18 juin 2015 4 18 /06 /juin /2015 22:02

« Qu’elle soit louée, cette grande Mère, aux genoux de qui nous avons en effet tout appris, et nous continuons chaque jour à tout apprendre ! Mère chaste, elle nous infuse et nous conserve une foi toujours intègre, qu’aucune décadence humaine, aucun affaissement spirituel, si profond qu’il soit, jamais n’atteint. Mère féconde, elle ne cesse de nous donner de nouveaux frères. Mère universelle, elle a soin également de tous, des petits comme des grands, des ignorants et des savants, de l’humble peuple des paroisses comme du troupeau choisi des âmes consacrées. Mère vénérable, elle nous assure l’héritage des siècles et tire pour nous de son trésor les choses anciennes et les nouvelles. Mère patiente, elle recommence toujours, sans se lasser, son œuvre de lente éducation et reprend, un à un, les fils de l’unité que ses enfants déchirent toujours. Mère attentive, elle nous protège contre l’Ennemi, qui rôde autour de nous cherchant sa proie. Mère aimante, elle ne nous replie pas sur elle mais nous lance à la rencontre du Dieu qui est tout Amour. Mère ardente, elle met au cœur de ses meilleurs enfants un zèle toujours attentif et les envoie partout en messagers de Jésus-Christ. Mère sage, elle nous évite les excès sectaires, les enthousiasmes trompeurs suivis de revirements ; elle nous apprend à aimer tout ce qui est bon, tout ce qui est vrai, tout ce qui est juste, à ne rien rejeter qui n’ait été éprouvé. Mère douloureuse, au cœur percé du glaive, elle revit d’âge en âge la Passion de Son Epoux. Mère forte, elle nous exhorte à combattre et à témoigner pour le Christ…

 
…Mère sainte, mère unique, mère immaculée ! O grande mère ! Sainte Église, Eve véritable, seule vraie Mère des Vivants ! ».
 
 
Méditation sur l'Église, Cardinal de LUBAC +
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5 juin 2015 5 05 /06 /juin /2015 06:26

« Non, ce n'est pas le diplôme qui fait le prêtre, c'est le sacrement, c'est au nom du sacrement qu'il enseigne... La grande entreprise divine ne saurait être très compromise par la médiocrité de ses instruments... Le pharisaïsme est une suppuration sans fièvre, un abcès froid, indolore. Il y a dans le pharisaïsme une malfaisance particulière qui exerce très cruellement la patience des saints, alors qu'elle ne fait le plus souvent qu'aigrir ou révolter de pauvres chrétiens dans mon genre. Je me méfie de mon imagination, de ma révolte, l'indignation n'a jamais racheté personne, mais elle a probablement perdu beaucoup d'âmes, et toutes les bacchanales simoniaques de la Rome du XVIème siècle n'auraient pas été de grands profit pour le diable si elles n'avaient réussi ce coup unique de jeter Luther dans le désespoir, et avec ce moine indomptable, les deux tiers de la douloureuse chrétienté. Luther et les siens ont désespéré de l'Église, et qui désespère de l'Église, c'est curieux, risque tôt ou tard de désespérer de l'homme. A ce point de vue, le protestantisme m'apparaît comme un compromis avec le désespoir... Les gens d'Église auraient volontiers toléré qu'il joignît sa voix à tant d'autres voix plus illustres ou plus saintes qui ne cessaient de dénoncer ces désordres. Le malheur de Martin Luther fut de prétendre réformer... C'est, par exemple, un fait d'expérience qu'on ne réforme rien dans l'Église par les moyens ordinaires. Qui prétend réformer l'Église par ces moyens, par les mêmes moyens qu'on réforme une société temporelle, non seulement échoue dans son entreprise, mais finit infailliblement par se trouver hors de l'Église... avant que personne ait pris la peine de l'en exclure... Il en devient l'ennemi presque à son insu, et s'il tente de revenir en arrière, chaque pas l'en écarte davantage, il semble que sa bonne volonté elle-même soit maudite. C'est là, je le répète, un fait d'expérience, que chacun peut vérifier s'il prend la peine d'étudier la vie des hérésiarques, grands ou petits. On ne réforme l'Église qu'en souffrant pour elle, on ne réforme l'Église visible qu'en souffrant pour l'Église invisible. On ne réforme les vices de l'Église qu'en prodiguant l'exemple de ses vertus les plus héroïques. Il est possible que saint François d'Assise n'ait pas été moins révolté que Luther par la débauche et la simonie des prélats. Il est même certain qu'il en a plus cruellement souffert, car sa nature était bien différente de celle du moine de Weimar. Mais il n'a pas défié l'iniquité... il s'est jeté dans la pauvreté... Au lieu d'essayer d'arracher à l'Église les biens mal acquis, il l'a comblée de trésors invisibles, et sous la douce main de ce mendiant le tas d'or et de luxure s'est mis à fleurir comme une haie d'avril... L'Église n'a pas besoin de critiques, mais d'artistes… L'Eglise n'a pas besoin de réformateurs, mais de saints.

