23 avril 2010 5 23 /04 /avril /2010 20:30

bonpasteur(Début du sermon de Saint Grégoire le Grand) « Les brebis du Seigneur trouvent des pâturages, puisque tous ceux qui le suivent d’un cœur simple se rassasient en pâturant dans des prairies éternellement vertes. Et quels sont les pâturages de ces brebis, sinon les joies intérieures d’un paradis à jamais verdoyant ? Car les pâturages des élus sont la présence du visage de Dieu, dont une contemplation ininterrompue rassasie indéfiniment l’âme d’un aliment de vie. Ceux qui ont échappé aux pièges du plaisir fugitif goûtent, dans ces pâturages, la joie d’un éternel rassasiement. Là les chœurs des anges chantent des hymnes; là sont réunis les citoyens du Ciel. Là se célèbre une fête solennelle et douce pour ceux qui reviennent de ce triste et pénible exil terrestre. Là se rencontrent les chœurs des prophètes qui ont prévu l’avenir; là siège pour juger le groupe des apôtres; là est couronnée l’armée victorieuse des innombrables martyrs, d’autant plus joyeuse là-haut qu’elle a été plus cruellement éprouvée ici-bas; là, les confesseurs sont consolés de leur constance par la récompense qu’ils reçoivent; là se rencontrent les hommes fidèles dont les voluptés du monde n’ont pu amollir la robuste virilité, là les saintes femmes qui, outre le monde, ont vaincu la faiblesse de leur sexe, là les enfants qui ont devancé le nombre des années par la maturité de leurs mœurs, là enfin les vieillards que l’âge a rendus si faibles, sans pourtant leur faire perdre le cœur à l’ouvrage.

 

Recherchons donc, frères très chers, ces pâturages où nous partagerons la fête et la joie de tels concitoyens. Le bonheur même de ceux qui s’y réjouissent nous y invite. N’est-il pas vrai que si le peuple organisait quelque part une grande foire, ou qu’il accourait à l’annonce de la dédicace solennelle d’une église, nous nous empresserions de nous retrouver tous ensemble ? Chacun ferait tout pour y être présent, et croirait avoir beaucoup perdu s’il n’avait eu le spectacle de l’allégresse commune. Or voici que dans la cité céleste, les élus sont dans l’allégresse et se félicitent à l’envi au sein de leur réunion; et cependant, nous demeurons tièdes quand il s’agit d’aimer l’éternité, nous ne brûlons d’aucun désir, et nous ne cherchons pas à prendre part à une fête si magnifique. Et privés de ces joies, nous sommes contents !

Réveillons donc nos âmes, mes frères ! Que notre foi se réchauffe pour ce qu’elle a cru, et que nos désirs s’enflamment pour les biens d’en haut : les aimer, c’est déjà y aller. Ne laissons aucune épreuve nous détourner de la joie de cette fête intérieure : lorsqu’on désire se rendre à un endroit donné, la difficulté de la route, quelle qu’elle soit, ne peut détourner de ce désir. Ne nous laissons pas non plus séduire par les caresses des réussites. Combien sot, en effet, est le voyageur qui, remarquant d’agréables prairies sur son chemin, oublie d’aller où il voulait. Que notre âme ne respire donc plus que du désir de la patrie céleste, qu’elle ne convoite plus rien en ce monde, puisqu’il lui faudra assurément l’abandonner bien vite. Ainsi, étant de vraies brebis du céleste Pasteur, et ne nous attardant pas aux plaisirs de la route, nous pourrons, une fois arrivés, nous rassasier dans les pâturages éternels ».

 

Extrait d’un Sermon sur le Bon Pasteur, par le Pape Saint Grégoire le Grand

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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 09:30

annonciation• « Le Verbe éternel se faisant homme, et daignant habiter parmi les hommes, tel est le grand mystère que célèbre aujourd'hui l'Eglise universelle, et dont elle salue chaque année le retour par des transports de joie. Après l'avoir une première fois reçu pour sa propre rédemption, le monde fidèle en a consacré le souvenir de génération en génération, afin de perpétuer l'heureuse substitution de la vie nouvelle à la vie ancienne. Maintenant donc, lorsque le miracle depuis longtemps accompli nous est remis annuellement sous les yeux dans le texte des divines Ecritures, notre dévotion s'enflamme et s'exhale en chants de triomphe et de joie. Le saint Evangile que nous lisions nous rappelait que l'archange Gabriel a été envoyé du ciel par le Seigneur pour annoncer à Marie qu'elle serait la Mère du Sauveur. L'humble Vierge priait, silencieuse et cachée aux regards des mortels; l'ange lui parla en ces termes : « Je vous salue, Marie, » dit-il, « je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous » (Luc 1, 28). O annonciation miraculeuse ! ô salutation céleste, apportant la plénitude de la grâce et illuminant ce cœur virginal ! L'Ange était descendu porté sur ses ailes de feu et inondant de clartés divines la demeure et l'esprit de Marie. Député par le Juge suprême et chargé de préparer à son Maître une demeure digne de lui, l'ange, éblouissant d'une douce clarté, pénètre dans ce sanctuaire de la virginité, rigoureusement fermé aux regards de la terre : « Je vous salue, Marie, » dit-il, « je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous » ; Celui qui vous a créée vous a prédestinée; Celui que vous devez enfanter vous a remplie de ses dons. A l'aspect de l'ange, la Vierge se trouble et se demande quelle peut être cette bénédiction. Dans son silence humble et modeste, elle se rappelle le vœu qu'elle a formé, et, jusque-là, tout à fait étrangère au langage d'un homme, elle se trouble devant un tel salut, elle est saisie de stupeur devant un tel langage, et n'ose d'abord répondre au céleste envoyé. Plongée dans l'étonnement, elle se demandait à elle-même d'où pouvait lui venir une telle bénédiction. Longtemps elle roula ces pensées dans son esprit, oubliant presque la présence de l'ange que lui rappelaient à peine quelques regards fugitifs attirés par l'éclat de l'envoyé céleste. Elle hésitait donc et s'obstinait dans son silence; mais l'ambassadeur de la Sainte Trinité, le messager des secrets célestes, le glorieux archange Gabriel, la contemplant de nouveau, lui dit : « Ne craignez pas, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu; voici que vous concevrez et enfanterez un fils, et vous le nommerez Jésus. Il sera grand et sera appelé le Fils du Très-Haut, et le Seigneur-Dieu lui donnera le siège de David son père; il régnera éternellement sur la maison de Jacob, a et son règne n'aura pas de fin » (Luc 1, 30-21). Alors Marie, pesant sérieusement ces paroles de l'ange et les rapprochant de son vœu de virginité perpétuelle, s'écria : « Comment ce que vous me dites pourra-t-il se réaliser, puisque je ne connais point d'homme ? ». Aurai-je un fils, moi qui ne connais point d'homme ? Porterai-je un fruit, moi qui repousse l'enfantement ? Comment pourrai-je engendrer ce que je n'ai point conçu ? De mon sein aride, comment pourrai-je allaiter un fils, puisque jamais l'amour humain n'est entré dans mon cœur et n'a pu me toucher. L'ange répliqua : Il n'en est point ainsi, Marie, il n'en est point ainsi; ne craignez rien ; que l'intégrité de votre vertu ne vous cause aucune alarme ; vous resterez vierge et vous vous réjouirez d'être mère; vous ne connaîtrez point le mariage, et un fils fera votre joie; vous n'aurez aucun contact avec un homme mortel, et vous deviendrez l'épouse du Très-Haut, puisque vous mettrez au monde le Fils de Dieu. Joseph, cet homme chaste et juste, qui est pour vous, non point un mari mais un protecteur, ne vous portera aucune atteinte ; mais « l'Esprit-Saint surviendra en vous », et, sans qu'il s'agisse ici d'un époux et d'affections charnelles, « la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre : voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu ».

 

• O séjour digne de Dieu ! Avant que l'ange ne lui eût fait connaître clairement le Fils qui lui était promis au nom du ciel, Marie ne laissa échapper de ses lèvres pudiques aucune parole d'assentiment. Mais dès qu'elle sut que sa virginité ne subirait aucune atteinte, dès qu'elle en reçut l'attestation solennelle, faisant de son cœur un sanctuaire digne de la Divinité, elle répondit : « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ». Comme si elle eût dit : « Mon cœur est prêt, ô Dieu, mon cœur est prêt », puisque mon sein doit rester intact. « Qu'il me soit fait selon votre parole », ô glorieux archange Gabriel; qu'il vienne dans sa demeure, « Celui qui a placé sa tente dans le soleil » (Ps XVIII, 6). Puisque je dois demeurer vierge, « que le Soleil de justice se lève en moi » (Malachie IV, 2) sous ses rayons je conserverai ma blancheur, et la fleur de mon intégrité s'épanouira dans une chasteté perpétuelle. « Que le juste sorte dans toute sa splendeur » (Isaïe LVI, 1), et que le Sauveur brille « comme un flambeau » (Eccli XLVIII, 1). Le flambeau du soleil illumine l'univers; il pénètre ce qui semble vouloir lui faire obstacle, et il n'en jette pas moins ses flots de lumière. Qu'il apparaisse donc aux yeux des hommes « le plus beau des enfants des hommes » ; « qu'il s'avance comme un époux sort du lit nuptial » (Ps XLIV, 3); car maintenant je suis assurée de persévérer dans mon dessein. Quelle parole humaine pourrait raconter cette génération ? Quelle éloquence serait suffisante pour l'expliquer ? Les droits de la virginité et de la nature sont conservés intacts, et un fils se forme dans les entrailles d'une vierge. Lorsque les temps furent accomplis, le ciel et la terre purent contempler cet enfantement sacré auquel toute paternité humaine était restée complètement étrangère. Telle est cette ineffable union nuptiale du Verbe et de la chair, de Dieu et de l'homme. C'est ainsi qu'entre Dieu et l'homme a été formé « le Médiateur de Dieu et des hommes, l'homme Christ Jésus » (I Timothée II, 5). Ce lit nuptial divinement choisi, c'est le sein d'une Vierge. Car le Créateur du monde venant dans le monde, sans aucune coopération du monde, et pour racheter le monde de toutes les iniquités qui le souillaient, devait sortir du sein le plus pur et entourer sa naissance d'un miracle plus grand que le miracle même de la création. Car, comme le dit lui-même le Fils de Dieu et de l'homme, le Fils de l'homme est venu « non point pour juger le monde, mais pour le sauver » (Jean XII, 47).

