Dans notre France néo-gallicane, on entend assez souvent des fidèles laïcs - surtout ceux qui sont les plus engagés dans leurs paroisses - et des prêtres se dire en colère. Selon eux, Benoît XVI serait en train de "revenir en arrière", ce qui signifie, dans leur bouche, qu'il serait un crypto-traditionaliste qui n'a qu'une seule chose en vue : confisquer les acquis du Concile. Mais la plupart de ces prêtres, évêques, théologiens et laïcs engagés - qui invoquent haut et fort Vatican II pour justifier le "tout et n’importe quoi" depuis plus de 40 ans - n'ont jamais lu les décrets conciliaires de leur vie ou, s'ils en ont survolé quelques paragraphes, ils les interprètent de travers selon une herméneutique de rupture (ayant eu l'esprit déformé par des sessions diocésaines de "formation") pour mieux soutenir leurs thèses hérétiques, leurs erreurs liturgiques, ou des styles de vie souvent éloignés de l'idéal catholique. Comme nous le rappelle Benoît XVI, « à certains de ceux qui se proclament comme de grands défenseurs du Concile, il doit aussi être rappelé que Vatican II renferme l’entière histoire doctrinale de l’Église. Celui qui veut obéir au Concile, doit accepter la foi professée au cours des siècles et il ne peut couper les racines dont l’arbre vit » (cf : Lettre aux évêques de l'Eglise catholique, le 10 mars 2009).
Relisons objectivement les décisions du Concile. Où est-il écrit que l'Eglise devrait devenir une "démocratie populaire" où chaque communauté locale pourrait à sa convenance, selon l'époque ou l'humeur des sondages, décider en matière de foi, de morale, de doctrine, de liturgie ou de discipline ecclésiale ? Où est-il écrit que la confession individuelle devrait être remplacée par l'absolution collective ? Où est-il écrit qu'il faudrait maintenant accepter le sacerdoce ministériel des femmes et le mariage des prêtres ? Où est-il écrit que la pratique dominicale (sanctification du jour du Seigneur) ne serait plus une grave obligation sous peine de péché mortel (CEC N°2181) ? Où est-il écrit que les divorcés-remariés, le concubinage, le Pacs, l'avortement, la contraception, les relations sexuelles avant le mariage, etc... seraient aujourd'hui des "valeurs nouvelles" et non plus des péchés dont il faut se sortir ou éviter ?
Où est-il écrit que l'idéologie empoisonnée du relativisme (+) (+) (+) (+) (+) devrait maintenant être la base de l'enseignement dans l'Eglise catholique ? Où est-il écrit que le Souverain Pontife ne serait plus infaillible en matière de doctrine, de morale et de foi ? Où est-il écrit qu'il faudrait - comme le font actuellement les modernistes - réinterpréter et "démythologiser" la Bible (cf : Bultmann) pour la rendre acceptable au monde moderne ? Où est-il écrit que les Saintes Ecritures ne seraient plus inspirées de Dieu (cf : DV N°11) ? Où est-il écrit que le Diable, le Purgatoire et l'Enfer n'existeraient plus... et qu' "on ira tous au Paradis" (dixit Polnareff) ? Où est-il écrit que le dogme du Péché Originel par monogénisme historique (et ses conséquences dramatiques sur l'homme et la création) ne tiendrait plus ? Où est-il écrit qu'il conviendrait de mettre toutes les religions sur un pied d'égalité ?
Où est-il écrit que la Sainte Messe serait davantage un repas entre amis que l'unique, véritable et définitif Yom Kippour par la perpétuelle offrande non-sanglante au Père du Saint-Sacrifice expiatoire, impétratoire, satisfactoire, propitiatoire, eucharistique et latreutique de l'Agneau Immolé sur le Calvaire ? Où est-il écrit que Jésus-Christ, véritable et éternel Grand-Prêtre selon l'ordre du Roi Melchisédech, ne serait plus l'Unique Sauveur et l'Unique Médiateur de l'humanité ? Où est-il écrit que le dogme de la Très Sainte Transubstantation n'existerait plus ? Où est-il écrit que le Saint-Sacrifice de la Messe devrait être considéré comme un simple "mémorial" au sens protestant du terme ? Où est-il écrit qu'il faudrait maintenant dénigrer et même abolir les élans de piété populaire comme les processions, les adorations, les neuvaines, le chapelet ? Où est-il écrit que la Loi Morale Naturelle, Immuable et Universelle n'existerait plus ? Où est-il écrit que l'existence de notre Ange Gardien serait maintenant un "conte pour enfant" ? Où est-il écrit que le dogme de la Communion des Saints (Ecclesia Triumphans) ne serait plus une vérité de foi ? Où est-il écrit que les péchés mortels, les peines temporelles mais aussi les indulgences de l'Eglise seraient de vieilles "fadaises vaticanes" ?
