La verticalité entre la vérité reçue de Dieu et l’homme est à la base de l’élaboration des rites, lesquels constituent un moyen d’exprimer la foi et de la transmettre. Les rites ne tombent pas du ciel : ils s’élaborent dans des contextes socio-culturels particuliers, puis se transmettent et se diffusent dans des sociétés diverses et changeantes. Ce sont ces changements de sociétés, de contextes, qui obligent l’Eglise à s’interroger régulièrement, comme elle l’a fait par exemple au moment de Trente ou de Vatican II - mais pas seulement - pour savoir ce qui, dans les rites, doit être sauvé, conservé, transmis, adapté, laissé de côté. Il y a là tout un travail à la fois théologique et pédagogique à faire et qui consiste à trier et à penser le mode de la transmission des rites et de leur contenu.
Lorsque l’Eglise fait ce travail de « tri » et de « réorganisation » en établissant une distinction entre les rites et les coutumes qui ont pu être insérées dans les actions sacrées au cours des siècles, elle se souvient qu’elle n’est pas seulement la « planificatrice » des rituels, mais qu’elle est aussi la « gardienne » de ce qui est constitutif des moments les plus sacrés dans la vie d’un croyant en ce qu’ils sont des instants d’arrachement aux lourdeurs du quotidien, des occasions d’autocritique, de confession, de réflexion sur soi, de retraite personnelle... En dehors de leur rôle de transmission et d’expression de la foi, les rites ont aussi pour fonction de marquer des cycles ou des étapes de vie (c’est, par exemple, le rôle du « cycle liturgique ») et d’organiser la transmission des valeurs intergénérationnelles permettant d’assurer une continuité à travers le temps. Ils ont aussi pour fonction de colmater les angoisses de la vie (d’où, par exemple, l’importance de conserver intacts les rites de la Messe pour les défunts), d’instaurer un ordre à la place du chaos ou de l’aléatoire, de donner un sens à l’existence et de préparer des climats à la fois individuels et collectifs. Tout nouveau rite créé à partir de l’expérience vécue doit pouvoir se fondre dans les anciens rites qui garantissent la continuité nécessaire à la conservation de l’identité de la communauté ecclésiale. Lorsque des nouvelles pratiquent ne se diluent pas dans les anciens rites, on observe un processus de « déritualisation » qui aboutit à une perte de cohésion, d’unité, d’identité, de continuité de la communauté ecclésiale. Enfin, le rite peut servir de base pour inciter les enfants à poser des questions aux adultes. C’est très important ! Voilà pourquoi il est totalement aberrant d’imaginer des célébrations liturgiques adaptées aux plus jeunes : ceux-ci doivent participer aux célébrations fortement ritualisées capables de susciter leur curiosité et de les conduire à interroger les adultes. Au demeurant, on constate que nulle part ailleurs que dans les paroisses relevant du rite catholique romain on invite les enfants à participer à des célébrations élaborées pour eux. (Imagine-t-on ce que deviendrait la riche liturgie copte, par exemple - voir ici - si elle devait être adaptée aux enfants ? Il n'en resterait plus rien.)
L’activité rituelle doit nourrir l’esprit collectif et la dimension mythique du groupe ecclesial. C’est-à-dire qu’elle doit signifier ce à quoi on croit dans la communauté, quelles sont les valeurs spécifiques auxquelles on se réfère et qui sont liées à l’histoire dont elles sont le fruit. Toutefois, l’activité rituelle doit ouvrir la communauté locale sur ce qui la dépasse, qui n’est pas limité aux membres qui la composent. Car le pire advient lorsqu’un rituel enferme un groupe dans une rigidité comportementale. Alors, le rituel « fermé », envahissant et contraignant, se transforme en une tentative de survie qui fige le groupe dans des attitudes exprimant sa peur d’être menacé dans son existence et son identité.
Pro Liturgia