Sermon de l’Abbé Guy Pagès sur l’importance de la famille.
(le 24ème Dimanche per annum, le 16 septembre 2012) :
Jésus et Isaïe viennent de nous rappeler que la Croix marque inévitablement la vie du serviteur de Dieu. Nous pouvons en dire autant de la famille chrétienne, appelée elle aussi à servir Dieu, qui est Amour [1]. Dieu, en effet, n’est pas seulement unique comme le confessent juifs et musulmans, mais aussi Trinité, c’est-à-dire : Famille, Communion de personnes, celle du Père, du Fils et du Saint Esprit… Famille ! Qui ne voit la croix marquer aujourd’hui les familles ? Que ce soit le libéralisme privilégiant l’individu au détriment de la protection de l’institution du mariage et de la famille, et donc du bien commun, et en particulier de celui des enfants ; que ce soit le marxisme imprégnant encore tellement les mentalités, dont, au dire de Karl Marx, l’une des tâches essentielles est « l’abolition de la famille [2] » – credo repris par le socialisme : « La famille, écrivait L’hebdo des socialistes du 29 janvier 1999, est un instrument de perpétuation des hiérarchies sociales et des inégalités [3] » ; que ce soit la franc-maçonnerie qui s’emploie depuis plus de deux siècles à organiser la vie sociale comme si n’existaient ni Dieu, ni loi divine ou naturelle, et donc aucune possibilité pour l’homme de connaître la vérité objective avec certitude ; que ce soient les lobbies féministe et homosexuel, et autres dépravés, attachés à la légalisation du divorce, de la contraception, du concubinage, et maintenant du « mariage » des homosexuels ; ou encore l’expérimentation sur les embryons humains, l’avortement ou l’euthanasie… il est indéniable que, d’une façon diversifiée et générale, se déroule sous nos yeux une guerre totale contre la famille… Il serait naïf et suicidaire pour les familles d’imaginer que toutes ces modifications actuelles de comportements et de mœurs sont un fruit du hasard… Il existe une volonté délibérée de détruire la famille… Et pourquoi veut-on détruire la famille ? Parce qu’elle est la plus belle image de Dieu, et la gardienne du sacré ! Or ce monde ne voulant pas d’autre Dieu que lui-même s’emploie à détruire, non pas Dieu, qu’il ne peut atteindre, mais Sa plus belle image : la famille ! Comme on l’a très bien dit : « La raison de ces attaques contre l’idée même de famille est enracinée dans le fait que de nombreuses personnes n’acceptent plus l’idée d’une “loi naturelle” et n’acceptent pas non plus les institutions naturelles. En réalité, la raison profonde est qu’ils refusent Dieu, origine de la loi naturelle [4]. »
C’est ainsi que nous en sommes arrivés au point où le gouvernement, abusant de son pouvoir, s’apprête à légaliser non le mariage d’homosexuels, puisque c’est en soi impossible, aussi vrai que « marier » implique le mélange de ce qui est différent (on marie des couleurs différentes, non la même), mais l’union de « paires », aussi stériles que ce que le mariage, union des époux, est par nature ordonné à la procréation, fécondité et bénédiction de l’union de leurs êtres complémentaires. La différence sexuelle est l’une des premières limites que l’enfant rencontre. Si je suis garçon je ne suis pas fille et si je suis fille ne suis pas garçon. Cette limite lui permet de réaliser qu’il n’est pas « tout ». La société où les papas sont des mamans et les mamans des papas, est la Tour de Babel, l’humanité qui niant sa condition limitée, de créature, cherche à s’élever jusque dans le Ciel, à se prendre pour le « tout », Dieu même. Cette abomination sodomesque faisant violence à la moralité publique, aux familles, au bien des enfants, conduit la société à sa perte aussi sûrement qu’elle damne ceux qu’elle souille (1 Co 6.9-10 ; Ga 5.21 ; Ep 5.5; Rm 1.24-32 ; Ap 22.15). Il est temps de se rappeler ce que Jean-Paul II a enseigné dans sa si belle exhortation apostolique sur les tâches de la famille chrétienne : « Ce sont les familles qui en premier lieu doivent faire en sorte que les lois et les institutions de l’État non seulement s’abstiennent de blesser les droits et les devoirs de la famille, mais encore qu’elles les soutiennent et les protègent positivement. Il faut à cet égard que les familles aient une conscience toujours plus vive d’être les “protagonistes” de ce qu’on appelle “la politique familiale” et qu’elles assurent la responsabilité de transformer la société ; dans le cas contraire, elles seront les premières victimes des maux qu’elles se sont contentées de constater avec indifférence [5] ».
