le célébrant (+) (+) qui doit parler mais c’est la célébration elle-même. Le célébrant, à l’autel, n’est jamais autant dans sa fonction que LORSQU’IL SE FAIT OUBLIER, LORSQU’IL SE REND TRANSPARENT À L’ACTION DE DIEU, LORSQU'IL RENONCE À ÊTRE LE POINT FOCAL (Cardinal Sarah, 12/06/15, OR). De même, ce n’est pas l’assemblée qui doit chanter mais c’est l’Église. Seules les communautés ecclésiales issues de la Réforme sont appelées à "se" chanter, à "s'inventer" une célébration déconnectée de la foi de toujours car centrées sur elles-mêmes et non sur l'objectivité du "Christ-continué" dans l'Histoire (Église). Dans le catholicisme, même à travers la légitime diversité des "rites" et des cultures, la Liturgie ne doit jamais se faire passer pour l’affirmation d’une communauté : elle doit demeurer l'humble voix de l’Église à laquelle chaque fidèle peut prêter sa voix. On ne chante pas à la Messe : c'est la Messe qui est chantée ! ...car l’Église n’est pas la somme des communautés locales cherchant à s'affirmer orgueilleusement autour d'un célébrant imbu de sa personne : elle existe avant les communautés et le chant tout comme la Liturgie dans son ensemble (Messe, Office Divin) doit signifier cette "préexistence" que proclame le « Credo ». En Liturgie, ce n’est pas
Les problèmes actuels qui résultent de cette incompréhension liturgique (perte de foi, chute des vocations, chrétiens "non-pratiquants", etc.) viennent de ce que la préexistence de l’Église (CEC N°1124) n’est plus comprise par les fidèles. Des fidèles qui ont été conduits à faire davantage attention au célébrant qu’au Célébré ; des fidèles qui ont été invités à donner plus d’importance au fait de "se" chanter ce qui permet à la communauté de s’affirmer, de "s'auto-célébrer" qu'au fait de comprendre que c'est la Liturgie de notre Mère-Église qui doit être filialement chantée, comme nous le rappelle Vatican II. La plupart des messes actuelles ne peuvent donc que faire émerger des communautés fermées sur elles-mêmes, divisées en différentes "chapelles", et où la manifestation d’états d’âme finit par remplacer la célébration de la foi objective , et en conséquence, la "pureté de la foi" (puritatem fidei).
Car de quoi la Liturgie est-elle le nom ? Elle est le nom de la foi de l’Église. De la foi de toujours. Grande éducatrice de notre foi, elle rend présent dans "l'hodie" l'opus Redemptionis. Aussi, ceux qui veulent adapter la Liturgie à leurs goûts et qui imaginent des célébrations eucharistiques adaptées – du moins le croient-ils – aux fidèles d’aujourd’hui, ceux qui prétendent célébrer des messes "joyeuses", "conviviales", "de jeunes" avec guitares et tout le tralala de la "flower power" attitude, ceux-là ne partagent pas la foi de l’Église . Ils n’aiment pas l’Église, tout simplement. Pourquoi ? Parce qu’il leur est devenu impossible de la comprendre dans son mystère, de la voir autrement qu’à travers leur système de pensée alors même que cette Épouse Mystique du Christ, Temple de l'Esprit, Nouvel Israël (LG N°9), a des valeurs bien supérieures à celles dont ils se réclament pour s’en faire des repères. Dans leur orgueil, ils sont incapables de comprendre que « l'Église est un don de Dieu, et non pas notre créature » (Benoît XVI, le 7/03/07).
