La situation actuelle de la liturgie romaine est pour beaucoup de fidèles assez difficile à comprendre. Car on trouve pêle-mêle la liturgie telle que l'Eglise nous demande de la célébrer et la liturgie telle que l'imaginent certains célébrants : entre les deux les différences sont très variables.
1. Les formes légitimes de la liturgie
La liturgie romaine que l'Eglise demande de célébrer se décline sous deux formes légitimes : la forme dite "ordinaire", qui correspond à celle qui a été définie à la suite du concile Vatican II et qui est celle que tout fidèle devrait trouver dans l'ensemble des églises, et la forme "extraordinaire" qui est celle qui a été définie à la suite du concile de Trente au XVIè siècle. Selon les enseignements des Souverains Pontifes qui se sont succédés depuis Vatican II (Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II, Benoît XVI), la forme "ordinaire" prolonge et complète la forme "extraordinaire"; elle ne peut être comprise et correctement mise en œuvre que dans la mesure où celui qui la célèbre a au fond de lui la conscience que la liturgie témoigne de la continuité de l'Eglise et non d'un instant donné, que cet instant soit marqué par un concile ou par le décret signé d'un pape. Signalons ici ce qui apparait comme les caractéristiques essentielles de chacune des deux formes de l'unique rite romain lorsqu'elles sont chantées (ce qui est la forme "normale" de la liturgie) :
- la forme "extraordinaire" se présente comme un assemblage - parfois difficile entre quatre éléments : d'une part le rite liturgique proprement dit et le cérémonial qui l'accompagne et, d'autre part la messe lue au cours de laquelle le célébrant fait tout lui-même et la messe chantée au cours de laquelle certaines prières dites par le célébrant sont aussi chantées par une schola alternant parfois avec l'assistance. Cette forme "extraordinaire" est célébrée en latin et, sauf rares exceptions, le prêtre et l'assistance tournés vers l'Orient ou vers ce qui le symbolise dans le sanctuaire.
- la forme "ordinaire" apparait simplifiée en ce sens que ce qui est chanté par la schola n'est pas répété par le célébrant à l'autel. Cette forme peut être célébrée en latin ou dans des langues courantes - pourvu, dans ce dernier cas, que les textes employés soient des traductions approuvées des livres liturgiques originaux en latin - et elle peut être célébrée par un prêtre faisant face à l'assemblée.
Pour résumer, disons que le rite romain dans sa forme "extraordinaire" est célébré en latin versus orientem et que dans sa forme "ordinaire" il est célébré en latin ou en langue courante, versus orientem ou versus populum. Ceci dit, la réalité est tout autre, particulièrement en France.
2. La réalité liturgique en France
a) Pour ce qui est de la forme "extraordinaire"
Le Motu proprio Summorum pontificum de Benoît XVI dit clairement que les fidèles qui le souhaitent peuvent participer à la messe célébrée dans sa "forme extraordinaire", à condition de ne pas faire de cette forme un argument dirigé contre Vatican II et la restauration liturgique qui en est issue. Or, en France, tous les prétextes sont bons pour ne pas tenir compte du droit des fidèles à bénéficier de cette forme et ne pas appliquer Summorum pontificum. D'un autre côté, il est vrai aussi que certains de ceux qui souhaitent la forme "extraordinaire" de la liturgie se constituent parfois en "chapelles" dirigées par des fidèles dont les comportement identitaires marqués tendent à exclure celui ou celle qui ne partage pas toutes les convictions du groupe.
b) Pour ce qui est de la forme "ordinaire"
Les enseignements magistériels disent très clairement qu'aucun prêtre ne peut se considérer comme un propriétaire de la liturgie : la forme "ordinaire" du rite romain doit donc respecter ce que l'Eglise a prévu et non ce que tel ou tel célébrant souhaite ou impose à une assemblée. Or, cette disposition essentielle est totalement ignorée de la grande majorité des prêtres et des fidèles laïcs. Résultat : la liturgie restaurée à la suite de Vatican II demeure totalement inconnue (sauf rares exceptions) et dans les paroisses - cathédrales y compris - elle est aujourd'hui remplacée par des cérémonies qui n'ont conservé du rite romain que la trame mais qui n'en ont plus ni la logique, ni la cohérence interne, ni même la dignité capable d'exprimer le sacré. Quant à l'expression latine et grégorienne de cette forme "ordinaire", telle qu'elle était expressément voulue par le concile Vatican II (comme l'a rappelé Benoît XVI dans l'Exhortation Sacramentum caritatis), elle a été refusée dans les paroisses. Il faut préciser ici que cette volonté d'éradiquer le latin s'inscrivait dans un plan plus vaste de désacralisation et de banalisation de la liturgie : tandis qu'on finissait de faire basculer le rite romain du tout latin au tout français, on remplaçait les autels par des tables ou des caisses, on abandonnait le port des vêtements liturgiques prescrits et l'usage des vases sacrés, on supprimait le service d'autel assuré traditionnellement pas des enfants de choeur, on remplaçait les orgues et les harmoniums par des synthétiseurs et des guitares, on liquidait les chorales paroissiales entières afin de mettre à leur place une personne chargée de chanter dans un micro pour "animer" la messe.
c) Ce à quoi ont droit les fidèles.