 

• O vous, Mère du Saint des Saints, qui avez semé dans le sein de l'Eglise le parfum de la fleur maternelle et la blancheur du lis des vallées, en dehors de toutes les lois de la génération et de toute intervention purement humaine; dites-moi, je vous prie, ô Mère unique, de quelle manière, par quel moyen la Divinité a formé dans votre sein ce Fils dont Dieu seul est le Père. Au nom de ce Dieu qui vous a faite digne de lui donner naissance à votre tour, dites-moi, qu'avez-vous fait de bien ? Quelle grande récompense avez-vous obtenue ? Sur quelles puissances vous êtes-vous appuyée ? Quels protecteurs sont intervenus ? A quels suffrages avez-vous eu recours ? Quel sentiment ou quelle pensée vous a mérité de parvenir à tant de grandeur ? La vertu et la sagesse du Père « qui atteint d'une extrémité à l'autre avec force et qui dispose toutes choses avec suavité » (Sagesse VIII, 1), le Verbe demeurant tout entier partout, et venant dans votre sein sans y subir aucun changement, a regardé votre chasteté dont il s'est fait un pavillon, dans lequel il est entré sans y porter atteinte et d'où il est sorti en y mettant le sceau de la perfection. Dites-moi donc comment vous êtes parvenue à cet heureux état ? Et Marie de répondre : Vous me demandez quel présent m'a mérité de devenir la mère de mon Créateur ? J'ai offert ma virginité, et cette offrande n'était pas de moi, mais de l'Auteur de tout bien; car tout don « excellent et parfait nous vient du Père des lumières » (Jacques I, 17). Toute mon ambition, c'est mon humilité ; voilà pourquoi « mon âme grandit le Seigneur, et mon esprit a tressailli en Dieu mon Sauveur » (Luc I, 47); car il a regardé, non pas ma tunique garnie de noeuds d'or, non pas ma chevelure pompeusement ornée et jetant l'éclat de l'or, non pas les pierres précieuses, les perles et les diamants suspendus à mes oreilles , non pas la beauté de mon visage trompeusement fardé; mais « il a regardé l'humilité de sa servante ».

 

• Le Verbe est venu plein de douceur à son humble servante, selon l'oracle du Prophète : « Gardez-vous de craindre, fille de Sion. Voici venir à vous votre Roi plein de douceur et de bonté, assis sur un léger nuage » (Isaïe LXII, 11). Quel est ce léger nuage ? C'est la Vierge Marie dont il s'est fait une Mère sans égale. Il est donc venu plein de douceur, reposant sur l'esprit maternel, humble, « calme et craignant ses paroles » (Isaïe LXVI, 1). Il est venu plein de douceur, remplissant les cieux, s'abaissant parmi les humbles pour arriver aux superbes, ne quittant pas les cieux et présentant ses propres humiliations pour guérir avec une mansuétude toute divine ceux qu'oppressent les gonflements de l'orgueil. O profonde humilité ! O grandeur infinie des trésors de la sagesse et de la science de Dieu; que les « jugements de Dieu sont incompréhensibles et ses voies impénétrables » (Romains XI, 33). Le pain des Anges est allaité par les mamelles d'une mère; la source d'eau vive jaillissant jusqu'à la vie éternelle demande à boire à la Samaritaine, figure de l'Eglise ; il ne refuse pas de manger avec les publicains et les pécheurs, lui que les Anges au ciel servent dans la crainte et la terreur. Le Roi des rois a rendu à la santé le fils de l'officier, sans employer aucun remède et par la seule efficacité de sa parole. Il guérit le serviteur du centurion et loue la foi de ce dernier, parce qu'il a cru que le Seigneur commande à la maladie et à la mort comme lui-même commandait à ses soldats. Quelque cruelles que fussent les souffrances de la paralysie, il en trouva la guérison infaillible dans la visite miséricordieuse de Jésus-Christ. Une femme affligée depuis de longues années d'une perte de sang qui faisait de ses membres une source de corruption, s'approche avec foi du Sauveur qui sent aussitôt une vertu s'échapper de lui et opérer une guérison parfaite. Mais comment rappeler tant de prodiges ? Le temps nous manque pour énumérer tous ces miracles inspirés à notre Dieu par sa puissance infinie et sa bonté sans limite. Abaissant sa grandeur devant notre petitesse et son humilité devant notre orgueil, il est descendu plein de piété, et, nouveau venu dans le monde, il a semé dans le monde des prodiges nouveaux. C'est lui que les évangélistes nous dépeignent sous différentes figures : l'homme, le lion, le boeuf et l'aigle. Homme, il est né d'une Vierge sans le concours de l'homme ; lion, il s'est précipité courageusement sur la mort et s'est élevé sur la croix par sa propre vertu ; boeuf, il a été volontairement immolé dans sa passion pour les péchés du peuple; et comme un aigle hardi, il a repris son corps, est sorti du tombeau, a fait de l'air le marchepied de sa gloire, « est monté au-dessus des chérubins, prenant son vol sur les ailes des vents », et maintenant il siège au ciel, et c'est à lui qu'appartient l'honneur et la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ».

 

Ci-dessus : Intégralité du cinquième sermon de Saint Augustin pour la fête de l’Annonciation

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7 mars 2010 7 07 /03 /mars /2010 10:42

« Nous célébrons aujourd'hui la fête de deux saintes martyres qui se sont distinguées par les vertus qu'elles ont fait éclater au milieu des tourments, et qui de plus désignent par leurs noms la récompense assurée à leurs pieux et généreux combats ainsi qu'à ceux de leurs compagnons. En effet Perpétue ou Perpétuelle et Félicité sont à la fois les noms de ces deux femmes et la récompense de tous les martyrs. Tous les martyrs déploieraient-ils momentanément tant de courage pour lutter contre la souffrance et pour confesser la foi, si ce n'était pour jouir d'une Perpétuelle Félicité ? Aussi la divine Providence a fait en sorte que ces deux femmes fussent, non-seulement martyres, mais associées étroitement dans un même martyre; et il en devait être ainsi, afin qu'elles donnassent à un même jour la gloire de leurs noms, et qu'elles invitassent la postérité à célébrer leur mémoire dans une solennité commune. De même que l'exemple de leur glorieux combat nous excite à les imiter; ainsi leurs noms témoignent de l'impérissable récompense que nous devons recevoir. Ah ! qu'elles se tiennent, qu'elles demeurent attachées l'une à l'autre; sans l'une nous n'espérons pas l'autre. Que servirait la Perpétuité sans la Félicité ? Et sans la Perpétuité la Félicité ne serait que passagère. (…) Au nombre de ces glorieux martyrs se trouvèrent aussi des hommes qui le même jour triomphèrent également des tourments avec un indomptable courage. Ce ne sont pas eux toutefois qui ont donné leurs noms à cette fête. Serait-ce que les deux saintes l'emportaient sur eux par la dignité de leurs mœurs ? Non, c'est (...) parce qu'en combattant, [les hommes] avaient les yeux ouverts sur la Perpétuelle Félicité ».

 

Extrait du sermon CCLXXXII de Saint Augustin pour la fête de Sainte Perpétue et de Sainte Félicité, martyres à Carthage

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25 février 2010 4 25 /02 /février /2010 17:42

« Voulez-vous que je vous parle des voies de la pénitence ? Elles sont nombreuses, elles sont variées et différentes, mais toutes conduisent au ciel. La première est l'accusation des péchés : soyez le premier à déclarer vos fautes afin d'être justifié. (Isaïe, XLIII, 26.) C'est pourquoi le prophète s'écriait : « J'ai dit : Je proclamerai contre moi mon injustice en face de Dieu; et voilà, Seigneur, que vous avez pardonné l'impiété de mon cœur » (Psalm. XXXI, 5). Accusez donc, vous aussi, tous vos péchés : ce sera assez pour faire à Dieu votre apologie : celui qui condamne ses propres péchés devient plus lent à y retomber; éveillez donc votre conscience, cet accusateur domestique, afin de ne pas trouver un jour, au tribunal de Dieu, un accusateur public. Telle est la première voie de la pénitence, et la meilleure. La seconde, qui ne lui cède pas en mérite, consiste à oublier les injustices d'un ennemi, à dompter la colère, à pardonner les offenses de nos frères : c'est ainsi que nous recevons nous-mêmes la remise des péchés que nous avons faits contre le commun Maître; tel est donc le second moyen d'expier le péché : Si vous remettez leurs dettes à vos propres débiteurs, le Père céleste vous fera remise à vous-mêmes. (Matth. VI, 14.). Voulez-vous apprendre la troisième voie de pénitence ? C'est la prière fervente et diligente, la prière qui part du fond de l'âme. Ne savez-vous pas de quelle manière la veuve parvint à émouvoir un juge sans conscience ? Vous au contraire vous avez un Maître doux, clément, plein d'amour. Elle réclamait contre ses ennemis; vous, au lieu de plaider contre un adversaire, vous priez pour votre salut. Si vous souhaitez connaître la quatrième voie de pénitence, je nommerai l'aumône; elle possède une puissante et merveilleuse efficacité : Nabuchodonosor, qui s'était livré à des crimes de tout genre, à l'impiété complète, entendit Daniel lui dire : O roi, que mon avis trouve grâce devant vous; rachetez vos péchés par l'aumône et vos iniquités par la miséricorde envers les pauvres. (Dan. IV, 24.) Qu'y a-t-il de comparable à cette douce bonté ? Après tant de péchés, après de telles désobéissances, Dieu promet à cet homme qui l'a outragé de lui pardonner, s'il montre de la charité à ses frères. Enfin, une conduite mesurée et humble n'a pas un moindre pouvoir pour détruire le péché dans son germe : j'en prends à témoin le publicain qui, n'ayant pas de bonnes actions à déclarer, offrit à leur place son humilité et déposa de la sorte le lourd fardeau de ses péchés. (Luc, XVIII, 13.)

