et à transmettre pour le fidèle, étant donné que l’apprentissage et la transmission nécessitent une stabilité rituelle qui risquerait de dénaturer le talent dont se prévalent quelques uns pour réinventer les célébrations dimanche après dimanche.
Les célébrations liturgiques qui se veulent actualisées, « évolutives » et participatives sont un profond vide culturel et cultuel. Mais quiconque oserait le dire - comme le petit enfant dans l’histoire des habits neufs de l’empereur qui a dit que l’empereur était nu - serait ignoré ou considéré comme impertinent. Les messes paroissiales actuelles n’ayant plus pour objectif d’offrir aux fidèles une référence à la beauté et à la Vérité, il ne saurait donc être question d’y trouver la moindre trace d’esthétique reflétant la Beauté de la foi objective. Désormais, les messes ne sont conçues qu’avec l’intention de servir l’ « ego » déchu de quelques fidèles activistes. En fait, un peu comme pour les anges déchus et devenus démons, la devise de ceux qui imaginent des célébrations ne respectant pas le Missel romain pourrait être « non serviam ».
Pro Liturgia