Très concrètement, le fidèle qui, le dimanche, veut participer en paroisse à la liturgie de l'Eglise, a le choix entre la forme "extraordinaire" du rite romain - s'il la trouve près de chez lui - ou... rien. Car, répétons-le : ce qui se fait dans les églises paroissiales ne ressemble que de loin - parfois même de très loin ! - à la forme "ordinaire". Le résultat d'un demi-siècle de dérives liturgiques cautionnées par un épiscopat français qui avait choisi (par son silence) d'accepter même l'inacceptable, est aujourd'hui sous nos yeux : la messe dite "de Paul VI" est quasiment inexistante. Elle est même totalement inexistante telle qu'elle était prévue par le Concile et telle qu'elle est toujours prévue par le missel romain actuel : en latin/grégorien et versus orientem. On a tout fait pour que le rite romain soit effacé de la "mémoire liturgique" des fidèles : pressions exercées sur les prêtres qui le célébraient sans le déformer, discrédit jeté sur les fidèles qui le demandaient, limogeage des organistes et des maîtres de choeurs qui le respectaient, renvoi des séminaristes qui s'y tenaient, interdiction de l'enseigner dans les séminaires et les maisons religieuses, nomination à la tête des commissions liturgiques diocésaines de prêtres et de laïcs gagnés aux idées les plus anti-liturgiques etc.
3. Des espoirs... et des difficultéS
Pourtant, certaines choses sont en train de changer... doucement, trop doucement même. Comment ? Il y a d'abord les enseignements du pape Benoît XVI : il dit tout haut ce que, durant des années, on n'avait pas le droit de dire. A savoir que la liturgie a été déformée par ceux qui ont fait dire au concile Vatican II ce qu'il n'avait jamais voulu dire. Or quand le pape parle, on l'entend. A moins de rester obstinément sourd... Il y a ensuite une nouvelle génération de prêtres qui a elle-même souffert du marasme liturgique généralisé en France. Cette génération a souvent pris le temps de lire et d'étudier Vatican II et elle s'est rendue compte que ce que les aînés avaient imposé dans les paroisses au nom du Concile... n'était pas le Concile tel que l'Eglise l'avait conçu. Certes, ces "nouveaux prêtres" connaissent souvent mal la liturgie : on ne la leur a jamais apprise et ils ne l'ont jamais vue en paroisse. Ils souffrent donc d'un défaut de transmission et il leur faut tout redécouvrir. Souvent, ils ne connaissent la forme "ordinaire" du rite romain que parce qu'ils l'ont vue dans tel ou tel monastère... Mais un monastère n'est pas une paroisse et l'on ne peut pas obliger des fidèles laïcs à faire comme font les moines. Cependant l'esprit de la liturgie monastique peut servir d'assise à une solide pastorale paroissiale en sorte que le fidèle qui participe à la messe dans son église ne se sente pas déboussolé lorsqu'il assistera, à l'occasion, à une messe conventuelle célébrée strictement comme le demande l'Eglise, éventuellement en latin et grégorien. Il faut bien voir que cette nouvelle génération de prêtre, ouvertement "catholique et romaine", désireuse de réinsérer progressivement du latin et du grégorien dans les messes paroissiales, est souvent celle qui inquiète le plus les clercs appartenant à la génération des "démolisseurs de la liturgie", ceux de la "génération 68". Elle inquiète bien plus les establishments diocésains que les fidèles réclamant la forme "extraordinaire" du rite romain, lesquels demeurant généralement minoritaires, ne perturbent pas ceux qui s'emploient depuis des années à déstructurer la liturgie jusqu'à lui faire perdre son sens véritable. La preuve que ces nouveaux prêtres dérangent, c'est que lorsque l'un d'eux célèbre dignement la messe dite "de Paul VI" en français, mais sans la déformer et en y introduisant quelques pièces grégoriennes, il provoque déjà des remous au sein du clergé local, alors que ce même clergé local ne trouvera souvent rien à redire si un groupe de fidèles de sensibilité "traditionnelle" demande à disposer d'une chapelle ou d'un créneau horaire pour célébrer la forme "extraordinaire" du rite romain. Il y a enfin les difficultés qui proviennent de fidèles auxquels on a répété durant des années que depuis Vatican II, la messe devait obligatoirement être célébrée en français et "face au peuple" pour que "le peuple puisse comprendre et voir". Ces fidèles-là, dont certains ont profité de la désacralisation planifiée pour faire de la liturgie leur "pré carré" (animateurs, membres d'E.A.P....) ne comprennent pas et ne supportent pas que des jeunes prêtres puissent consacrer une partie de leur ministère à rétablir tout ce qu'eux se sont employés à faire disparaître au nom de Vatican II. Il y a donc, chez les "anciens" et chez les "nouveaux" deux visions de la liturgie qui s'affrontent... parfois même sans grande charité de la part de ceux qui parlent le plus de "tolérance" et d' "ouverture". Encore que le respect de la liturgie ne soit ni une question de "tolérance" ni une question d' "ouverture" mais plutôt une question de "vérité" et de "fidélité". En effet : la liturgie étant l'expression de la foi de l'Eglise, soumettre les célébrations à des questions de "tolérance" conforterait l'idée que tout peut se négocier en matière doctrinale, sur la base de rapports de force favorables ou défavorables.
CONCLUSION
Dans le brouillard liturgique actuel, tel qu'il a couvert la grande majorité des paroisses de France, on peut tout de même distinguer un élément caractéristique : celui d'une opposition sourde entre un clergé "à la française" qui a pris appui sur le Concile mal compris pour favoriser l'émergence d'un christianisme "gallicano-social" privé de fondements doctrinaux solides, et un clergé "à la romaine" s'attachant à montrer aux fidèles que l' "Eglise en France" ne saura être viable et crédible que si elle manifeste son lien - et quel lien pourrait être plus solide et parlant que celui de la liturgie ? - avec chacun des papes qui ont succédé à l'Apôtre Pierre. Pour le clergé "à la française" qui souvent n'a pas bénéficié d'une solide formation théologique et pastorale, la liturgie n'est conforme aux enseignements de Vatican II que si elle est célébrée en français, "face au peuple", selon des modalités et des artifices dits "pastoraux" qui peuvent la déformer à l'infini en fonction des prêtres et des assistances. On a vu que cette façon de comprendre la liturgie doit être abandonnée en ce qu'elle contredit ouvertement les enseignements de l'Eglise. Pour le clergé "à la romaine", il est impératif de débarrasser les paroisses des célébrations approximatives afin de pouvoir redonner progressivement aux fidèles l'authentique liturgie romaine de l'Eglise, laquelle peut être célébrée soit sous sa forme "extraordinaire" en latin, soit sous sa forme "ordinaire" en latin ou en français, mais toujours en respectant les indications données par le missel et en soignant tout particulièrement la mise en oeuvre des rites. La tâche est ardue et prendra probablement plusieurs générations puisqu'il faut définitivement abandonner ce qui s'est fait jusqu'à présent et procéder à une nouvelle initiation de fidèles qui ont été introduits dans une vision passablement erronée de la liturgie.