 
Voilà donc l'indication des cinq voies de pénitence : la première, accusation des péchés; la seconde, remise au prochain des offenses reçues; la troisième, prière fervente; la quatrième, aumône; la cinquième, humilité. Ne soyez donc pas oisif; cheminez chaque jour en ces voies ; elles sont faciles. Ne mettez pas en avant votre pauvreté comme excuse; fussiez-vous dans votre vie le plus pauvre parmi tous les hommes, vous pouvez néanmoins dompter la colère, pratiquer l'humilité, prier assidûment, accuser vos fautes : à tout cela la pauvreté ne fait aucun obstacle. Que dis-je ! Même dans cette voie de pénitence où nous devons semer l'argent (je parle de l'aumône), oui, même en cette voie, la pauvreté n'est pas un obstacle, témoin la veuve, qui mit ses deux oboles dans le tronc. (Marc, XII, 42.) Puisque nous avons appris le moyen de guérir nos plaies, appliquons sans cesse les remèdes, afin que, après avoir recouvré la vraie santé, nous allions avec confiance prendre part au banquet sacré, nous accourions avec une gloire abondante au-devant du Roi de gloire, Jésus-Christ, nous acquérions enfin les biens éternels par la grâce, la miséricorde et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ par qui et avec qui gloire, puissance et honneur soient au Père, en même temps qu'à l'Esprit de toute sainteté, de toute bonté et de toute vie maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ».
 
Saint Jean Chrysostome, Père et Docteur de l’Eglise - 2ème homélie sur les démons
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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 00:56

[…] Glorifions Dieu, portons-le dans un corps pur, sans tache, voué à une vie meilleure. Puisque nous avons été rachetés par le sang du Christ, notre maître, obéissons en tout à sa volonté, faisons en sorte que rien d’immonde et de profane ne pénètre dans son sanctuaire, de peur que, justement offensé, il n’abandonne sa demeure. […] Ces préceptes regardent tous les sexes, tous les âges, aussi bien les hommes que les femmes, les jeunes gens que les jeunes filles. […] Mais la pudeur ne consiste pas seulement dans l’intégrité de la chair; elle exige encore la modestie de la parure et des vêtements. […] « Que les femmes se vêtent avec modestie et pudeur. Qu’elles ne portent ni cheveux tressés, ni or, ni perles, ni vêlements précieux; mais, comme il convient à leur sexe, que la chasteté respire dans toute leur conduite » (I Tim., II.). […] Les ornements affectés, le luxe des vêtements, le soin des formes du corps ne conviennent qu’à des courtisanes; les femmes qui se parent le plus sont celles qui ont perdu toute pudeur. […] Que [les femmes] fuient [donc] ces ornements, ces habits, ces parures qui ne peuvent convenir qu’à des femmes perdues. Les filles de Sion […] vivaient dans un luxe coupable et s’éloignaient de Dieu, pour se plonger dans les délices du siècle ; aussi l’Esprit-Saint les reprend par la bouche d’Isaïe. « Les filles de Sion, dit-il, marchent la tête haute; elles font signe avec leurs yeux, elles traînent de longues robes et se balancent sur leurs pieds. Mais le Seigneur humiliera les orgueilleuses filles de Sion; il les dépouillera de leurs vêtements somptueux, il enlèvera tous leurs ornements, et leur chevelure bouclée, et leurs bandeaux, et leurs agrafes, et leurs bracelets, et leurs colliers, et leurs camées, et leurs chaînes, et leurs anneaux, et leurs pendants d’oreilles, et leurs voiles de soie mêlés d’or et d’hyacinthe. Au lieu de parfums elles respireront la poussière, au lieu de ceinture elles auront une corde, au lieu de l’or dont elles chargeaient leur front, une tête dépouillée de cheveux » ( Isaïe, III). […] Revêtues de soie et de pourpre, elles n’ont pu revêtir le Christ; parées d’or, de perles et de colliers, elles ont perdu les vrais ornements du coeur et de l’âme. […] Je m’adresse non-seulement aux vierges, mais aux veuves et aux femmes mariées, et je leur dis qu’elles ne doivent jamais altérer l’oeuvre divine avec ces fards, ces couleurs empruntées, ces compositions en un mot qui n’ont d’autre effet que de corrompre la nature. Dieu a dit : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance », et on osera changer et dénaturer l’ouvrage de Dieu ! C’est un attentat contre Dieu que de réformer et de transfigurer son oeuvre. Sachons-le bien, ce qui naît vient de Dieu; les changements sont l’oeuvre du démon. Un peintre représente avec des couleurs qui rivalisent avec la nature le visage, les traits, l’extérieur d’un homme; son oeuvre est terminée. Un autre peintre, se croyant plus habile, vient jeter de nouvelles couleurs sur le tableau pour le corriger : quelle injure pour le premier artiste ! Quel sujet d’une juste indignation ! Et vous croyez que votre audace téméraire restera impunie et que l’artiste suprême ne vengera pas son offense ? […] Soyez telles que Dieu vous a faites : conservez les traits que le Créateur vous a donnés; un visage sans fard, un cou sans ornement, un corps simplement vêtu. N’ensanglantez pas vos oreilles, ne chargez pas vos bras et votre cou de bracelets et de colliers précieux; ne mettez pas vos pieds dans des entraves d’or, ne souillez vos cheveux d’aucune couleur étrangère; que vos yeux soient toujours dignes de voir Dieu. Baignez-vous chastement avec des personnes de votre sexe. Évitez les noces, évitez ces festins où la débauche répand sa contagion […] ».

 

 « De la conduite des vierges », par Saint Cyprien de Carthage, Père de l’Eglise

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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 11:59

« La plupart d’entre vous, mes frères bien-aimés, possèdent une foi ferme, un jugement solide. Leur âme, attachée â Dieu, ne s’émeut pas en présence des maux de cette vie. Semblable à un rocher, elle résiste aux assauts du monde, aux flots impétueux du siècle, et elle sort de la tentation, éprouvée mais non vaincue. Cependant, il en est parmi vous qui, par suite de la faiblesse de leur caractère, du peu d’énergie de leur foi, du charme des choses créées, de la mollesse de leur sexe, et, ce qui est plus grave encore, des erreurs qui obscurcissent la vérité, chancellent dans la voie du salut et ne songent pas à profiter de la grâce divine qui sommeille dans leurs cœurs. Il m’a semblé que je devais m’adresser à eux en toute franchise. Donc, malgré ma faiblesse, je viens combattre, avec la parole divine, la négligence qui paralyse leur âme trop délicate et leur rappeler, qu’en qualité de chrétiens, ils doivent être dignes et de Dieu et du Christ. Le soldat du Christ, mes frères bien-aimés, doit d’abord se connaître lui-même. Placé dans le camp du Seigneur, il soupire après les biens éternels. Ne vous laissez ni effrayer ni même arrêter par les tempêtes de ce monde : elles ont été prédites par le divin Maître. […] Les causes de ce désordre, mes frères bien-aimés, c’est le manque de foi. Personne ne croit à la réalité des promesses du Dieu qui est la Vérité même, du Dieu dont la parole est éternelle et immuable. Si un homme sérieux et honnête vous faisait une promesse, vous croiriez à sa parole, vous le jugeriez incapable de vous tromper, parce que vous savez qu’il est sincère dans ses discours et dans ses actes. Voilà que Dieu vous parle, et vous, homme de peu de foi, vous êtes indécis et flottant ! Dieu, à votre sortie de ce monde, vous promet l’immortalité et l’éternité bienheureuse, et vous doutez ! C’est ne pas connaître Dieu; c’est offenser par son incrédulité le Christ, maître des croyants; c’est manquer de foi dans l’Église, qui est le sanctuaire de la foi. […] La foi et la crainte de Dieu doivent vous préparer à tous les événements. Qu’il s’agisse de la perte de votre fortune, de la maladie qui vient tourmenter votre corps, de la mort de votre épouse et de vos enfants sur lesquels vous êtes réduits à pleurer, regardez tous ces accidents, non comme des occasions de chute, mais comme des combats. Loin d’affaiblir ou de briser la foi du chrétien, ils manifestent, au contraire, son courage dans la lutte : il méprise les maux de cette vie, parce qu’il compte sur les biens éternels. Sans combat, pas de victoire; mais, après la victoire, la couronne devient la récompense du vainqueur. Le pilote se fait connaître dans la tempête, le soldat dans la bataille. Il serait ridicule de se vanter quand il n’y a pas de péril; c’est la lutte contre l’adversité qui fait ressortir les qualités sérieuses et solides ».

 

Extrait de ‘’De la mortalité’’, par Saint Cyprien de Carthage, Père de l’Eglise

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1 janvier 2010 5 01 /01 /janvier /2010 06:05

 

viergemarielecture

« Que dirai-je ou qu’exprimerai-je au sujet de la Vierge illustre et sainte ? Car Dieu seul excepté, elle est supérieure à tous : elle est naturellement plus belle que les Chérubins et les Séraphins eux-mêmes et que toute l’armée angélique; pour la célébrer, une langue du ciel ou de la terre ne saurait suffire, pas même celle des anges. O bienheureuse Vierge, colombe pure et céleste Épouse, Marie, temple et trône de la divinité, qui possédez le Christ, ce soleil qui brille au ciel et sur la terre ! Nuée céleste qui du ciel avez amené le Christ au monde, tel un éclair éblouissant ! Salut, pleine de grâce, porte des cieux, dont parle de façon claire et évidente le prophète, lorsqu’il s’écrie dans le Cantique : « Vous êtes un jardin fermé, ma sœur, mon épouse, vous êtes un jardin fermé, une fontaine scellée » (Cantique des cantiques 4, 12). La Vierge est le lys immaculé qui a enfanté le Christ, rose qui ne passe pas. O Sainte Mère de Dieu, brebis immaculée, qui avez enfanté votre agneau, le Christ, Verbe incarné en vous ! O Vierge toute sainte, qui avez rempli de stupeur l’armée des anges ! Merveille qui remplit les cieux de stupeur : une femme revêtue du soleil, portant la lumière en ses bras; merveille qui remplit les cieux de stupeur : la couche d’une vierge possède le Fils de Dieu; merveille qui remplit les cieux de stupeur : le Seigneur des anges est devenu l’enfant d’une Vierge. Les anges accusaient Ève, ils comblent maintenant d’honneur Marie qui a relevé Ève de sa chute et mis en possession du ciel Adam chassé du paradis. Elle est en effet la médiatrice naturelle du ciel et de la terre, puisqu’elle a réalisé leur union. La grâce de la Vierge sainte est immense. Aussi Gabriel salue-t-il dès l’abord la Vierge par ces mots : « Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous ». « Salut, pleine de grâce »,vous qui êtes un ciel resplendissant ! « Salut, pleine de grâce », Vierge ornée de nombreuses vertus ! « Salut, pleine de grâce », vous qui êtes l’urne d’or contenant la manne céleste ! « Salut, pleine de grâce », vous qui rassasiez les assoiffés de la douceur d’une source intarissable ! Salut, Très Sainte Mère Immaculée, qui avez enfanté le Christ, qui existe avant vous ! Salut, pourpre royale, qui avez revêtu le Roi du ciel et de la terre ! Salut, livre mystérieux, qui avez donné à lire au monde le Verbe et le Fils du Père ».