Où est-il écrit qu'il n'y aurait plus de rapport fondamental entre la Foi et la Raison ? Où est-il écrit que l'apocatastase, l'annihilationisme, l'indifférentisme, le quiétisme ou bien encore le latitudinarisme ne seraient plus des doctrines fermement condamnées par l'Eglise ? Où est-il écrit que les Miracles, la Transfiguration, la Mort, la Résurrection et l'Ascension de Notre Seigneur ne seraient plus des faits historiquement et réellement constatés par les Apôtres ? Où est-il écrit que le Credo de notre Foi Catholique serait maintenant "dépassé" par les dernières inventions des EAP locales ? Où est-il écrit que la Personne Divine du Fils ne serait plus l'Unique Engendrée du Père (unigenitus) et donc une Personne éternellement incréée (increatus) ? Où est-il écrit qu'Elle ne serait plus aussi consubstantialis, coaequalis, coadoratur, conglorificatur et coaeternus au Père et à l'Esprit ? Où est-il écrit que Jésus-Christ, le Logos-Dieu-Verbe incarné dans l'histoire, ne serait plus une Personne exclusivement Divine, la Deuxième de la Très Sainte et Adorable Trinité, Unique Vrai Dieu perfectus, plenus et totus, et seul ipsum Esse subsistens ?
Où est-il écrit que cette même et Unique Personne Divine ne se serait plus historiquement et volontairement incarnée pour notre salut en deux natures unies hypostatiquement de leurs propriétés (idioma) naturelles restées infiniment différentes, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation... et bien évidemment dotée d'une âme raisonnable (anima), d'une intelligence (intellectus), d'un esprit (sensus), d'un corps (corpus) et d'une chair humaine (caro), excepté le moindre péché (en état ou en acte), dans le corps virginal de Sa Très Sainte Mère (Theotokos), l'Immaculée Conception ? Où est-il écrit que Marie ne serait plus perpétuellement vierge ? Où est-il écrit que l'acte de Sa Sainte et Virginale Maternité ne se serait plus passé d'une manière exclusivement divine et sans douleur ? Où est-il écrit que la Substance Divine du Fils, éternellement engendrée du Père, ne serait plus impassible (impassibilis), immuable (immutabilis) et immortelle (immortalis) ? Où est-il écrit que la Personne Divine du Fils qui s'est incarnée dans l'histoire ne serait plus dotée de deux volontés et opérations naturelles, la volonté et opération humaine se soumettant toujours à la Volonté et Opération Divine ? Où est-il écrit que les Conférences épiscopales auraient maintenant droit à une quelconque "autorité doctrinale" pour relativiser ou gallicaniser les directives romaines ?
Où est-il écrit que la conscience individuelle devrait maintenant toujours "primer" sur l'enseignement officiel de l'Eglise ? Où est-il écrit que cette même conscience serait devenue une instance "autonome" voire créatrice de "valeurs" ? Où est-il écrit que la liberté religieuse authentiquement interprétée serait maintenant synonyme de "relativisme" ou d'une incapacité de l'homme moderne pour trouver son salut dans la Vérité du Christ exclusivement incarnée dans Son Eglise ? Où est-il écrit que l'évangélisation des non-catholiques ne serait plus une urgente obligation (cf : 1 Cor 9, 16) pour leur salut éternel... car "hors de l'Eglise, point de Salut" ? Où est-il écrit que l'Unique Eglise du Christ, l'Epouse Immaculée du Seigneur, ne subsisterait plus en soi (subsistit in) comme unique sujet dans la seule Sainte Eglise catholique, Mère et Maîtresse de toutes les Eglises ? Où est-il écrit que cette dernière ne conserverait plus - complètement et éternellement - l'essence inviolée du dépôt de la foi (depositum fidei) pour le salut des âmes ? Où est-il écrit qu'elle ne serait plus par nature exclusivement missionnaire ? Où est-il écrit qu'elle ne serait plus aussi - par substitution - la Nouvelle Israël, la Nouvelle Jérusalem, le Nouveau Peuple bien-aimé de Dieu ? Où est-il écrit que les Jugements Particulier (à notre mort) et Général (à la fin du monde) n'auront plus lieu ?