Pro Liturgia
- "La réforme liturgique a été mise en oeuvre très rapidement. Il y avait d'excellentes intentions et une volonté d'appliquer Vatican II. Mais il y a eu de la précipitation. On ne s'est pas donné assez de temps et d'espace pour accueillir et intérioriser les leçons du Concile; tout d'un coup, on a changé la façon de célébrer.(...)"
- "Ce que je vois comme absolument nécessaire et urgent, selon ce que veut le pape, c'est de donner naissance à un nouveau mouvement liturgique, clair et vigoureux, dans l'Église tout entière. Parce que, comme l'explique Benoît XVI dans le premier volume de son Opera Omnia, dans le rapport avec la liturgie se décide le sort de la foi et de l'Eglise. (...)"
- "(...) il doit n'y avoir aucun doute sur la bonté du renouveau liturgique conciliaire qui a apporté de grands bénéfices dans la vie de l'Église, comme la participation plus consciente et plus active des fidèles, et une présence enrichie de la Sainte Écriture. Mais en dehors de ceux-ci et d'autres avantages, il y a eu des ombres, qui ont émergé dans les années après le concile Vatican II : la liturgie, c'est un fait, a été "blessée" par des déformations arbitraires, causées aussi par la sécularisation qui frappe malheureusement à l'intérieur de l'Eglise. Par conséquent, dans de nombreuses célébrations, ce n'est plus Dieu qui est au centre, mais l'homme, son action créatrice, le rôle principal donné à l'assemblée. (...)"
- "Ceux qui pensent que faire revivre, rétablir et renforcer l'esprit de la liturgie, et la vérité de la célébration, est un simple retour à un passé obsolète, ignorent la vérité des choses. Placer la liturgie au centre de la vie de l'Eglise n'est pas du tout nostalgique, mais est plutôt la garantie d'être en chemin vers l'avenir."
- "Le pape demande donc à notre Congrégation [pour le Culte divin] de promouvoir le renouveau en conformité avec Vatican II, en accord avec la tradition liturgique de l'Eglise (...). Et pour ce faire nous devons surmonter la tendance à "geler" l'état actuel de la réforme post-conciliaire, d'une manière qui ne rende pas justice au développement organique de la liturgie de l'Eglise. (...) Cela nécessite une instruction adéquate et ample, vigilance et fidélité dans les rites et une authentique éducation, afin de les vivre pleinement. Cet engagement sera accompagné par la révision et l'actualisation des textes d'introduction aux différentes célébrations. (...)"
- "Le nouveau mouvement liturgique devra faire découvrir la beauté de la liturgie. Pour cela, nous allons ouvrir une nouvelle section de notre Congrégation dédiée à "L'art et la musique sacrée" au service de la liturgie. Cela permettra d'offrir dès que possible des critères et des lignes directrices pour l'art, le chant et la musique sacrés. De même, nous souhaitons offrir dès que possible des critères et des lignes directrices pour la prédication."
- "Dans tous les cas, il faut que chacun prenne conscience de la nécessité, non seulement des droits des fidèles, mais aussi du droit de Dieu."
- "La beauté [en liturgie] est fondamentale, mais c'est quelque chose de bien différent d'un esthétisme vide, formel et stérile, dans lequel elle tombe parfois. Il y a un risque de croire que la beauté et la sacralité de la liturgie dépendent de la richesse des ornements, ou de l'ancienneté des parements. Il faut une bonne formation et une bonne catéchèse fondée sur le Catéchisme de l'Eglise catholique, évitant aussi le risque inverse, celui de la banalisation, et agissant avec décision et énergie lors de l'utilisation de coutumes qui ont eu leur signification dans le passé mais ne l'ont plus aujourd'hui, ou n'aident en aucune façon la vérité de la célébration."
- "Nous devons donner une impulsion à l'adoration eucharistique, renouveler et améliorer le chant liturgique, cultiver le silence, donner plus de place à la méditation. De là viendront les changements."
Source : Benoît et moi
Mgr Nicola Bux est consulteur de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, de la Congrégation pour le Culte Divin, du Bureau des célébrations liturgiques du Souverain Pontife, et professeur de liturgie et de théologie sacramentaire à l'Institut de théologie de Bari (I). En 2010, il a publié un ouvrage au titre significatif : "Come andare a Mesa et non perdere la fede" - comment aller à la Messe et ne pas perdre la foi... ou encore : comment ne pas perdre la foi quand on va à la messe -. C'est une question d'actualité tant il est vrai qu'il arrive que des fidèles, après avoir assisté à certaines célébrations eucharistiques, en viennent à se demander s'il faut encore croire en quelque chose... Le livre de Mgr Bux vient d'être traduit en français pour être publié par les éditions Artège sous le titre : "La foi au risque des liturgies". Le propos de l'Auteur est clair : « Il faut rétablir le droit de Dieu à être adoré à la manière qu'il indique lui-même et inverser la dangereuse tendance actuelle à multiplier les rites contingents qui ne répondent qu'aux besoins de l'homme ou de l'assemblée ». Concrètement, dans 99% des paroisses de France... tout est à revoir, comme va le montrer Mgr Bux au fil de ses pages.