Saint Épiphane, évêque de Salamine, † 403, sur les louanges de Sainte Marie, Mère de Dieu
Le bréviaire a profondément remanié l’ordre du texte grec; cf. PG 43, 488-493.501

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23 décembre 2009 3 23 /12 /décembre /2009 19:57

C’est notre cadeau de Noël pour nos lecteurs . Ci-dessous, de nombreux extraits d’une homélie EXCEPTIONNELLE rédigée par Saint Jean Chrysostome à l’occasion de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il faut le souligner : les interrogations sur la malice des juifs endurcis, les précisions, et les subtilités théologiques de Saint Jean Chrysostome sont remarquables, c'est une vraie catéchèse. N'ayez pas peur de vous FORMER en prenant le temps nécessaire pour lire et approfondir les mystères de notre foi ; trop de catholiques ont aujourd'hui un réel problème de formation doctrinale qu'il nous faut absolument réparer. Nous vous souhaitons à tous de saintes fêtes de Noël, jour où le Verbe de Dieu est né dans le temps d'une manière exclusivement DIVINE de la Vierge inviolée pour l'amour de nous tous. N’oublions pas dans nos prières les personnes sans familles, les personnes qui se sentent rejetées de tous, mais aussi toutes celles qui souffrent physiquement ou moralement. Pour elles aussi, le message de l’ange est vrai : "Ne craignez point; car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d’une grande joie : c’est qu’aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur" (Luc 2, 10-11)

 

 

 

 

angelandjesus• « […] Aujourd'hui, celui qui est né du Père d'une manière ineffable est né de la Vierge, pour l'amour de moi, d'une manière inexplicable et merveilleuse. II est né du Père, avant les siècles, conformément aux lois de sa nature et Celui qui l’a engendré le sait ; aujourd'hui, il est né en dehors des lois de la nature et la grâce de l'Esprit-Saint en est témoin. Sa génération céleste est légitime et la génération terrestre ne l'est pas moins; il est vraiment le Dieu engendré de Dieu, il est vraiment homme né d'une vierge. Dans le ciel, il est le seul Fils unique d'un seul; sur la terre, il est le seul Fils unique d'une vierge seule. De même que dans sa génération céleste il serait impie de lui chercher une mère, de même dans sa génération terrestre ce serait un blasphème de lui chercher un père. Le Père a engendré sans écoulement de sa substance et la Vierge a enfanté sans connaître la corruption. Dieu n'a point souffert d'écoulement de sa substance, car il a engendré comme il convenait à un Dieu, et la Vierge n'a point connu la corruption lorsqu'elle enfantait, parce qu'elle a enfanté spirituellement. D'où il suit que sa génération céleste ne peut être expliquée par des paroles humaines et que sa venue dans le temps ne peut être le sujet de nos investigations. Je sais qu'une vierge a enfanté aujourd’hui, et je crois qu'un Dieu a engendré en dehors du temps; mais j'ai appris que le mode de cette génération doit être honoré par le silence et ne peut être l'objet d'une curiosité indiscrète. Car, lorsqu'il s'agit de Dieu, il ne faut pas nous arrêter à la nature des choses, mais croire à la puissance de Celui qui agit. C'est une loi de la nature qu'une femme mette au monde après qu'elle a contracté mariage; mais si une vierge, sans connaître le mariage, enfante et ensuite reste vierge, ceci est au-dessus de la nature. Que l'on scrute ce qui est conforme à la nature, j'y consens; mais on doit honorer par le silence ce qui est au-dessus de la nature, non parce qu'if faut s'éloigner de tels sujets, mais parce qu'ils sont ineffables et dignes d'être célébrés autrement que par des paroles.

 

• […] De même que l'artisan qui trouve une matière très-belle et parfaitement disposée en fabrique un vase merveilleux, ainsi le Christ trouvant le corps saint et l'âme de la Vierge se construit un temple animé, il forme dans son sein l'homme tel qu'il l'a résolu, se revêt de cette nature humaine et se manifeste aujourd'hui, n'ayant point rougi de la difformité de notre nature. Ca n'a pas été pour lui un opprobre de se revêtir de son propre ouvrage, et c'était pour son œuvre une gloire éclatante que celle de devenir le vêtement de Celui qui l'avait faite. De même que dans la première formation il était impossible que l'homme existât avant que la terre dont il fut fait vînt entre les mains de son Créateur, ainsi il était impossible que le corps corruptible de l'homme reçût une nouvelle nature avant que Celui qui l'avait faite s'en fût revêtu. […] « Voici que la vierge concevra » (Isaïe, VII, I4.) La synagogue gardait la promesse écrite ; l'Eglise possède l'objet de la promesse. L'une a possédé le livre et l'autre les trésors promis par ce livre ; l'une a su teindre la laine et l'autre a revêtu la robe de pourpre qui en a été tissue. La Judée l'a enfanté; la terre entière l'a reçu. La synagogue l'a nourri et élevé ; l'Eglise le possède et recueille les fruits de sa présence. Celle-là eut le cep de la vigne et près de moi sont les fruits mûrs de la vérité. Celle-là a vendangé les raisins ; mais les nations boivent le breuvage mystique. Celle-là a semé le grain du froment dans la Judée; mais les nations ont moissonné avec la faux la moisson de la foi. Les nations ont recueilli avec piété la rose, tandis que l'épine de l'incrédulité est demeurée parmi les Juifs. Le petit s'est envolé et les insensés restent assis auprès du nid demeuré vide. Les Juifs interprètent la lettre, qui est semblable à la feuille, et les nations recueillent le fruit de l'Esprit.

 

• « La Vierge concevra ». Dis-moi donc le reste, ô juif ! dis-moi quel est Celui qu'elle a enfanté ? Aie en moi autant de confiance qu'en Hérode. Mais tu manques de confiance, et je sais pourquoi. Tu ne penses qu'à tendre des embûches. Tu l'as dit à Hérode afin qu'il le mît à mort; tu ne me le dis pas, pour que je ne puisse l'adorer. Quel est donc Celui qu'elle a enfanté ? Quel est-il ? C'est le Maître de la nature. Lorsque tu gardes le silence, la nature crie. Elle a enfanté Celui qui a été mis au monde de la façon qu'il avait choisie pour naître. Ce n'est pas la nature qui avait réglé cet enfantement, mais c'est le Maître de la nature qui introduit ce mode inusité de naissance, afin de montrer, en se faisant homme, qu'il ne naît pas comme un homme, mais comme un Dieu. Il naît aujourd'hui d'une vierge qui triomphe de la nature et qui remporte la victoire sur le mariage. Il convenait au Dispensateur de la sainteté qu'il naquît d'un enfantement pur et saint. Il est Celui qui forma autrefois Adam d'une terre vierge et ensuite tira la femme d'Adam sans le concours d'une mère. De même qu'Adam, sans mère, donna naissance à la femme, ainsi la Vierge enfante aujourd'hui un homme sans le concours de l'homme. Et parce que le sexe de la femme était redevable envers l'homme depuis qu'Adam avait donné naissance à la femme sans le secours d'une femme, aujourd'hui la Vierge paye à l'homme la dette contractée par Eve, puisqu'elle enfante sans le secours de l'homme. Afin qu'Adam ne puisse s'enorgueillir d'avoir produit la femme sans le secours d'une femme, la Vierge engendre un homme sans le secours de l'homme, de telle sorte que l'égalité résulte de la parité des merveilles opérées. Adam perdit une de ses côtes et n'en fut pas amoindri; d'autre part, le Seigneur s'est formé dans le sein de la Vierge un temple animé et il n'a point détruit sa virginité. Adam demeura sain et sauf après l'enlèvement de sa côte; la Vierge n'a point été flétrie après la naissance de son fils. Le Seigneur […] naît d'une vierge et, en naissant, il garde le sein de sa mère immaculé, et cette vierge elle-même sans souillure, afin que les circonstances inusitées d'un pareil enfantement nous inspirent une foi plus grande. Donc, si le Gentil m'interroge ou si le juif m'interroge pour savoir si le Christ, étant Dieu par nature, s'est fait homme en dehors des lois de la nature, je répondrai qu'il en est ainsi, et j'en donnerai pour preuves les marques d'une virginité qui n'a point été violée. Car il n'y a qu'un Dieu qui puisse vaincre l'ordre de la nature, il n'y a que Celui qui a fait le sein de la femme et lui a donné sa virginité qui ait pu préparer pour lui-même ce mode immaculé de sa naissance et se construire, selon son désir, un temple bâti d'une manière ineffable.

