Durant les fêtes pascales, il y a bien eu en France quelques paroisses où des prêtres courageux ont fait le maximum pour respecter la liturgie. Mais il ne s'agissait bien que de "quelques paroisses" car dans la majorité des églises de France, il est depuis longtemps devenu "normal" de célébrer la liturgie n'importe comment, pourvu que ce ne soit pas dans les règles. Avec la bénédiction des évêques diocésains, chaque prêtre est libre de célébrer la messe comme il veut... à condition qu'il respecte le moins possible le Missel Romain. Car l'essentiel, pour la majorité des évêques de France (il existe fort heureusement quelques exceptions qui font grincer des dents au sein de l'épiscopat), est d'avoir un clergé qui veille à ce que la liturgie de l'Eglise ne soit jamais célébrée comme elle doit être célébrée : il est donc impératif d'y introduire des improvisations, de la laideur, du laisser-aller, de l'indigence musicale... bref, tout ce qui permet de montrer que les célébrations sont élaborées par les communautés paroissiales mais ne sont plus une richesse à recevoir de l'Eglise. Le prêtre lui-même, lorsqu'il est à l'autel, doit faire ce que l'équipe liturgique locale lui demande de faire et non ce que l'Eglise attend qu'il fasse : le célébrant n'est plus qu'un "délégué" de l'assemblée, à la manière d'un pasteur protestant. Dans le pire des cas, son rôle se limite à celui de "Monsieur Loyal". Et si, dans les conditions actuelles, un fidèle se plaint de devoir assister de dimanche en dimanche à des célébrations déficientes, il convient que son évêque l'envoie sur les roses en lui faisant comprendre qu'il n'a pas de leçons à donner à des prêtres ouvertement "conciliaires". Le problème vient de ce que dans les diocèses de France, être "conciliaire" signifie presque toujours se prévaloir de Vatican II pour ne surtout pas en appliquer les enseignements. Et les évêques sont d'ailleurs eux-mêmes persuadés que moins on respecte la liturgie, plus on est dans la droite ligne de Vatican II. En France, "être dans la droite ligne de Vatican II" signifie, quand on est à la tête d'un diocèse ou d'une paroisse, avoir une commission liturgique dirigée par une personne dont l'autoritarisme est inversement proportionnel aux compétences en liturgie. La commission en question est alors chargée non de faire respecter la liturgie de l'Eglise, mais de "fliquer" le curé, l'organiste, le maître de choeur qui respecte trop le missel et qui - comble de l'outrecuidance - refuse de suivre les programmes liturgiques élaborés par les "équipes" nommées dans les divers secteurs interparoissiaux.
Il règne donc, dans le domaine de la liturgie et malgré les très nombreux rappels à l'ordre du Souverain Pontife, une totale confusion qu'une majorité d'évêques se plaisent à entretenir par leurs silences et par la pastorale calamiteuse qu'ils mettent en place. Partout la liturgie continue d'être régulièrement "blessée" - pour reprendre une expression de Mgr Aillet - car personne, dans les rangs de l'épiscopat, n'a le courage de prendre la parole pour exiger des prêtres et des fidèles laïcs qu'ils s'en tiennent au missel et qu'ils abandonnent définitivement des façons de célébrer erronées. Partout - ou presque - on constate des raidissements épiscopaux ou cléricaux contre les fidèles ou les simples curés attachés à la correcte application du Missel Romain. Contrairement à ce qu'ils prétendent, les évêques ne font rien pour renverser la tendance et faire qu'enfin la liturgie soit respectée. Pas une seule fois on ne les a entendus dire qu'il fallait s'en tenir au missel; pas une seule fois on ne les a vus reprendre le célébrant qui "blessait" systématiquement la liturgie; pas une seule fois on ne les a vus nommer à la tête des commissions de liturgie diocésaines des prêtres compétents, connaissant et appliquant les textes magistériels, et sachant parfaitement célébrer la liturgie (messe, vêpres...) aussi bien en français qu'en latin. Nos pasteurs diocésains ont-ils l'intention de redresser la situation ? Non. Pour eux il s'agit avant tout de continuer à ignorer les textes magistériels et de faire comprendre au Souverain Pontife qu'il n'est pas question d'engager un nouveau mouvement liturgique qui puisse enfin donner le jour au véritable héritage de Vatican II. Au yeux de l'épiscopat français, Benoît XVI n'a rien compris : il a tout faux. Dans les paroisses de France, l'important est donc de ne rien changer, de ne surtout pas bousculer les mauvaises habitudes qui sont généralisées. Car c'est en ne faisant rien d'autre que de brasser du vent qu'on passe pour "conciliaire" dans l'Eglise-qui-est-en-France. Mais se pose alors une question : que doivent faire les fidèles qui veulent la liturgie de l'Eglise ? Face à l'inertie des évêques, beaucoup pensent qu'il faudrait créer une sorte de "front de libération de la liturgie" qui permettrait, en se basant sur les enseignements des Souverains Pontifes, de refuser ouvertement et officiellement de prendre part aux célébrations qui ne respectent pas le missel romain. Une sorte de fronde ? Et pourquoi pas, quand on sait que depuis le Concile on a obligé les fidèles à gober n'importe quoi et qu'il y a maintenant overdose de niaiseries dans les paroisses. C'est le Cardinal Ratzinger qui a invité à « arracher la liturgie à l'arbitraire des curés et de leurs équipes liturgiques » (Cf. Un chant nouveau pour le Seigneur, p. 103). C'est Jean-Paul II qui a expressément demandé aux fidèles de « refuser toutes les interprétations erronées et les applications arbitraires et abusives en matière doctrinale, liturgique et disciplinaire » (Motu proprio Ecclesia Dei, n.5a). Pourquoi les fidèles qui ont droit à l'authentique liturgie de l'Eglise devraient-ils attendre plus longtemps pour agir... efficacement ?
Pro Liturgia