Ceux qui se réclament aujourd’hui d’une "Église autre", celle du "Peuple de Dieu" – "peuple" dont on sait qu’ils ont une vision fausse ou du moins qui ne correspond pas à la notion théologique de "peuple" que l'on trouve dans les Écritures – ceux-là sont de toute évidence des idéologues orgueilleux qui souhaitent, tels des adolescents rebelles, tout ramener à leur propre personne, et non à se "plier" humblement devant la maturité bi-millénaire de notre Mère-Église. Ce qui les mène à répéter inlassablement les mêmes slogans ne conduisant qu’à faire du sur-place. Avec eux, la Liturgie perd la mémoire de la foi qui l’a fait naître, qui est sa raison d’être. Elle n’est plus qu’une épuisante danse autour d'un veau d'or qui fait d’eux et de ceux qui les suivent non plus les héritiers d’une longue lignée de chrétiens qui se référaient humblement à la foi reçue des Apôtres, mais des adorateurs de tout ce qui a le goût du neuf, du changeant, de l’instable, de l’éphémère, du relatif, du subjectif.
Deux générations de clercs et de laïcs gagnés à cette idée selon laquelle, depuis Vatican II, l’Église doit s’adapter à la modernité, auront suffit pour détruire Sa Liturgie et la remplacer par des célébrations obéissant à ce que Benoît XVI appelait l’ "herméneutique de rupture" qui leur permet de gommer l’obligation de transmettre un héritage sacré ("désinculturation" liturgique). Cette "herméneutique de rupture" s’appuie sur trois principes : premièrement, ne plus enseigner la Sainte Liturgie alors que Vatican II demandait (cf : SC §14 à §19) d’en faire une discipline majeure ; deuxièmement, la démanteler en la noyant dans le flou des "adaptations" ponctuelles fruits du relativisme ambiant et d'une mauvaise interprétation du Missale Romanum, de Sacrosanctum Concilium, etc. ; troisièmement enfin, dévaloriser ce qui jusqu’ici était tenu pour des éléments importants du culte rendu à Dieu : le sacré, la célébration "versus Deum" (+) (+), le chant grégorien, la bonne tenue des fidèles et des enfants de chœur, l'encens, LE SILENCE DANS LES ÉGLISES QUI DEVRAIT ÊTRE FONDAMENTAL, etc.
Malgré des intentions parfois louables et qu'il ne nous convient pas de juger, la plupart des clercs, incapables de comprendre le véritable sens de la "participatio actuosa" développée par Vatican II, a bien souvent obligé le Peuple de Dieu à venir assister à un remplacement de ces anciennes célébrations encore "inculturisées" (grégorien, latin) (Redemptoris Missio §52) par des Liturgies "désinculturisées" ayant perdu toute verticalité et où le sentimentalisme tient lieu de théologie, d'où le développement dans les paroisses du "tout et n'importe quoi"... sauf à ce que les fidèles sont en droit d’attendre d’un ministre de l’Église qui se veut fidèle à Vatican II et dont la mission essentielle est, rappelons-le, d'appeler son peuple à la sainteté (Lumen Gentium V), de conserver et de transmettre "usque ad effusionem sanguinis" (Ad Gentes §24) la foi de toujours (depositum fidei), CE QUI IMPLIQUE OBLIGATOIREMENT "À LA BASE" LE RESPECT DE LA LITURGIE (lex orandi, lex credenti). Ce qui s’est passé dans l’Église postconciliaire – et qui se poursuit aujourd’hui encore dans l’indifférence de nombre de pasteurs – correspond parfaitement au processus décrit par l’historien tchèque Milan Hübl (1927-1989) : « Pour liquider les peuples, on commence par leur enlever leur mémoire. On détruit leurs livres, leur culture, leur histoire. Puis quelqu’un d’autre écrit d’autres livres, leur donne une autre culture, leur invente une autre histoire. Ensuite, le peuple commence lentement à oublier ce qu’il est et ce qu’il était. Et le monde autour de lui l’oublie encore plus vite ». Il suffit de remplacer le mot "peuples" par le mot "fidèles" pour comprendre avec souffrance ce qui se passe dans l’Église, sous nos yeux. Avec bien souvent un silence complice !