 

• Dis-moi donc, ô juif, si la Vierge a enfanté ou non ? Si elle a enfanté, reconnais la merveille de cet enfantement. Mais si elle n'a point enfanté, pourquoi as-tu trompé Hérode ? C'est toi-même qui as répondu lorsqu'il demandait où devait naître le Christ : « A Bethléem, dans la terre de Juda » (Matth. II, 5.) Est-ce que je connaissais cette bourgade ou ce lieu ? Est-ce que j'étais informé de la dignité de Celui qui venait de naître ? Est-ce que ce n'est pas Isaïe qui fait mention de lui comme d'un Dieu ? « Elle enfantera un fils », dit-il, « et on l'appellera Emmanuel » (Isaïe, VII, 14.). N'est-ce pas vous, adversaires sans bonne foi, qui nous avez appris la vérité ? N'est-ce pas vous, scribes et pharisiens, observateurs exacts de la loi, qui nous avez instruits de toute cette affaire ? (Matth. I, 23.) Est-ce que nous connaissions la langue hébraïque ? Est-ce que vous n'avez pas été vous-mêmes les interprètes des Ecritures ? Après que la Vierge eut enfanté, avant qu'elle enfantât, n'est-ce pas vous qui, interrogés par Hérode, afin qu'il fût clair que ce passage n'est pas interprété avec partialité, avez apporté en témoignage le prophète Michée, à l'appui de votre discours ? « Et toi », dit-il, « Béthléem, maison de paix, tu n'es pas la dernière entre les principales villes de Juda; car c'est de toi que sortira le chef qui gouvernera mon peuple d'Israël » (Mich. V, 2; Matth. 2, 6.) Le prophète a dit avec raison : « De toi », car c'est de vous qu'il est sorti pour être donné au monde. Celui qui est se manifeste, mais celui qui n'est pas est créé ou formé. Mais lui, il était; il était auparavant; il était toujours. Il était de toute éternité comme Dieu, gouvernant le monde. Aujourd'hui, il se manifeste comme homme afin de gouverner son peuple, mais comme Dieu il sauve toute la terre. O ennemis utiles ! O accusateurs bienveillants ! Vous dont l'imprudence a révélé le Dieu né dans Béthléem, vous qui avez fait connaître le Seigneur caché dans la crèche, vous qui sans le vouloir avez montré la retraite dans laquelle il repose, vous qui devenus nos bienfaiteurs contre votre gré avez découvert ce que vous vouliez laisser dans l'ombre ! Voyez-vous ces maîtres inhabiles ? Ce qu'ils enseignent, ils l'ignorent: ils meurent de faim et ils nous nourrissent; ils ont soif et ils nous désaltèrent; ils sont dans l'indigence et ils nous enrichissent.

 

• Venez donc et célébrons cette fête; venez et que ce soit pour nous un jour de solennité. Que la manière de célébrer cette fête soit extraordinaire, puisque le récit de cette naissance est extraordinaire.  Aujourd'hui, le lien antique est brisé, le diable est couvert de confusion, les démons se sont enfuis, la mort est détruite, le paradis est ouvert, la malédiction est effacée, le péché a été banni, l'erreur a été vaincue, la vérité est revenue, et la parole de la piété est répandue et propagée en tous lieux. La vie du ciel est implantée sur la terre, les anges communiquent avec les hommes, les hommes ne craignent point de s'entretenir avec les anges. Et pourquoi ? Parce qu'un Dieu est venu sur la terre et l'homme dans le ciel, et qu'ainsi tout a été uni et mêlé. Il est venu sur la terre, lui qui est tout entier dans le ciel, et, étant tout entier dans le ciel, il est tout entier sur la terre. Etant Dieu, il s'est fait homme, sans renoncer à sa divinité. Etant le Verbe, non sujet au changement, il s'est fait chair : il s'est fait chair afin d'habiter parmi nous. Il n'est point devenu Dieu, mais il était Dieu. Mais il s'est fait chair, afin qu'une crèche pût recevoir Celui que le ciel ne pouvait contenir. Il est donc posé dans la crèche, afin que Celui qui nourrit toute créature reçoive d'une vierge mère la nourriture qui convient à un petit enfant. De la sorte, le Père des siècles à venir devient un enfant à la mamelle et repose sur les bras d'une vierge, afin d'offrir aux mages un accès plus facile. Car aujourd'hui les mages arrivent et donnent l'exemple de ne point obéir au tyran : le ciel se réjouit et indique le lieu où repose son Seigneur, et ce Seigneur porté sur le nuage léger du corps qu'il a choisi s'avance rapidement vers le pays d'Egypte. En apparence, il fuit les embûches d'Hérode ; dans la réalité, il accomplit ce qui avait été dit par le prophète Isaïe : « En ce jour-là », dit-il, « Israël sera le troisième, après l'Assyrien; parmi les Egyptiens sera mon peuple béni sur la terre que bénit le Seigneur Dieu des armées en disant : Béni sera mon peuple en Egypte, en Assyrie, et en Israël ! » (Isaïe, XIX, 24.)

 

• Que diras-tu, ô juif, toi, le premier, qui deviens le troisième ? Les Egyptiens et les Assyriens sont mis avant toi, et Israël, le premier-né, est compté ensuite. Il en est ainsi à bon droit. Les Assyriens viendront d'abord, puisque les premiers, ils ont adoré en la personne des mages. Les Egyptiens après les Assyriens, parce qu'ils l'ont reçu fuyant les embûches d'Hérode. Israël sera compté le dernier parce qu'après la sortie du Jourdain, il l'a reconnu par la personne des apôtres. Il est entré en Egypte renversant les idoles de l'Egypte faites de la main de l'homme, après avoir fait mourir les premiers-nés des Egyptiens. (Isaïe, XIX, 1.) C'est pourquoi aujourd'hui il se présente en qualité de premier-né, afin de faire disparaître un deuil ancien. Qu'il soit appelé premier-né, c'est ce qu'atteste Luc l'évangéliste, en disant : « Et elle mit au monde son premier-né, et elle l'enveloppa de langes, et elle le plaça dans la crèche parce qu'il n'y avait point de place pour eux dans l'hôtellerie. » (Luc, II, 7.) Il entre en Egypte pour mettre fin au deuil antique, apportant la joie et non des plaies nouvelles, et au lieu de la nuit et des ténèbres la lumière du salut. Jadis, l'eau du fleuve avait été souillée par la mort des enfants enlevés avant l'âge. Maintenant, celui-là même entre en Egypte qui, autrefois, avait rougi ces ondes; il donne à l'eau du fleuve la vertu d'engendrer le salut, purifiant par la puissance de l'Esprit tout ce qu'il y avait en elle d'impur et de souillé. Les Egyptiens, frappés de diverses plaies et se laissant aller à leur fureur, avaient méconnu Dieu. Il entre en Egypte et remplit de la connaissance de Dieu les âmes religieuses qui sont dans cette contrée, en sorte que la terre arrosée par le Nil aurait bientôt plus de martyrs que d'épis.

 

• A cause de la brièveté du temps, je terminerai ici mon discours. Je terminerai lorsque j'aurai dit comment le Verbe, qui est immuable, est devenu chair, sans changement de sa nature. Mais que dirai-je ou comment parlerai-je ? Je vois un artisan, une crèche, un enfant, des langes, enfant né de la Vierge privé des choses nécessaires, de toutes parts la pauvreté, de toutes parts l'indigence. Avez-vous vu le riche dans une pauvreté profonde ? Comment étant riche est-il devenu pauvre à cause de nous ? Comment n'a-t-il point un lit, point de molle toison, mais la crèche toute nue sur laquelle il est jeté ? O pauvreté, source de richesses ! 0 richesses sans mesure, qui n'avez que l'apparence de la pauvreté ! Il repose dans la crèche et il ébranle le monde entier. Il est enveloppé dans les liens de ses langes et il brise les liens du péché. Il n'a pas encore fait entendre sa voix et il a instruit les mages et il les a disposés à la conversion. Que dirai-je donc ou comment parlerai-je ? Voici l'enfant enveloppé de ses langes et couché dans la crèche ; Marie, vierge et mère est près de lui ; près de lui est Joseph, regardé comme son père. Celui-ci est appelé le mari, celle-là est saluée du nom de femme ; mais ces noms légitimes sont dépouillés de toute leur signification habituelle, ils doivent être compris comme une simple appellation, mais une appellation qui ne va point jusqu'à la nature des choses. Joseph est l'époux de Marie, mais l'Esprit-Saint l'a couverte de son ombre. Et c'est pour cela que Joseph hésite et ne sait quel nom donner à l'enfant. Il n'osait pas dire qu'il fût le fruit de l'adultère et ne pouvait proférer ce blasphème contre la Vierge, mais il ne pouvait pas dire qu'il fût son propre fils, car il savait qu'il ignorait comment et d'où l'enfant tirait son origine. C'est pour cela que, tandis qu'il doute, un oracle du ciel lui est apporté par la voix de l'ange : « Ne crains pas Joseph, car ce qui est né d'elle est de l'Esprit-Saint. » (Matth. I, 20.).

• L'Esprit-Saint a couvert la Vierge de son ombre. Pourquoi donc est-il né de la Vierge, en conservant sa virginité immaculée ? Afin que, si jadis Satan trompa Eve encore vierge, Gabriel, à son tour, vint apporter un heureux message à Marie, elle-même vierge. Mais Eve trompée enfanta une parole qui introduisit la mort dans le monde, tandis que Marie, recevant un heureux message, enfanta dans la chair le Verbe qui nous donne la vie éternelle. La parole d'Eve indiqua le bois par lequel Adam fut chassé du paradis; le Verbe sorti de la Vierge montre la croix par laquelle il introduit le larron à la place d'Adam dans le paradis. Car comme les gentils, les juifs et les hérétiques ne voulaient pas croire que Dieu engendre sans écoulement de sa substance, en demeurant immuable, c'est pourquoi aujourd'hui, sorti d'un corps sujet au changement, il a conservé, dans son intégrité, ce corps sujet au changement, pour nous faire comprendre que, de même qu'il est né d'une vierge sans briser sa virginité, ainsi Dieu, sans changement ni écoulement de sa substance sainte, comme Dieu, a engendré un Dieu, ainsi qu'il convenait à un Dieu. Et, parce que les hommes, ayant abandonné Dieu, se sont fait des statues de forme humaine auxquelles ils portaient leur culte, au mépris du Créateur; à cause de cela, aujourd'hui, le Verbe de Dieu, étant Dieu, apparaît sous la forme de l'homme, afin de détruire le mensonge et de transporter vers lui-même tout culte. A lui donc qui rétablit de la sorte toutes choses dans une voie meilleure, à Celui qui est le Christ Notre-Seigneur, gloire et honneur, ainsi qu'au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

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14 novembre 2009 6 14 /11 /novembre /2009 06:29

« Réveillons-nous, mes frères bien-aimés, et secouant le sommeil de notre ancienne paresse, efforçons-nous d’observer et d’accomplir les préceptes du Seigneur. Écoutez-le lui-même : « Ceignez vos reins, tenez dans vos mains des lampes allumées; soyez comme des serviteurs qui attendent leur maître à son retour des noces, prêts à lui ouvrir la porte dès qu’il frappera. Bienheureux les serviteurs que le maître trouvera éveillés » (Luc, XII). Soyons toujours prêts à partir, afin que lorsque l’heure sera venue, nous ne soyons retenus par aucun embarras. Que notre lampe, alimentée par les bonnes oeuvres, brille sans cesse, afin qu’elle nous conduise de la nuit de ce siècle à l’éternelle lumière. Tenons-nous sur nos gardes, en attendant la venue subite du Seigneur, afin que, lorsqu’il frappera à la porte, notre foi se présente pour recevoir la récompense promise à ceux qui veillent. Si nous observons fidèlement ces préceptes, si nous suivons cette ligne de conduite, malgré la ruse du démon, nous ne serons pas surpris pendant notre sommeil, mais, serviteurs vigilants, nous régnerons dans le Royaume du Christ ».