Dans le premier chapitre, l'Auteur montre que la liturgie souffre d'un mal qui se communique aux fidèles : nos célébrations « ne manifestent plus la foi en la permanence de la présence divine » : près des autels, l'importance désormais donnée aux sièges des célébrants a fait perdre de vue que c'est l'action de la grâce sacramentelle qui est première. Ce qui fait que de nombreux prêtres, confondant liturgie et catéchèse, en viennent à penser qu'ils sont la figure principale d'une liturgie qui perdrait son efficacité s'ils ne prenaient pas soin de l'expliquer. Cette inversion du sens de la liturgie est-elle imputable au Concile Vatican II ? Non, répond clairement Mgr Bux. Elle est le fait de ceux qui, dans un climat d'euphorie post-conciliaire généralisée, on prétendu améliorer les célébrations en y introduisant, comme autant d'abus, leurs façons de voir et de comprendre la liturgie. D'où l'urgence de corriger nombre de pratiques actuelles issues de ces prétendues "améliorations" qui, comme on le constate, ont eu partout des résultats inverses de ceux qu'elles se proposaient d'obtenir.
Dans le chapitre 2, Mgr Bux explique ce que la liturgie... ne doit pas être : elle ne doit pas être le fruit de nos manipulations. Or la "manipulation" de la liturgie est bien ce qui caractérise les célébrations actuelles : elle est le fait d'un état d'anarchie dans lequel les groupes de fidèles n'écoutent plus les prêtres, qui eux-mêmes n'écoutent plus les évêques, qui eux-mêmes n'écoutent plus le Souverain Pontife et ne suivent plus les documents émanant du Siège apostolique. Citant ici le Cardinal Ratzinger, Mgr Bux souligne que « la manière dont le culte doit être rendu n'est pas matière à compromis : la liturgie tire sa mesure et son ordonnance de Dieu même et de sa révélation ». Il y a donc une désobéissance quasi généralisée qui est le fruit de la méconnaissance de l'histoire et de la signification théologique du rite, de l'obsession de la nouveauté, de la défiance de la capacité de parler à l'homme par l'intermédiaire de signes, dans le manque de confiance dans l'efficacité du sacrement qui reçoit de Dieu le pouvoir de réaliser ce qu'il signifie. Et cette désobéissance aboutit à une violation des règles liturgiques qui se fait sous couvert d'un terme passe-partout jeté à la figure de tout fidèle qui refuse les excentricités de tel ou tel célébrant : la "pastorale". Pour Mgr Bux, il est urgent de contrecarrer les effets de cette pastorale dévastatrice en redonnant à la liturgie romaine ses deux caractéristiques principales exaltées par Vatican II : la sobriété et la noblesse. Deux qualités qui doivent s'équilibrer l'une l'autre. « C'est à ces caractéristiques - écrit l'Auteur - que l'on reconnait l'authentique rite romain lorsqu'il n'est pas étouffé par des innovations introduites dans un "rituel" propre à des mouvements ou communautés nouvelles; ou encore par un quelconque "directoire et normes pour les acolytes et les lecteurs" déviant et erroné bien qu'approuvé par un organisme liturgique diocésain ». Quelles sont les innovations abusivement introduites dans le rite romain ? Mgr Bux en fournit une petite liste dans laquelle chaque fidèle pourra reconnaître ce qui affecte habituellement la messe paroissiale à laquelle il lui est donné d'assister : « inflation incontrôlée de commentaires, réduction à la portion congrue de la liturgie eucharistique, diffusion du personnalisme liturgique et manipulation des rites, substitution des rites et des lectures liturgiques afin de "personnaliser" les célébrations, ministres extraordinaires de la communion qui finissent par devenir des ministres ordinaires au point de remplacer le célébrant, communion des laïcs en self-service, récitation totale ou même partielle de la prière eucharistique par les fidèles, usage arbitraire des vêtements liturgiques : chasuble sans étole, étole sans chasuble, étole sur la chasuble, étole sur et sous la chasuble, célébration sans chasuble et sans étole... etc ». Et Mgr Bux de conclure : « Les évêques ne devraient pas tolérer de tels abus. Le Seigneur a, en effet, confié aux Apôtres et à l'Eglise, la garde du Saint Sacrement en même temps que celle de la foi. Si chaque célébration eucharistique dans un diocèse est faite en communion avec l'évêque et sous son autorité, il a la responsabilité de veiller à ce que les fidèles puissent assister à la messe catholique et non à un show bizarre. Afin d'y veiller, il doit s'assurer de la formation de tous et mettre un terme aux abus ». Ce que ne dit pas ici Mgr Bux - mais il est vrai que son ouvrage ne vise pas directement la France - c'est que dans nos diocèses "hexagonaux", c'est souvent l'évêque lui-même qui est l'auteur des abus liturgiques les plus criants... Mais ceci est un problème spécifique.
Au chapitre 3, Mgr Bux évoque les solutions avancées par le pape pour tenter de mettre un terme aux abus liturgiques et pour permettre aux fidèles de retrouver le vrai sens de la messe. Trois grandes pistes sont proposées : 1. « Innover dans la tradition » car « la liturgie appartient à la tradition et ne peut être comprise en dehors d'elle ». C'est dire qu'il faut réapprendre à prier à genoux (en France, on s'est employé à supprimer les agenouilloirs pour faire perdre aux fidèles le goût de la posture spécifique de la prière chrétienne), retrouver l'habitude de la messe célébrée en latin sans pour autant abandonner la pratique de la liturgie en langues vernaculaires; 2. restaurer la discipline dans la musique sacrée en remettant le chant grégorien à l'honneur et en mettant hors du sanctuaire les cantiques « d'un style sentimental vaguement New Age qui a envahi nombre de répertoires nationaux et domine dans les grandes célébrations comme dans nombre de paroisses »; 3. promouvoir un art qui obéit à la tradition, à l'Ecriture et au Magistère pour se faire « ministère de la beauté » et ainsi appuyer la foi.