Selon les termes du Catéchisme de l’Église catholique, « la famille chrétienne est une communion de personnes, trace et image de la communion du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint. Son activité procréatrice et éducative est le reflet de l’œuvre créatrice du Père [6]. » Et si elle est par nature « évangélisatrice et missionnaire [7] », alors, on comprend que la destruction du lien sacré qui relie la famille à Dieu doive être brisé par les idéologues du bonheur à la mesure de l’homme seul… C’est ce qu’a bien compris, par exemple, Élisabeth Badinter, lorsqu’au sujet de la Révolution française, elle écrit dans son livre L’un est l’autre : « En tuant le roi, les révolutionnaires français portèrent un coup décisif au pouvoir de Dieu et à celui du père. […] Toute émancipation est d’abord libération par rapport au père. […] Le rejet du roi et du père […] est celui de toute transcendance. La révolte ne pouvait épargner Dieu, le Père universel du genre humain. […] Les philosophes du XIXe siècle […], tirant les conséquences de la Révolution française, ont proclamé la mort de Dieu, celle-ci apparaissant comme la condition nécessaire de la libération de l’humanité. […] En affirmant la transcendance de l’Homme, les nouvelles “Tables de la loi” introduites en 1789 font de lui un dieu. Dorénavant, ce sont les hommes qui légifèrent pour eux-mêmes [8]. » Par voie de conséquence, le tour d’esprit révolutionnaire est aussi le rejet de toute notion de nature humaine, d’ordre naturel des choses telles qu’elles ont été créées. C’est désormais l’homme qui doit inventer la réalité. « Je pense donc je suis [9] »… « Vous serez comme des dieux [10] ! »… Apparaît donc clairement pour les familles le devoir de chérir leur relation avec Dieu, dans l’intérêt même de leur survie. Car c’est Dieu qui a créé la famille, et la sanctifie par la grâce donnée dans Ses sacrements. La famille, contrairement à ce que l’on cherche à nous faire croire, n’est pas un produit culturel, malléable et transformable au gré des errements et des vices d’une minorité agissante. Elle est, comme l’enseigne le Catéchisme de l’Église catholique, « trace et image de la communion du Père et du Fils et de l’Esprit Saint [11] ». Et c’est seulement dans la communion avec le Dieu-Trinité qu’elle trouve son sens et son épanouissement véritables…
Le lien nécessaire des familles avec Dieu s’affirme, se fortifie et se renouvelle par la prière familiale quotidienne. Pourquoi les familles sont-elles aujourd’hui tellement blessées, meurtries, divisées ? Parce qu’à la différence d’autrefois, elles ont perdu l’habitude de la prière quotidienne ! Il n’est pas possible de gagner le pari d’une vie conjugale et familiale heureuse sans une sérieuse vie de prière, personnelle et familiale. C’est dans la vie de foi de leur famille que les enfants apprennent à connaître Dieu, à y découvrir leur vocation d’enfants de Dieu. L’exemple des parents est fondamental. Si des enfants voient leur famille réunie chaque jour pour adorer Dieu, Lui rendre grâce, Lui confier soucis et intentions, et recevoir de Lui la paix, la sagesse et tous les dons de l’Esprit, alors ils grandiront dans cette paix, cette sagesse et cette vie avec Dieu qui est le Salut de ceux qui L’aiment ! Si l’amour spirituel de leurs parents leur a révélé celui de Notre Seigneur, Lui qui nous aime à en mourir sur une croix comme chaque Messe en est la preuve, que pourra-t-il alors leur manquer ? Le psaume d’aujourd’hui illustre bien cette vérité : « Je L’aime, le Seigneur, Lui qui entend ma prière ! […] J’étais pris dans les filets de la mort, […] j’ai invoqué le Nom du Seigneur. […] Il m’a sauvé de la mort, épargnant à mes pieds le faux-pas. Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants [12] ! ». Déjà, naturellement, les parents sont les premiers responsables de l’éducation de leurs enfants, à qui, par l’éducation des vertus, ils doivent enseigner à subordonner les dimensions physiques et instinctives aux dimensions intérieures et spirituelles de leur être. Par la grâce du sacrement de mariage, ils reçoivent la responsabilité d’évangéliser leurs enfants. Les parents chrétiens comprennent qu’engendrer la chair, c’est beaucoup, mais qu’en même temps, ce n’est rien. Les animaux engendrent eux aussi la chair, et bien des fois s’en occupent mieux que des humains. Les époux chrétiens engendrent avec Dieu, procréent, des enfants de Dieu, et des citoyens pour le Royaume des Cieux ! C’est de cela qu’ils doivent se préoccuper. Quel malheur pour eux de laisser s’éteindre la lumière du baptême dans l’âme de leurs enfants, de permettre que la beauté de leur âme s’habitue à la fange, d’être indifférents à ce que cette habitude les pousse à sombrer finalement eux-mêmes un jour dans la fange… Leur mission de parents est de donner de l’amour, de l’amour saint à leurs enfants, et non de stupides soins à leur beauté physique, à leur culture humaine, comme le font ceux qui ne connaissent pas Dieu. Non. Les parents chrétiens élèvent leurs enfants… jusqu’à Dieu ! Car c’est pour le Ciel que nous avons été créés et que nous devons vivre sur la terre ! « Tu prétends avoir la foi, moi, je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi [13]. »
SOURCE
NOTES : 1. Cf. 1 Jn 4 8.16. ; 2. Marx (Karl), Engels (Friedrich), Manifeste du Parti communiste, II (Paris, Éditions sociales, collection « Classiques du marxisme », 1973, p. 52) ; 3. Pinçon (Michel), Pinçon-Charlot (Monique), « Le rôle de la famille dans la transmission de la fortune », L’hebdo des socialistes, n. 89, 29 janvier 1999, p. 16. ; 4. Troisième rencontre des hommes politiques et législateurs d’Amérique, Déclaration « La famille et la vie, cinquante ans après la Déclaration universelle des Droits de l’homme », Buenos Aires, 5 août 1999, n. 8 (La Documentation catholique, n. 2218, 16 janvier 2000, p. 92). ; 5. Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortio, 22 novembre 1981, n. 42 (La Documentation catholique, n. 1821, 3 janvier 1982, p. 22). ; 6. Catéchisme de l’Église catholique, n. 2205 ; 7. Ibid. ; 8. Badinter (Élisabeth), L’un est l’autre. Des relations entre hommes et femmes, Paris, Odile Jacob, 1986, pp. 194-195, 198. ; 9. Descartes (René), Discours de la méthode, IV (Paris, Union générale d’éditions, collection « 10/18 », 1951, édition 1983, p. 62). ; 10. Gn 3 5. ; 11. Catéchisme de l’Église catholique, n. 2205. ; 12. Ps 114. ; 13. Jc 2 18.