Combien de nos contemporains sont catholiques pratiquants ? On trouve sur Internet des sondages aptes à satisfaire tous les goûts. Beaucoup de catholiques se revendiquent pratiquants mais ne vont pas à la messe et se contentent de quelques visites dans des sanctuaires ou des lieux de pèlerinage. Il est difficile de mesurer la part de responsabilité d'une liturgie eucharistique dégradée par la négligence des clercs et l'ignorance des fidèles dans cette situation. Mais il est certain que lorsque la messe est ennuyeuse et dépourvue de sens, la pratique diminue (...). A des jeunes qui avaient remandé au recteur d'une basilique la permission de faire célébrer pour leur groupe une messe selon la rite tridentin, autrement appelé la "forme extraordinaire du rite romain", il a été répondu : "Le Pape commande à Rome, ici c'est moi qui commande !". Les jeunes répliquèrent alors : "Vous permettez aux orthodoxes de célébrer leur rite alors qu'ils ne sont pas en pleine communion." Le recteur ne put que leur répliquer : "Vous êtes des réactionnaires." Je me demande aussi (Nicola Bux, NDLR) s'il est acceptable que le délégué épiscopal en charge des questions liturgiques d'un grand diocèse italien puisse affirmer que la chose qui l'agace le plus est la communion à genoux. Ou encore qu'un prêtre puisse dire qu'il ne veut pas qu'un crucifix soit placé sur l'autel. Je pense aussi à ceux qui ont les chasubles romaines en horreur alors qu'elles ont prévalu jusqu'à ce que la chasuble gothique s'impose après le Concile, davantage pour des raisons idéologiques que pratiques. Cette haine envers les chasubles romaines est une haine envers notre histoire, et envers nous-mêmes. Un autre prêtre, en voyant une personne se mettre à genoux dévotement après avoir reçu la communion, s'est mis à genoux devant elle pour la ridiculiser. Cela relève de la pathologie psychiatrique. Et nous n'en somme pas encore au plus scandaleux. Un jour, au terme d'une concélébration, un prêtre consciencieux s'était mis en quête d'un tabernacle afin de recueillir les hosties consacrées en trop grand nombre. Le curé lui dit de les jeter dans une corbeille puisqu'il n'y avait personne pour les voir. Est-il possible qu'un "homme de Dieu" (puisque c'est ainsi que l'on appelait les prêtres autrefois) en puisse arriver à un tel point ? Il y a encore ceux qui soutiennent qu'il ne sert à rien d'imiter le pape dans sa manière de célébrer ! Mais les messes qui sont célébrées dans l'espace latin, de quel rite sont-elles ? Qu'est devenue l'unité du rite dont parle la Constitution conciliaire dur la liturgie (SC 38) ? Peut-on imputer tout cela à la réforme liturgique ? Comment tout cela a-t-il bien pu survenir ? Paul VI disait que "les fumées de Satan sont entrées dans l'Eglise."
Benoît XVI insiste sur le fait que le mal vient de l'intérieur même de l'Eglise. Comme il l'a affirmé alors qu'il était encore cardinal, nous vivons une grave crise, en partie imputable à l'effondrement de la liturgie. Lorsqu'on ne croit pas que Jésus est présent dans le Saint Sacrement, qu'il est le Sacré que nous pouvons toucher, alors la liturgie n'est plus "sacrée", n'a plus aucun sens. Vers qui se tourne-t-elle ? Evidemment vers le peuple ! Un observateur français note que "du point de vue liturgique, l'Eglise est un grand malade (...)." La crise de l'Eglise s'enracine dans la crise de la liturgie qui a perdu ses règles, devient le jouet de chacun et oublie le droit de Dieu, le ius divinum. (...) La connaissance de la liturgie par le moyen des rites et des prières, per ritus et preces selon les prescriptions de la première Constitution adoptée par le second concile du Vatican (SC 48) est aujourd'hui remplacée par un flot ininterrompu de paroles. Nombre de prêtres en viennent à penser que les rites qui ne seraient pas expliqués perdraient leur efficacité. C'est ainsi confondre la liturgie et la catéchèse. Nous sommes renvoyés à la banalité (...)"
Extrait de "La foi au risque des liturgies", par Mgr Nicola Bux, Ed. Artège, 2011