Dans le chapitre 4, Mgr Bux entend rappeler à quoi doit ressembler une église : elle est un sanctuaire dans la disposition, parce qu'elle interagit avec la liturgie et donc avec la foi des fidèles, doit être respectueuse de certaines règles. L'église est un temple; elle n'est ni une salle, ni un hall... de gare ! Tour à tour sont décrits plusieurs éléments que l'on trouve dans une église :
- le baptistère, élément du parcours de l'initiation chrétienne, précède l'Eucharistie et y conduit. Selon la tradition, il se situe au nord, c'est-à-dire à gauche lorsque l'église est orientée;
- le confessionnal doit rester le lieu où le fidèle est assuré de trouver la discrétion qui garantit le secret;
- la place réservée aux fidèles doit être distincte de celle réservée aux ministres de la liturgie. Elle n'est donc pas dans le choeur. Elle a une caractéristique : permettre la participation à la liturgie par le recueillement du coeur et du corps, par l'écoute, la louange, l'adoration.
- la place des chantres : elle ne doit pas être dans le presbyterium (le choeur) car il faut éviter l'exhibition des choristes qui détourne les fidèles de la prière; lorsqu'il existe une tribune, c'est là, près de l'orgue, qu'est la place de la chorale; c'est du reste de là qu'elle parvient le mieux à entraîner le chant de l'assemblée.
- les images qui représentent les saints et les anges, nous présentent la "famille de Dieu". Leur but est de favoriser la contemplation; aussi est-il bien de les répartir harmonieusement dans toute l'église et non de les rassembler dans des chapelles latérales.
- l'ambon désigne un espace, généralement un peu surélevé, distinct de l'autel, vers lequel les fidèles se tournent pour écouter la Parole de Dieu proclamée.
- le presbyterium - ou sanctuaire - est l'espace élevé, séparé de la nef de l'église, dans lequel se déroulent les rites liturgiques. Une balustrade est nécessaire pour séparer le presbyterium de la nef : elle délimite le lieu de la présence de Dieu et, en séparant l'espace réservé au clergé, montre que les ministres chargés de la liturgie sont choisis par le Seigneur lui-même pour être admis à son service. La distance qui sépare les fidèles de l'autel marque une distinction qui permet la relation entre Dieu et son peuple. Mgr Bux rappelle certains discours post-conciliaires malheureux qui enseignaient que la balustrade empéchait la participation de l'assemblée à la liturgie; mais là où l'on a ôté ces balustrades on a dû placer, pour éviter les entrées intempestives des visiteurs dans le choeur des églises, des plots et des cordons qui font penser à un musée plutôt qu'à un lieu sacré.
- le siège doit être placé de telle façon à ce que le célébrant ne tourne pas le dos au tabernacle.
- l'autel, qui est le lieu le plus saint, ne doit pas être posé directement sur le sol mais doit être élevé de quelques degrés pour rappeler le Golgotha, lieu du Sacrifice du Seigneur. Il ne doit pas faire penser à une table et ne doit pas être obligatoirement prévu pour célébrer "face au peuple" puisque la liturgie restaurée à la suite de Vatican II prévoit que le prêtre puisse célébrer versus orientem de l'offertoire à la communion. Une possibilité à exploiter bien plus que cela n'a été fait jusqu'à présent.
- la croix étant "l'échelle qui conduit au Paradis", elle doit être bien visible, si possible au centre de l'autel pour que les fidèles puissent se rendre compte que c'est le Christ qui est au centre de l'action liturgique et non le célébrant.
- le tabernacle a souvent été placé dans un lieu secondaire, parfois difficile à trouver, ce qui a eu pour conséquence d'estomper la vérité de foi qui affirme que le Seigneur est toujours présent dans son Eglise. Pour corriger cette erreur, Mgr Bux formule une proposition : « il serait opportun que les prêtres qui ont la charge de l'aménagement des églises remettent le tabernacle au centre du presbyterium, déplaçant le siège du célébrant lorsqu'il s'y trouve, mais surtout qu'ils déplacent ce siège lorsqu'il se trouve placé devant le tabernacle. De cette manière, la foi dans la Présence réelle ne pourra qu'être encouragée, les prêtres gagneront en humilité, et le Seigneur aura la place qui lui convient ».
Au chapitre 5, Mgr Bux propose un très rapide survol de l'histoire de la messe. Sont évoqués son histoire et les principales réformes dont elle a été l'objet jusqu'au concile Vatican II dont la Constitution Sacrosanctum Concilium, pour être correctement comprise et appliquée, doit être lue à la lumière de la tradition. La figure et le rôle du prêtre sont aussi évoqués. L'Auteur souligne que « le prêtre dirige et gouverne la communauté ecclésiale seulement dans la mesure où il est en communion avec son évêque et avec le Pape. Il doit refuser la confusion théologique, respecter la piété populaire, se garder des abus liturgiques qui n'ont pour conséquence que d'éloigner les fidèles de l'Eglise et de favoriser la diffusion de nouveaux mouvements religieux ou magiques. Il lui faut garder à l'esprit que la Gloire de Dieu ne coïncide pas toujours avec les différentes aspirations humaines, que le culte, lorsqu'il se referme sur la communauté, ne permet plus de s'approcher de Dieu mais la met à sa place, au centre de la liturgie », ce qui n'est d'aucun intérêt comme on sait. Lorsqu'il célèbre la liturgie, le prêtre doit le faire avec humilité, se souvenant toujours qu'il dit les paroles et fait les gestes d'un Autre, qu'il collabore à une oeuvre qui l'a précédé et le dépasse.