Par leurs silences complices (sous-prétexte "de ne pas faire de vague" car il faut être "charitable") ou le mauvais exemple qu’ils donnent, la plupart des pasteurs qui se sont succédé à la tête des diocèses ont fait œuvre commune de démolir la Liturgie, celle de l’Église, alors que Vatican II, via Christus Dominus §15, leur demande explicitement d'en être les gardiens et les promoteurs ! En affaiblissant le principe même d'une célébration théocentrée au profit des aspirations les plus farfelues d'équipes liturgiques anthropocentrées, la partie influente de l’épiscopat a fait du fidèle pratiquant un fidèle contraint à la souffrance, et surtout, de plus en plus éloigné de ce que croit et célèbre l’Église. Le prêtre, à l’autel, n’est plus considéré comme un "alter Christus" et encore moins comme un "ipse Christus" célébrant "in persona Christi capitis Ecclesiae", mais comme un simple "animateur" à la sauce des Évangéliques prêt à faire son "show" et qui doit permettre au fidèle de s’émanciper de la tutelle de la tradition reçue afin de construire une religion à la carte permettant de déconstruire la Liturgie de l'Église, et, in fine, la Foi dans le coeur des baptisés (déconnexion entre "lex orandi" et "lex credenti"). Et depuis qu’une coterie de "spécialistes en pastorale" imbibés d'idéologies bultmaniennes, a décidé que les fidèles ne seraient plus que des héritiers de personne, la Liturgie s’appauvrit, se délite au point de ne plus pouvoir célébrer et transmettre la foi reçue des Apôtres.
A cause de ces "spécialistes" ivres de leurs utopies pastorales, la Liturgie est devenue à l'image de nos sociétés : matérialiste, superficielle, "désinculturisée", bavarde, consumériste, utilitariste, amnésique, sans exigence, fuyant la beauté, la contemplation et le silence comme la peste. D’où les incessantes variations liturgiques d’une paroisse à l’autre, d’un célébrant à l’autre ; d’où ces célébrations “évolutives” qui, au fil du temps, génèrent une foi imprécise où le sentimentalisme tient lieu de dogme. D’où ces “messes qui prennent leur temps” et ces ”dimanches autrement”, ces célébrations dites “festives” qui se font dans une foire, un cirque, un stade... et qui aboutissent à ce que le Saint-Sacrifice de la Messe ne soit plus qu’une garderie d’enfants turbulents en même temps qu’un passe-temps pour des laïcs retraités (reconvertis en animateurs) se prenant au sérieux devant des assemblées prêtes à faire (ronde d'enfants autour de l'autel) et à chanter n’importe quoi (Patrick Richard, Jo Akepsimas, John Littleton, etc).
Invoquant le "Konzilgeist", les nouveaux maîtres à penser de la pastorale liturgique encouragent les fidèles à faire n’importe quoi. Et le pire, c’est qu’ils acceptent de faire n’importe quoi ! La Liturgie de l’Église ? A quoi bon puisque les fidèles n'y connaissent plus rien. Elle est donc réservée à quelques monastères. D’où cette volonté diabolique de remplacer, dans la plupart des paroisses, le Missel Romain par des équipes inter-paroissiales plus ou moins "protestantisées" et dont les membres anti-romains les plus influents n’ont jamais étudié ni la Liturgie, ni le Concile, ni même le Missel. Demandez à ces "spécialistes" qui s'amusent, du haut de leurs deux pommes théologiques, à regarder avec condescendance l'humble fidèle des campagnes qui, avec sa "foi de charbonnier", n'a jamais voulu qu'on lui "change la religion" ce qu'est le Graduale Romanum, Sacrosanctum Concilium ou même un simple Kyriale et, au meilleur des cas, ils vous regarderont bizarrement en se demandant quelle langue vous pouvez bien parler (au pire des cas, et votre serviteur en a fait les frais, ils vous insulteront "d'intégriste", le mot qui tue). Plus que jamais, il est nécessaire de s’opposer à cette pastorale qui, depuis plus de 50 ans, est menée par des clercs et des laïcs incapables de penser la Liturgie telle qu’elle devrait être, c’est-à-dire enracinée dans son histoire et non dans la volonté de plaire aux fidèles, dans la tradition et non dans l’éphémère, dans la foi de l’Église et non dans un sentimentalisme malsain. Il en va de la survie de l'Église !
Illustration : "Acolyte" (1889), huile sur toile de George Walton