 

Extrait du « De ecclesiae catholicae unitate » (Saint Cyprien de Carthage)

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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 10:12

« Prions, mes frères bien-aimés, comme Dieu notre maître nous a appris à le faire. (…) Lorsque nous prions, que notre voix soit réglée par la décence et le respect. Souvenons-nous que nous sommes en présence de Dieu et que nous devons plaire à ses regards divins par l’attitude de notre corps et le calme de notre parole. L’insensé pousse de grands cris; l’homme respectueux prie avec modestie. Le Seigneur nous ordonne de prier en secret, dans des lieux solitaires et reculés, même dans nos chambres. C’est là ce qui convient le mieux à la foi. Nous savons, en effet, que Dieu est présent partout , qu’il voit et entend tous ses enfants, qu’il remplit de sa majesté les retraites les plus secrètes, selon cette parole : « Je suis avec vous, ne me cherchez pas au loin » (Jér., XXIII). « Quand l’homme se cacherait au centre de la terre, dit encore le Seigneur, est-ce que je ne le verrais pas ? Est-ce que je ne remplis pas et la terre et le ciel ? Et plus loin : Les yeux du Seigneur regardent partout les bons et les méchants » (Prov., XV.). Quand nous nous réunissons pour offrir avec le prêtre le divin sacrifice, prions avec recueillement. Gardons-nous bien de jeter à tous les vents des paroles sans suite et de formuler tumultueusement une demande dont la modestie doit faire tout le prix. Dieu n’écoute pas la voix, mais le cœur. Il n’est pas nécessaire de l’avertir par des cris, puisqu’il connaît les pensées des hommes. Nous en avons une preuve dans cette parole du Seigneur ! « Que pensez-vous de mauvais dans vos cœurs ? » (Luc, XV.). Et dans l’Apocalypse : « Toutes les Églises sauront que c’est moi qui sonde les cœurs et les reins » (Ap., II). Anne, dont nous trouvons l’histoire au premier livre des Rois, se soumit à cette règle, et en cela elle fut une figure de l’Eglise. Elle n’adressait pas au Seigneur des paroles bruyantes; mais, recueillie en elle-même, elle priait silencieusement et avec modestie. Sa prière était cachée, mais sa foi manifeste; elle parlait, non avec la voix, mais avec le cœur. Elle savait bien que Dieu entend des vœux ainsi formulés; aussi, grâce à la foi qui l’animait, elle obtint l’objet de sa demande. C’est ce que nous apprend l’Écriture : « Elle parlait dans son cœur et ses lèvres remuaient; mais sa voix n’était pas entendue; et le Seigneur l’exauça » (I Reg., I). Nous lisons de même dans les psaumes : « Priez du fond du cœur, priez sur votre couche et livrez, votre âme à la componction » (Ps., IV.). L’Esprit-Saint nous donne le même précepte par la bouche de Jérémie : « C’est par la pensée que vous devez adorer le Seigneur ». Lorsque vous remplissez le devoir de la prière, mes frères bien-aimés, n’oubliez pas la conduite du Pharisien et du Publicain dans le temple. Le Publicain n’élevait pas insolemment ses regards vers le ciel, il n’agitait pas ses mains hardies; mais frappant sa poitrine, et, par cet acte, se reconnaissant pécheur, il implorait le secours de la miséricorde divine. Le Pharisien, au contraire, s’applaudissait lui-même. Aussi le Publicain fut justifié et non pas l’autre. Il fut justifié à cause de sa prière, car il ne plaçait pas l’espoir de son salut dans une confiance aveugle en son innocence, attendu que personne n’est innocent; mais il confessait humblement ses péchés, et Dieu qui pardonne toujours aux humbles, entendit sa voix (...).

 

Nous venons de voir, mes frères bien-aimés, d’après les saints livres, quelle doit être notre attitude dans la prière. Voyons maintenant ce que nous devons demander. « Vous prierez ainsi, nous dit Jésus-Christ: Notre père qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié. Que votre règne arrive. Que votre volonté soit faite sur la terre comme dans le ciel. Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Pardonnez-nous nos, offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Ne souffrez pas que nous soyons induits en tentation; mais délivrez-nous du mal; ainsi soit-il » (Matth., VI). Avant toutes choses, le Dieu qui nous a si fortement recommandé la paix et l’unité n’a pas voulu que nos prières eussent un caractère personnel et égoïste; il n’a pas voulu, quand nous prions, que nous ne pensions qu’à nous-même. Nous ne disons pas : mon Père qui es dans les cieux, donne-moi aujourd’hui le pain dont j’ai besoin. Nous ne demandons pas seulement pour nous-mêmes le pardon de nos fautes, l’exemption de toute tentation et la délivrance du mal. Notre prière est publique et commune, et quand nous prions, nous ne pensons pas seulement à nous, mais à tout le peuple; car tout le peuple chrétien ne forme qu’un seul corps. Le Dieu qui nous a enseigné la paix la concorde et l’unité veut que notre prière embrasse tous nos frères, comme il nous a tous portés lui-même dans sou sein paternel. Ainsi prièrent les trois enfants dans la fournaise leurs voix étaient unies comme leurs cœurs. C’est ce que nous enseigne l’Écriture, en les proposant à notre imitation : « Les trois enfants, dit-elle, comme d’une seule bouche, chantaient un hymne au Seigneur et le bénissaient » (Dan., III). Et pourtant le Verbe fait homme ne leur avait pas appris à prier. Est-il donc étonnant qu’il ait exaucé leur demande, lui qui prête toujours l’oreille à la prière de l’homme simple et pacifique ? Nous voyons les apôtres et les disciples prier de la même manière, après l’ascension de Jésus-Christ. Tous, dit l’Écriture, unis par un même sentiment, persévéraient dans la prière avec les saintes femmes, avec Marie, mère de Jésus, et ses proches parents (Act., I). Nous voyons, par cette union, combien leur prière était sincère, persévérante et efficace. Dieu qui réunit dans la même maison les frères dont les sentiments sont unanimes, n’ouvre les portes de la demeure éternelle qu’à ceux dont les coeurs s’unissent dans la prière ».

 

De l’Oraison Dominicale, par Saint Cyprien de Carthage

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28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 12:55

« [...] Pour vous, mes frères bien-aimés, qui conservez la crainte de Dieu, vous dont la conscience coupable ne perd pas le souvenir de son état, reconnaissez vos péchés avec douleur, repassez-les dans l’amertume de votre âme, ouvrez les yeux du cœur pour en comprendre toute la gravité et, pleins d’espoir dans la Miséricorde du Seigneur, gardez-vous bien de vous attribuer un pardon trop facile. Si Dieu a tout l’amour, toute la bonté, toute l’indulgence d’un Père, il a aussi la sévère majesté d’un Juge. Que nos larmes soient en rapport avec la grandeur de nos fautes. Si la plaie est profonde, appliquons un remède, énergique; que la pénitence ne soit pas inférieure au péché. Vous avez renié votre Dieu, vous lui avez préféré votre patrimoine, vous avez violé son temple par un sacrilège, et vous croyez pouvoir l’apaiser facilement ? Vous avez dit qu’il n’était pas votre Dieu, et vous croyez avoir sur-le-champ des droits à Sa Miséricorde ? Priez, prolongez vos supplications; passez les jours dans les larmes, les nuits dans les veilles, étendus sur le cilice; n’interrompez pas vos gémissements; roulez-vous dans la cendre et dans la poussière [...]. Multipliez donc vos bonnes œuvres; employez tous vos revenus à la guérison de vos blessures; remettez toute votre fortune entre les mains de ce Dieu qui doit vous juger.

 

C’est ainsi qu’agissaient les premiers chrétiens. Leur foi était active et généreuse. Ils confiaient tout leur bien aux apôtres pour les distribuer en aumônes; et pourtant ils n’avaient pas à racheter les fautes sur lesquelles vous gémissez. Si vous priez, si vous avez recours aux larmes et aux gémissements de la pénitence, si vous fléchissez, par vos œuvres, la Justice Divine, le Seigneur vous fera Miséricorde. Il vous a dit Lui-même : "Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive". "Revenez au Seigneur votre Dieu, dit-il encore, car il est bon, miséricordieux, patient, prêt à pardonner toutes nos iniquités". Il peut faire grâce au coupable et révoquer ses arrêts; il peut pardonner au pénitent qui multiplie ses bonnes oeuvres et ses prières; il peut avoir égard à ce que demandent les martyrs et à ce que font les prêtres. Si quelqu’un le touche davantage par ses oeuvres satisfactoires, s’il apaise son indignation par l’ardeur de ses prières, il lui donnera des armes nouvelles; jusque dans sa défaite, il lui enverra de nouveaux secours pour renouveler et fortifier sa foi. Alors le soldat retournera au combat, il rentrera dans la mêlée, il provoquera l’ennemi et le regret d’avoir été vaincu doublera ses forces. Celui qui satisfera ainsi au Seigneur et qui, animé par la honte et le repentir, tirera de sa chute, avec l’aide de Dieu, une augmentation de courage et de foi, celui-là réjouira l’Église qu’il avait attristée, et obtiendra, avec son pardon, la couronne de vie » [...].