Le chapitre 6 est le plus long : plus de 60 pages. Mgr Bux y développe une catéchèse sur la messe, "sacrement de la Passion du Seigneur" en évoquant les différentes parties qui constituent la célébration eucharistique.
Dans le chapitre 7 est abordée la question de la "participation" à la messe. Celle-ci se réalise surtout par la prière et l'adoration. Malheureusement, « la mise en avant des "acteurs" de la liturgie a fini par ramener les fidèles au rôle de simples spectateurs de la liturgie qui est devenue une mise en scène dans laquelle s'exhibent prêtres et ministres ». Quant à la participation "active", elle ne consiste pas tant à faire quelque chose qu'à obéir et à servir afin de pouvoir prendre part au don que nous fait le Christ sur la croix. La dernière partie est constituée par quelques conseils donnés aux prêtres qui doivent prêcher : il est conseillé, entre autres choses, d'abandonner les termes en "-ion" qui n'expriment que des concepts vagues souvent éloignés de la vie, d'abandonner le "nous" impersonnel pour le remplacer par le "je" qui engage celui qui parle, de savoir employer une certaine "dramatisation" qui peut pousser l'auditeur à agir. L'étude de Mgr Bux se situe totalement dans ce courant initié par Vatican II et que Benoît XVI souhaite relancer afin de permettre à tous les fidèles de redécouvrir le sens authentique de la liturgie de l'Eglise. "La foi au risque des liturgies" (Ed. Artège, 18 euros) : un ouvrage qu'il faut absolument lire et offrir aux prêtres, qu'ils soient "simples" curés de paroisses ou évêques. Il ne pourra que leur rendre un très précieux service dont les fruits seront goûtés par un grand nombre.
Pro Liturgia
• TEXTES LITURGIQUES (S. CAROLI BORROMEO, EPISCOPI)
- Romains 12, 3-13 : Soyez pleins d'affection les uns pour les autres
- Psaume 89, 2 : Je veux chanter à jamais les bontés du Seigneur
- Jean 10, 11-16 : Jésus, le Bon Pasteur de nos âmes
On sait que la systématisation des célébrations « face au peuple » n’a ni rendu le sens de la liturgie eucharistique plus clair pour les fidèles, ni aboutit partout à des aménagements harmonieux de l’espace liturgique. Loin s’en faut. Il y a même, dans nombre d’églises, des choses assez laides auxquelles, malheureusement, les fidèles semblent à présent habitués. On sait aussi que le Pape Benoît XVI aimerait que soit remise à l’honneur, au moins de temps en temps, la messe célébrée « face à l’Orient » ou face à l’abside symbolisant l’Orient et rappelant l’attente de la parousie du Seigneur proclamée au cours de chaque Eucharistie après la consécration. Mais la « vraie » question est-elle celle de la messe « face au peuple » opposée à la messe « dos au peuple » ? Non. La « vraie » question, la seule qui vaille, est celle de la relation entre le prêtre et les fidèles comme participants associés d’une seule célébration qui soit proprement « liturgique » c’est-à-dire capable de faire naître le désir d’être en communion avec le Seigneur. C’est à ce niveau-là qu’il faut replacer la question de la position du célébrant par rapport à l’assemblée :
Disons-le tout de suite pour dissiper un malentendu : l’autel « face au peuple », tel qu’il apparait dans presque toutes les églises, n’a rien de « traditionnel » et n’a jamais été voulu par le Concile. La dernière édition du Missel romain (toujours introuvable dans sa version française !) n’en parle pas et ne décrit les rites à accomplir que dans la perspective d’une Messe célébrée « versus orientem ». Quant aux autels aux formes biscornues et aux couleurs acidulées que l’on voit aujourd’hui apparaitre dans certaines églises, ils sont proprement anti-liturgiques… en plus d’être d’une facture et d’un goût douteux qui les feront très vite passer de mode. La messe « face au peuple » est une particularité des basiliques romaines. Mais cette façon de célébrer n’a jamais été envisagée pour que le peuple soit davantage uni au célébrant ou pour que la liturgie puisse être mieux perçue par l’assemblée. La notion de « liturgie spectacle » ou de célébrant « showmaster » a toujours été étrangère à la mentalité chrétienne laquelle insistait plutôt sur l’idée de participation à une action commune (au point que, soulignons-le ici, les Luthériens eux-mêmes ont généralement conservé l’autel « versus orientem »).
Si l’on voit comment se déroulent aujourd’hui la quasi totalité des messes paroissiales, on voit que dans les assemblées paroissiales, l’autel « face au peuple » conduit généralement à favoriser un schéma liturgique produisant exactement le contraire de ce à quoi on voulait aboutir immédiatement après le Concile. On souhaitait des célébrations plus « communautaire » et l’on a abouti à des liturgies où le peuple et les ministres de l’autel forment deux « communautés » séparées se faisant face et donc se confrontant, et où l’action est réservée à la « communauté cléricale » se donnant en spectacle à une assemblée obligée d’assister à un spectacle dont la médiocrité divertit, agace, entrave ou parfois même interdit la prière du cœur. En même temps qu’elle déconcentre le célébrant. Car trop souvent, il est vrai, les célébrants inconditionnels du « face au peuple » et peu formés à la liturgie - ils sont la majorité dans l’Église en France - sont ceux pour lesquels la célébration eucharistique est l’occasion de se mettre en scène, comme le montrent leurs attitudes à l’autel : oraisons adressées à Dieu mais dites en balayant l’assemblée du regard, gestuelle grandiloquente comme pour montrer que l’efficacité de la liturgie dépend de la conviction du célébrant, réduction de tout ce qui pourrait évoquer et souligner le caractère sacré du rite, abandon du souci de perfection au profit d’une désinvolture se voulant signe de spontanéité et donc d’authenticité… etc.