Où est-il écrit que la Résurrection de notre chair actuelle (pour l'Enfer ou le Paradis) ne se produira plus ? Où est-il écrit que les hommes ne rendront plus compte de leurs actes via la Rétribution Divine tout de suite après leur mort ? Où est-il écrit que la soutane serait maintenant interdite ? Où est-il écrit que la Messe en latin, le chant grégorien, la beauté, la dignité mais aussi l'orientation théocentrique (versus Deum per Iesum Christum) et eschatologique devaient être proscrits ou du moins très fortement déconseillés ? Où est-il écrit qu'il fallait supprimer les chorales grégoriennes (SC N°116) et populaires (SC N°118) sous prétexte de "participation active" ? Où est-il écrit que la communion des fidèles à genoux et sur la langue ne devrait plus être favorisée ? Où est-il écrit qu'il fallait liquider les agenouilloirs, les bancs de communion, les confessionnaux, les chandeliers, les crucifix, l'encens, les chasubles, les surplis, les soutanelles et les statues dans les églises... comme cela s'est réalisé pendant la terrible crise iconoclaste des années 70 ? Où est-il écrit que Vatican II serait, pour l'Eglise, "un nouveau commencement" qui aurait systématiquement aboli toutes les décisions des nombreux conciles qui l'ont précédé ? Où est-il écrit que Vatican II devait être appliqué (avec sa restauration liturgique qui l'accompagne) selon une herméneutique de rupture ?
Il y a, dans l'Eglise, depuis bientôt un demi-siècle, des fidèles qui n'ont que le mot "concile" à la bouche; ils ont appris à ne s'en servir que pour mieux truquer, saboter et massacrer les enseignements de ce Concile dont ils se réclament et dont ils se disent les hérauts. Ces fidèles-là (au nombre desquels se trouvent, en France, quelques évêques, théologiens, exégètes, liturgistes et moralistes influents) ont oeuvré pour constituer une Eglise multiforme dans l'Unique Eglise du Seigneur : sous couvert de "pluralisme", de "tolérance", de "participation active" et de "Konzilgeist", ils ont favorisé un éclatement des communautés ecclésiales et ils ont poussé à une anarchie doctrinale, pastorale et liturgique dont ils ont profité pour former des réseaux qui se sont infiltrés dans les structures diocésaines et paroissiales. Ces réseaux oeuvrent depuis Vatican II pour proposer de faire vivre des lieux alternatifs et transgressifs qui permettront d'inventer un autre visage d'Eglise, une autre théologie et une autre manière de penser le christianisme. On assiste ainsi au remplacement de l'Eglise catholique par une sorte de communauté démocratique, molle, simplement "spiritualiste" au sens le plus large du terme. Ce n'est plus qu'une Eglise fantoche. Des forces menacent l'Eglise de l'intérieur, et Benoît XVI le sait mieux que quiconque. Il l'a dit clairement au début de son pontificat : « Priez pour moi, afin que je ne me dérobe pas, par peur, devant les loups ». (Homélie du 24.4.2005). Voilà pourquoi le Saint-Père ne cesse de nous rappeler avec gravité et insistance qu'il nous faut relire et comprendre les textes conciliaires à la seule lumière de la Tradition, et enfin appliquer Vatican II sans chercher ni à déformer ni à critiquer son enseignement authentique. « Afin de ne nous écarter en rien de la Vérité, nous devons toujours être disposés à croire (…) qu'entre Jésus-Christ, notre Seigneur, qui est l'Époux, et l'Église, qui est son Épouse, il n'y a qu'un même Esprit qui nous gouverne et nous dirige pour le salut de nos âmes, et que c'est par le même Esprit et le même Seigneur qui donna les dix commandements qu'est dirigée et gouvernée notre Mère la Sainte Église » (Saint Ignace de Loyola). « De Jésus-Christ et de l'Eglise, il m'est avis que c'est tout un » (Sainte Jehanne d'Arc).