 

Saint Cyprien de Carthage, Père de l'Eglise - Des Tombés

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28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 08:46

Visitation copy« Et Marie se levant en ces jours-là partit en hâte pour la montagne, pour la cité de Juda, entra dans la demeure de Zacharie et salua Elisabeth. » II est normal que tous ceux qui veulent être crus fournissent les raisons de croire. Aussi l'ange qui annonçait les mystères, pour l'amener à croire par un précédent, a-t-il annoncé à Marie, une vierge, la maternité d'une femme âgée et stérile, montrant ainsi que Dieu peut tout ce qui lui plaît. Dès qu'elle l'eut appris, Marie, non par manque de foi en la prophétie, non par incertitude de cette annonce, non par doute sur le précédent fourni, mais dans l'allégresse de son désir, pour remplir un pieux devoir, dans l'empressement de la joie, se dirigea vers les montagnes. Désormais remplie de Dieu, pouvait-elle ne pas s'élever en hâte vers les hauteurs ? Les lents calculs sont étrangers à la grâce de l'Esprit Saint. Apprenez aussi, femmes pieuses, quel empressement vous devez témoigner à vos parentes près d'être mères. Marie jusque-là vivait seule dans la retraite la plus stricte ; elle n'a été retenue ni de paraître en public par la pudeur virginale, ni de son dessein par les escarpements des montagnes, ni du service à rendre par la longueur du chemin. Vers les hauteurs, la Vierge se hâte, la Vierge qui pense à servir et oublie sa peine, dont la charité fait la force et non le sexe ; elle quitte sa maison et va. Apprenez, vierges, à ne pas courir les maisons des autres, à ne pas traîner sur les places, à ne pas engager de conversations sur la voie publique. Marie s'attarde à la maison, se hâte sur le chemin. Elle demeura chez sa cousine trois mois; car, étant venue pour rendre service, elle avait ce service à coeur ; elle demeura trois mois, non pour le plaisir d'être dans une demeure étrangère, mais parce qu'il lui déplaisait de se montrer souvent au-dehors.
Vous avez appris, vierges, la délicatesse de Marie ; apprenez son humilité. Elle vient comme une parente à sa parente, comme une cadette à son aînée ; et non seulement elle vient, mais encore elle est la première à saluer ; il convient en effet que plus chaste est une vierge, plus humble elle soit ; qu'elle sache honorer ses aînées, qu'elle soit maîtresse d'humilité, celle qui fait profession de chasteté.
Il y a là encore un motif de piété, il y a même un enseignement doctrinal : il faut remarquer en effet que le supérieur vient à l'inférieur pour aider l'inférieur : Marie à Elisabeth, le Christ à Jean ; aussi bien, plus tard, pour consacrer le baptême de Jean, le Seigneur est venu à ce baptême (Matth., III, 13).


Et tout de suite se manifestent les bienfaits de l'arrivée de Marie et de la présence du Seigneur : car « au moment où Elisabeth entendit le salut de Marie, l'enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie de l'Esprit Saint ». Remarquez le choix et la précision de chaque mot. Elisabeth a la première entendu la voix, mais Jean a le premier ressenti la grâce : celle-là suivant l'ordre de la nature a entendu, celui-ci a tressailli sous l'effet du mystère ; elle a perçu l'arrivée de Marie, lui celle du Seigneur : la femme celle de la femme, l'enfant celle de l'enfant. Elles parlent grâce ; eux la réalisent au-dedans et abordent le mystère de la miséricorde au profit de leurs mères ; et, par un double miracle, les mères prophétisent sous l'inspiration de leurs enfants. L'enfant a tressailli, la mère a été comblée ; la mère n'a pas été comblée avant son fils, mais le fils, une fois rempli de l'Esprit Saint, en a aussi rempli sa mère.
Jean a tressailli, l'esprit de Marie a également tressailli. Au tressaillement de Jean, Elisabeth est comblée ; pour Marie, nous n'apprenons pas qu'elle fut (alors) remplie de l'Esprit, mais que son esprit tressaille : car Celui qu'on ne peut comprendre agissait en sa Mère d'une manière non compréhensible. Enfin celle-là est comblée après avoir conçu, celle-ci avant de concevoir. « Bénie êtes-vous parmi les femmes, et béni le fruit de votre sein ! Et comment m'est-il donné que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? » L'Esprit Saint connaît sa parole ; II ne l'oublie jamais, et la prophétie se réalise non seulement dans les faits miraculeux, mais en toute rigueur et propriété de termes. Quel est ce fruit du sein, sinon Celui de qui il fut dit : « Voici que le Seigneur donne pour héritage les enfants, récompense du fruit du sein » (Ps. 126,3) ? Autrement dit : l'héritage du Seigneur, ce sont les enfants, prix de ce fruit qui est issu du sein de Marie. C'est Lui le fruit du sein, la fleur de la tige, dont Isaïe prophétisait bien : « Une tige, disait-il, va s'élever de la souche de Jessé, et une fleur jaillir de cette tige » (Is., XI, 1) : la souche, c'est la race des Juifs, la tige Marie, la fleur de Marie le Christ, qui, comme le fruit d'un bon arbre, selon nos progrès dans la vertu, maintenant fleurit, maintenant fructifie en nous, maintenant renaît par la résurrection qui rend la vie à son corps. « Et comment m'est-il donné que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? » Ce n'est point l'ignorance qui la fait parler — elle sait bien qu'il y a grâce et opération du Saint-Esprit à ce que la mère du prophète soit saluée par la Mère du Seigneur pour le profit de son enfant — mais elle reconnaît que c'est le résultat non d'un mérite humain mais de la grâce divine ; aussi dit-elle : « Comment m'est-il donné », c'est-à-dire : quel bonheur m'arrive, que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ! Je reconnais n'y être pour rien. Comment m'est-il donné ? par quelle justice, quelles actions, pour quels mérites ? Ce ne sont pas là démarches accoutumées entre femmes « que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ». Je pressens le miracle, je reconnais le mystère : la Mère du Seigneur est féconde du Verbe, pleine de Dieu.

 

« Car voici qu'au moment où votre salut s'est fait entendre à mes oreilles, l'enfant a tressailli de joie dans mon sein. Et bienheureuse êtes-vous d'avoir cru ! » Vous voyez que Marie n'a pas douté, mais cru, et par là obtenu le fruit de la foi. « Bienheureuse, dit-elle, qui avez cru ! ». Mais vous aussi bienheureux, qui avez entendu et cru ! car toute âme qui croit, conçoit et engendre la parole de Dieu et reconnaît ses oeuvres. Qu'en tous réside l'âme de Marie pour glorifier le Seigneur ; qu'en tous réside l'esprit de Marie pour exulter en Dieu. S'il n'y a corporellement qu'une Mère du Christ, par la foi le Christ est le fruit de tous : car toute âme reçoit le Verbe de Dieu, à condition que, sans tache, préservée des vices, elle garde la chasteté dans une pureté sans atteinte. Toute âme donc qui parvient à cet état magnifie le Seigneur, comme l'âme de Marie a magnifié le Seigneur et comme son esprit a tressailli dans le Dieu Sauveur. Le Seigneur est en effet magnifié, ainsi que vous l'avez lu ailleurs : « Magnifiez le Seigneur avec moi » (Ps. 33, 4) : non que la parole humaine puisse ajouter quelque chose au Seigneur, mais parce qu'il grandit en nous ; car « le Christ est l'image de Dieu » (II Cor., IV, 4; Coloss., I, 15) et, dès lors, l'âme qui fait oeuvre juste et religieuse magnifie cette image de Dieu, à la ressemblance de qui elle a été créée ; dès lors aussi, en la magnifiant, elle participe en quelque sorte à sa grandeur et s'en trouve élevée : elle semble reproduire en elle cette image par les brillantes couleurs de ses bonnes oeuvres, et comme la copier par la vertu.
Or l'âme de Marie magnifie le Seigneur et son esprit tressaille en Dieu parce que, vouée âme et esprit au Père et au Fils, elle vénère avec un pieux amour le Dieu unique, d'où viennent toutes choses, et l'unique Seigneur, par qui sont toutes choses (cf. I. Cor., VIII, 6). Suit la prophétie de Marie, dont la plénitude répond à l'excellence de sa personne. Et il n'est pas sans intérêt, semble-t-il, qu'Elisabeth prophétise avant la naissance de Jean, Marie avant celle du Seigneur. Déjà se dessine et s'ébauche le salut des hommes ; car le péché ayant commencé par les femmes, le bien, aussi, débute par des femmes, afin que les femmes, délaissant à leur tour les mœurs efféminées, renoncent à leur faiblesse, et que l'âme, qui n'a pas de sexe, telle Marie, ignorant l'erreur, s'applique religieusement à imiter sa chasteté. « Marie demeura chez elle trois mois et s'en revint dans sa maison. » II est bien qu'on nous montre Marie rendant service et fidèle à un nombre mystique : car la parenté n'est pas la seule cause de ce long séjour, mais aussi le profit d'un si grand prophète. En effet, si la première entrée a procuré un tel résultat qu'au salut de Marie l'enfant ait tressailli dans le sein, que l'Esprit Saint ait rempli la mère de l'enfant, quels accroissements pouvons-nous croire qu'en un tel espace de temps, la présence de sainte Marie lui ait valus ! « Marie demeura chez elle trois mois. » Ainsi le prophète recevait l'onction et, tel un bon athlète, était exercé dès le sein maternel : car c'est en vue d'un grandiose combat que se préparait sa force. 
Enfin Marie est demeurée jusqu'à ce que fût accompli pour Elisabeth le temps de l'enfantement. Or, si vous y prenez bien garde, vous trouverez qu'on n'a jamais noté cela que pour la naissance des justes ; car enfin « les jours furent accomplis pour l'enfantement » de Marie, « le temps fut accompli » pour l'enfantement d'Elisabeth, le temps de la vie s'est accompli quand les saints ont quitté la carrière de cette vie. La plénitude est pour la vie du juste, le vide pour les jours des impies ».