Dans ces conditions, la célébration « face au peuple » ne peut que conduire à adopter des comportements qui sont en totale contradiction avec la liturgie. Et l’on comprend d’autant mieux que Benoît XVI veuille rendre les fidèles attentifs à ce qu’ils peuvent percevoir et comprendre de la liturgie selon qu’elle est célébrée, dans certains contextes et par certains célébrants, « versus populum » ou « versus orientem ».
Pro Liturgia
« Les serpents d’Eglise, mes pères (les évêques), glissent entre vos pieds et vous n’entendez pas leur sifflement. Ils n’attaquent jamais les dogmes de face, ils s’appliquent simplement à les vider de leur substance, en affectant de respecter leur enveloppe. Les serpents d’Eglise ne soutiendront jamais que la Vierge Marie a rêvé qu’elle recevait la visite d'un ange ; ils nous diront qu’elle a pris conscience un jour de sa mission, et que saint Luc a donné une forme imagée à cette révélation tout intérieure... » Voilà ce qui s’appelle « mettre le doigt sur la plaie ». Car, ce que font les serpents d’Eglise à l'égard de ce récit, ils le font avec tout. Miracles, présence réelle, rédemption, résurrection... Autant de mots dont ils vident la substance pour n’en conserver qu’une signification symbolique qui aboutit aux mièvreries que nous entendons.
De cette situation désastreuse, saint Paul nous avait prévenus. Je le cite : « Il arrivera un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine, mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, détourneront l’oreille de la vérité et se tourneront vers les fables. » (2 Timothée 4, 3-4). Nous y sommes ! Le drame, c’est que cela ne semble pas émouvoir nos évêques. Etrangement silencieux face à toutes les dérives qui mettent en péril la foi des humbles, on ne les entend jamais souffler mot pour rappeler leurs clercs à l’ordre. A croire qu’ils sont atteints de surdité et de cécité. Une chose est sûre : si la rectitude de leur foi est à la mesure de leur « courage », mieux vaut se passer de leurs discours. »
Extrait du livre « Le parti de Dieu – Lettre aux évêques » (éd. Fayard, 1992), par Académicien André Frossard
• TEXTES LITURGIQUES (S. MARTINI DE PORRES, RELIGIOSI)
- Colossiens 3, 9-11 : Devenir l'homme nouveau
- Psaume 131, 1 : Mets ton espoir dans le Seigneur
- Luc 6, 27-38 : L'amour pour les ennemis
*** Fête pour l'Ordre Dominicain ; Mémoire facultative ailleurs
« Depuis le concile de Nicée (325), Pâques est le « jour du Seigneur » par excellence, le dimanche qui domine tous les autres dimanches de l'année. (…) Le dimanche constitue donc une célébration sans cesse récurrente de la Résurrection du Christ, une Pâque hebdomadaire. Il n'est donc pas étonnant que la célébration pascale, où l’on bénit l’eau qui va servir aux baptêmes et où on asperge les fidèles déjà baptisés en souvenir de leur propre baptême ait influencé fortement la célébration du dimanche. La bénédiction et l'aspersion des eaux baptismales de la grande et sainte nuit de Pâques devinrent l'exemplaire de la bénédiction de l'eau et de l'aspersion le dimanche. Les origines de l’aspersion dominicale remontent au VIIIème siècle, ce fut d’abord un usage des monastères : on avait coutume d’asperger à l’eau bénite les moines et le peuple, l’église et le monastère. La cérémonie monastique fut codifiée pour les églises ‘séculières’ par Hincmar de Reims (+ 882). Dans certains diocèses, la procession de l’aspersion sortait de l’église et allait jusqu’à visiter le cimetière. (…) L’Aspersion de l’assemblée à l’eau bénite est avant tout un rite de purification qui rappelle la purification par excellence du saint baptême auquel elle se rattache si étroitement. C’est d’ailleurs pour cela que l’antienne est différente pendant le temps de Pâques (du dimanche de Pâques à celui de la Pentecôte) et que l’antienne de ce temps fait directement allusion à l’eau du baptême qui jaillit du Nouveau Temple, le Christ, par sa blessure au côté, cette eau purificatrice qui nous rend à la vie par la mort du Christ. Le prêtre asperge en premier lieu l’autel, lui-même (en traçant un signe de croix avec le goupillon sur son front), et enfin l’assemblée.
Pendant le reste de l’année, l’aspersion prend un côté plus pénitentiel par l’usage du Psaume 50, mais rappelle toujours le baptême par l’allusion aux aubes blanches des nouveaux baptisés. L’oraison qui suit n’est pas un simple appel à la protection de l’ange gardien de la paroisse, comme on pourrait le croire à une première lecture trop rapide ! Elle est au contraire un rappel direct de la Pâque Juive, la préservation des Hébreux dont les portes étaient teintes du sang de l’agneau pascal. En effet, au sortir d’Égypte (cf : Exode 12) toutes les familles juives sur l’ordre de Moïse immolèrent un agneau : de son sang, elles marquèrent le seuil et les linteaux de leurs portes pour que l’Ange exterminateur, chargé de mettre à mort le fils aîné de chaque famille égyptienne, passât outre sans leur faire de tort. Et après avoir mangé l’agneau avec des pains azymes, car le temps avait manqué pour faire lever la pâte, les Hébreux partirent en hâte vers le désert. C’est ce qu’on appelle la Pâque, ou le Passage, qui désigne pour le peuple de Dieu sa préservation des coups de la justice divine, sa libération du joug de pharaon et sa marche vers la terre promise. « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir » (Luc 22, 15) dit Notre-Seigneur aux apôtres. Substituée à la Pâque juive, la Messe est la Pâque chrétienne : le gage permanent de l’amour de Notre-Seigneur pour son Église. Avant d’offrir à nouveau le Sacrifice unique du Fils de Dieu par la Messe, les Chrétiens, par cette prière finale de l’aspersion du dimanche, appellent en ce jour du Seigneur et de sa Résurrection, la protection de l’Ange. Toute la cour céleste est réunie avec les fidèles de l’Église militante à chaque Messe, et tout particulièrement chaque dimanche, Pâque hebdomadaire. »
Extrait d’un article du Bulletin « la Barrette de St-Pierre des Latins » des membres de la
Communauté "Summorum Pontificum" du Diocèse de Nancy et de Toul – Mai 2011
Extrait d'un sermon du Saint Curé d'Ars : « [...] Il est rapporté qu'une jeune demoiselle de Franche-Comté, nommée Angélique, avait beaucoup d'esprit, mais était fort mondaine. Ayant entendu un prédicateur prêcher contre le luxe et la vanité dans les habits, elle vint se confesser à ce prédicateur. Celui-ci lui fit si bien comprendre combien elle était coupable et pouvait perdre tant d'âmes, que, dès le lendemain, elle quitta toutes ses vanités, et se vêtit d'une manière très simple et chrétienne. Sa mère qui était comme la plupart de ces pauvres aveugles, qui semblent n'avoir des enfants que pour les jeter dans les enfers en les remplissant de vanité, la reprit de ce qu'elle ne s'habillait plus comme autrefois. « Ma mère, lui répondit-elle, le prédicateur à qui j'ai été me confesser me l'a défendu. » Sa pauvre mère, aveuglée par la colère, va trouver le confesseur, et lui demande s'il était vrai qu'il eût défendu à sa fille de s'habiller selon la belle mode. « Je ne sais point, lui dit le confesseur, ce que j'ai dit à votre fille ; mais, il vous suffit de savoir que Dieu défend de s'habiller selon la mode, lorsque cette mode n'est pas selon Dieu, lorsqu'elle est criminelle et dangereuse pour les âmes. » – « Mon Père, qu'appelez-vous donc mode criminelle et dangereuse ? » -- « C'est, par exemple, de porter des habits trop ouverts, ou qui font trop sentir la forme du corps ; de porter des vêtements trop riches et plus coûteux que nos moyens ne nous le permettent. » Il lui montra ensuite tous les dangers de ces modes, et tous les mauvais exemples qu'elles donnaient. – « Mon Père, lui dit cette femme, si mon confesseur m'en avait dit autant que vous, jamais je n'aurais donné la permission à ma fille de porter toutes ces vanités, et moi-même j'aurais été plus sage ; cependant mon confesseur est un homme bien savant ; or, que m'importe qu'il soit savant, s'il me laisse vivre à ma liberté, et en danger de me perdre pour l'éternité. » Lorsqu'elle fut de retour, elle dit à sa fille : « Bénissez le bon Dieu d'avoir trouvé un tel confesseur, et suivez ses avis. »
Cette jeune demoiselle eut dans la suite de terribles combats à soutenir de la part de ses autres compagnes, qui la raillaient et la tournaient en ridicule. Mais le plus rude assaut qu'elle eut à soutenir, lui vint de la part de certaines personnes qui entreprirent de la faire changer de sentiment. « Pourquoi, lui dirent-elles, ne vous habillez-vous pas comme les autres ? » – « Je ne suis pas obligée de faire comme les autres, répondit Angélique, je m'habille comme celles qui font bien, et non comme celles qui font mal. » – « Eh quoi ! faisons-nous mal de nous habiller comme vous voyez ? » – « Oui, sans doute, vous faites mal, parce que vous scandalisez ceux qui vous regardent. » – « Pour moi, dit l'une d'entre elles, je n'ai point de mauvaise intention ; je m'habille à ma façon, tant pis pour ceux qui s'en scandalisent. » – « Tant pis pour vous aussi, reprit Angélique, puisque vous en êtes l'occasion ; si nous devons craindre de pécher nous-mêmes, nous devons aussi craindre de faire pécher les autres. » – « Quoi qu'il en soit de vos bonnes raisons, répondit une autre, si vous ne vous habillez plus comme nous, vos amies vous quitteront, et vous n'oserez plus paraître dans les belles compagnies et dans les bals. » – « J'aime mieux, leur répondit Angélique, la compagnie de ma chère mère, de mes sœurs et de quelques filles sages, que toutes ces belles compagnies et ces bals. Je ne m'habille pas pour paraître agréable, mais pour me couvrir ; les vrais agréments d'une fille ne doivent pas consister dans les habits, mais dans la vertu. Au reste, Mesdames, si vous pensez de la sorte, vous ne pensez pas en chrétiennes, et il est honteux que, dans une religion aussi sainte qu'est la nôtre, l'on s'y permette de tels abus contre la modestie. » Après tous ces discours, une personne de la compagnie dit : « En vérité, il est honteux qu'une jeune fille de dix-huit ans nous fasse la leçon : son exemple sera un jour notre condamnation. Que nous sommes aveugles de tant faire de choses pour plaire au monde, qui, dans la suite, se moque de nous ! » Angélique persévéra toujours dans ses bons sentiments, malgré tout ce qu'on pût lui dire. Eh bien, mes frères, qui vous empêcherait de faire ce que faisait cette jeune comtesse ? Elle s'est sanctifiée en vivant dans le monde, mais en ne vivant pas pour le monde. Oh ! que cet exemple sera un sujet de condamnation pour un grand nombre de chrétiens au jour du jugement ! ».
Saint Curé d’Ars, extrait d’un sermon sur la sainteté chrétienne