 

Commentaire intégral de Saint Ambroise de Milan, Docteur de l’Eglise

Traité sur l’Evangile de Saint Luc (pour le chapitre 1, versets 39-56)

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16 octobre 2009 5 16 /10 /octobre /2009 18:06

ANALYSE : Dans cette homélie exceptionnelle, Saint Jean Chrysostome établit la nécessité des bonnes œuvres, et réfute les objections de ceux qui les regardaient comme extrêmement difficiles dans les embarras du monde. Il s'élève avec force contre ceux qui, après avoir promis un moment auparavant de tenir leur cœur élevé à Dieu, se rendraient coupables à l'heure même, en employant à de vains discours le temps du sacrifice terrible. Ensuite, il les conjure de ne point s'absenter de l'église les jours de sacrifice et de ne point s'amuser à discourir pendant qu'il est offert, mais d'y assister avec une sainte frayeur, les yeux baissés, l'esprit élevé vers le Seigneur, après s'être dépouillés en entrant de toute inimitié, persuadés que nous serons mesurés à la même mesure que nous aurons mesuré les autres. En conclusion, il nous fait souvenir de l'heure à laquelle ce monde finira et, après un tableau saisissant du néant de toutes choses ici-bas, il ajoute qu'après cette vie il n'y aura plus lieu de mériter ni de faire pénitence.

 

 

 

 

« De même que celui qui sème perd son temps s'il répand sa semence le long du chemin, ainsi ne nous servira-t-il de rien d'être appelés chrétiens si nos œuvres ne répondent pas au nom que nous portons. En voulez-vous la preuve ? Ecoutez un témoin digne de foi, saint Jacques, le frère de Notre-Seigneur, qui vous crie : La foi sans les œuvres est morte (Jacques II, 17). Donc la pratique des œuvres est partout nécessaire : sans elle le nom de chrétiens ne pourra nous être utile. Et n'en soyez pas surpris; car dites-moi ce que gagne un soldat à figurer dans une armée, s'il ne se montre digne du service militaire en combattant pour le roi qui le nourrit ? Peut-être même, — car ce que je vais dire est terrible, — eût il mieux valu pour lui n'être pas sous les armes, que de négliger l'honneur de son roi; comment, en effet, pourra-t-il échapper au châtiment, lui qui nourri par le roi, ne combat pas pour lui ? Et que parlé je de négliger le service d'un roi ? il s'agit de bien plus, il s'agit de nos âmes elles-mêmes dont nous négligeons les intérêts. Mais il est impossible, dit-on, de se sauver en vivant au milieu du monde et de ses embarras. Comment cela, mes frères ? Si vous le voulez bien, je vais montrer en peu de mots que ce n'est pas le lieu qui sauve, mais bien la conduite et la volonté. Adam, dans le Paradis terrestre, comme dans un port, a fait naufrage; Loth, à Sodome, comme en pleine mer, a été sauvé (Gen. XIII et XIX) ; Job, sur son fumier, fut justifié, tandis que Saül, au sein de l'opulence, perdit les biens de la vie présente et ceux de la vie future. C'est donc une vaine excuse de dire : Je ne puis vivre dans le monde, au milieu des affaires, et me sauver. Mais d'où vient la difficulté ? De ce que vous n'assistez pas assidûment soit aux prières publiques, soit aux assemblées saintes. Voyez ceux qui briguent quelque dignité auprès d'un roi de la terre ! comme ils sont empressés, comme ils stimulent leurs protecteurs pour obtenir ce qu'ils recherchent ! Je dirai donc à ceux qui abandonnent les divines assemblées ou qui pendant la cène redoutable et mystique s'amusent à de vaines conversations : Que faites-vous, chrétiens ? Où sont vos promesses au prêtre qui vous a crié : « En haut vos esprits et vos cœurs ! » et à qui vous avez répondu : « Nous les tenons élevés vers le Seigneur ? ». Et vous n'êtes pas tremblants et confus d'être convaincus de mensonge à cet instant redoutable ? O prodige ! La table mystique est préparée, l'Agneau de Dieu s'immole pour vous, le prêtre plaide votre cause, la flamme sacrée jaillit de la table sainte, les chérubins sont présents, les séraphins accourent, et les esprits aux six ailes se couvrent la face : toutes les puissances incorporelles intercèdent pour vous avec le prêtre, le feu divin est descendu du ciel, le sang a coulé du côté de l'Agneau sans tache pour vous purifier, et, encore une fois, vous ne tremblez pas, vous ne rougissez pas d'être convaincus de mensonge à cette heure terrible. Il y a cent soixante-huit heures dans la semaine, le Seigneur s'en est réservé une, une seule, et vous l'employez à des œuvres séculières et ridicules, à de vaines causeries ! Avec quel confiance pouvez-vous approcher des saints mystères, la conscience ainsi souillée, vous qui n'oseriez toucher avec des mains salies le bas de la robe d'un prince ? Gardez-vous bien de croire que ce que vous mangez soit du pain ou que ce que vous buvez soit du vin. Ces aliments ne sont pas sujets aux mêmes vicissitudes que les autres. Comme le feu pénètre la cire, sans rien perdre de sa substance, sans y ajouter rien : ainsi, quand vous communiez, les saints mystères passent tout entiers dans la substance du corps. Aussi, lorsque vous approchez, ne croyez pas recevoir le corps divin de la main d'un homme, mais représentez-vous les séraphins eux-mêmes avec une tenaille, vous offrant le feu pris sur l'autel du ciel, selon la vision d'Isaïe (VI, 6) ; et lorsque vous participez au sang du salut, que ce soit comme si vous appliquiez vos lèvres au côté divin de l'Agneau sans tache. C'est pourquoi, mes frères, fréquentons les églises et à l'avenir ne nous y livrons plus à des entretiens frivoles. Soyons-y craintifs et tremblants, les yeux baissés, l'esprit élevé, la tristesse sur le visage, la joie dans le cœur. N'avez-vous pas remarqué ceux qui entourent ici-bas un prince visible, sujet à la corruption et à la mort ? Comme ils sont immobiles, calmes, silencieux ; ils ne regardent pas autour d'eux, mais vous les voyez toujours sérieux, humbles, craintifs ! Prenez exemple sur eux, Chrétiens, et tenez-vous en la présence de Dieu comme si vous étiez en face d'un roi de la terre : il y a bien plus lieu de trembler quand on est devant le Roi du Ciel. Je ne cesserai de vous faire ces recommandations que quand je vous verrai corrigés. Entrons dans l'église et approchons-nous de Dieu avec les dispositions convenables. Chassons de notre cœur tout ressentiment, de peur qu'en priant nous ne nous condamnions en disant : Pardonnez-nous comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. (Matth. VI, 12.)

 

C'est une parole terrible que celle-là, et celui qui la prononce crie en quelque sorte à Dieu : j'ai pardonné, Seigneur, pardonnez-moi; j'ai remis, remettez-moi: j'ai fait grâce, faites-moi grâce; si je n'ai pas pardonné, ne me pardonnez pas; si je n'ai pas remis à mon prochain sa dette, ne me remettez pas mes péchés; servez-vous envers moi de la mesure dont je me sers envers les autres. Que ces réflexions, jointes à la pensée du jour terrible du jugement, du feu de l'enfer et de ses horribles tourments, nous fassent quitter désormais la voie dans laquelle nous avons erré. Viendra l'heure en effet, où la scène de ce monde disparaîtra, et il n'y aura plus de prix à disputer; après cette vie on ne trouvera plus d'autre théâtre pour s'exercer, il ne sera plus temps de mériter des couronnes. Voici le temps de la pénitence, alors ce sera celui du jugement; ici les combats, là les couronnes; maintenant le travail, ailleurs le repos; aujourd'hui les peines, plus tard les récompenses. Réveillez-vous, je vous en conjure, réveillez-vous, et écoutons avec empressement ce qu'on nous dit. Nous avons vécu de la vie de la chair, vivons désormais de celle de l'esprit; nous avons vécu dans les plaisirs, vivons maintenant dans les vertus ; nous avons vécu dans la négligence, vivons à tout jamais dans la pénitence. De quoi s'enorgueillissent la terre et la poussière ? (Eccli. X, 9.) Pourquoi t'élever ainsi, ô homme ? Pourquoi cette arrogance, ces espérances dans la gloire et les richesses du monde ? Transportons-nous ensemble auprès des tombeaux; contemplons les mystères de la mort : voyons la nature en lambeaux, des os en poussière, des corps en putréfaction. Si tu es sage, examine, et dis-moi, si tu peux, où est ici le roi, où le sujet ? où le noble, où l'esclave ? où le sage, où l'insensé ? Beauté de la jeunesse, gracieux aspect, regards étincelants, nez si bien formé, lèvres vermeilles, joues si fraîches, front si brillant, je vous cherche en vain ! Je ne vois que cendre, que poussière; je ne trouve que vers, exhalaisons fétides, pourriture... ! Méditons sur toutes ces choses, mes frères; pensons à notre dernière heure, et pendant qu'il en est temps encore, quittons la voie où nous avons erré. Nous avons été rachetés au prix d'un sang précieux. (I Pierre, I, 19.) C'est pour cela que Dieu a paru sur la terre. C'est pour toi, ô homme ! qu'il y est venu, n'ayant pas même où reposer sa tête. (Luc, IX, 58.) O prodige ! Le juge est conduit au tribunal à cause des coupables, la vie se soumet à la mort, le créateur est souffleté par la créature, celui que les séraphins ne peuvent contempler est conspué par l'esclave; il est abreuvé de vinaigre et de fiel, il est percé d'une lance, il est déposé dans un sépulcre : et vous ne songez même pas à ces merveilles, vous les oubliez, vous les méprisez ! Ne savez-vous donc pas que quand même vous répandriez pour Dieu votre propre sang, vous n'auriez pas encore fait assez, car, autre est le sang du Maître, autre celui de l'esclave. Prévenez par la pénitence et par une conversion sincère le départ de votre âme, de peur que la mort ne vous surprenne et ne rende inutile pour vous le remède de la pénitence; parce que sur la terre seulement la pénitence a de la vertu ; dans l'enfer elle n'a plus d'effet. Cherchons le Seigneur tandis qu'il en est temps encore ; faisons le bien, afin d'être délivrés des peines éternelles, et mis en possession du bonheur des cieux, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui gloire et empire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ! ».

 

 

Saint Jean Chrysostome, neuvième homélie sur la pénitence

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