 

(…) Dès le commencement, mon Église a été ce qu'elle est encore (c'est sans doute le Seigneur qui est supposé parler), ce qu'elle sera jusqu'au dernier jour, le scandale des esprits forts, la déception des esprits faibles, l'épreuve et la consolation des âmes intérieures, qui n'y cherchent que moi. Oui, frère Martin, qui m'y cherche m'y trouve, mais il faut m'y trouver, et j'y suis mieux caché qu'on le pense, ou que certains de mes prêtres prétendent vous le faire croire - plus difficile encore à découvrir que dans la petite étable de Bethléem, pour ceux qui ne vont pas humblement vers moi, derrière les Mages et les Bergers... ».

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13 avril 2010 2 13 /04 /avril /2010 08:45

 

veritecatholique

 

« Je reste dans l’Eglise parce que je crois qu’aujourd’hui comme hier, derrière NOTRE Eglise, vit, intangible, SON Eglise, parce que je crois que je ne puis être avec Lui qu’en étant avec et dans Son Eglise. Je suis dans l’Eglise parce qu’en dépit de tout, je crois qu’elle n’est pas essentiellement NOTRE Eglise mais SON Eglise. Concrètement : c’est l’Eglise qui, bien qu’assujettie aux infirmités humaines, nous donne Jésus-Christ et ce n’est qu’à travers elle que nous pouvons l’accueillir comme une réalité vivante et puissante, qui nous interpelle et nous comble hic et nunc. Comme l’écriait Henri de Lubac : "Savent-ils ceux-là qui acceptent encore Jésus, tout en rejetant l’Eglise, que c’est à elle en définitive qu’ils le doivent : Jésus est pour nous vivant, mais sous quels sables mouvants seraient enfouis, non pas tant son nom et sa mémoire, mais sa vivante influence, l’effet de l’Evangile et la foi en sa personne divine, sans la continuité visible de l’Eglise ? Sans l’Eglise, le Christ se volatiliserait, s’effacerait, s’éteindrait. Et que serait l’Eglise si on lui avait pris le Christ ?". Cette constatation élémentaire ne doit pas nous quitter : quelle que soit la somme d’infidélités que l’Eglise contienne et puisse contenir, de même qu’il est vrai qu’elle doit constamment s’étalonner au Christ, de même qu’il n’y a pas d’antinomie entre l’Eglise et le Christ, c’est par l’Eglise, qu’au-delà de la distance de l’histoire, il demeure vivant, il nous parle, il est auprès de nous, en tant que maître et Seigneur. Et pendant que l’Eglise, et elle seule, nous donne Jésus-Christ, et assure sa présence vivante au monde, qu’elle ne cesse de l’enfanter dans la foi et la prière des hommes, elle donne à l’humanité une lumière, un garant, une norme, sans lesquels elle ne serait plus concevable. Quiconque veut la présence de Jésus-Christ dans l’humanité ne peut la trouver contre l’Eglise, mais seulement en elle. La foi est ecclésiale ou elle n’est pas ».

 
Son Eminence le Cardinal Joseph Ratzinger +
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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 19:57

Le titre et les premières lignes de la constitution dogmatique conciliaire Lumen Gentium, consacrée à l’Église sont comme suit : « Le Christ est la lumière des peuples; réuni dans l’Esprit Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne nouvelle de l’Évangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église ». Dans l’incipit de son document le plus important, le dernier Concile reconnaît donc que ce qui constitue la source de l’Église n’est pas l’Église elle-même mais la présence vivante du Christ qui édifie personnellement l’Église. La lumière qu’est le Christ se reflète dans l’Église comme dans un miroir. La conscience de cette donnée élémentaire (l’Église est le reflet dans le monde de la présence et de l’action du Christ) éclaire tout ce que le dernier Concile a dit sur l’Église. Le théologien belge Gérard Philips, qui fut le principal rédacteur de la constitution "Lumen Gentium", mit justement en évidence cette donnée dans son monumental commentaire du texte conciliaire. Selon lui, « la constitution sur l’Église adopte dès le départ la perspective christocentrique, perspective qui s’affirmera fortement au cours de toute l’exposition. L’Église en est profondément convaincue : la lumière des peuples rayonne non à partir de l’Église mais de son divin Fondateur ; et pourtant l’Église sait bien que, se reflétant sur son visage, ce rayonnement atteint l’humanité entière ». Une perspective reprise jusque dans les dernières lignes du même commentaire dans lesquelles Philips répète que « ce n’est pas à nous de prophétiser sur l’avenir de l’Église, sur ses insuccès et ses développements. L’avenir de cette Église, dont Dieu a voulu faire le reflet du Christ, Lumière des Peuples, est dans Ses mains ».

 

La perception de l’Église comme reflet de la lumière du Christ rapproche le Concile Vatican II des Pères de l’Église qui, dès les premiers siècles, recouraient à l’image du "mysterium lunae", le mystère de la lune, pour suggérer quelle était la nature de l’Église et l’action qui lui convient. Comme la lune, « l’Église brille non de sa lumière propre mais de celle du Christ » (« fulget Ecclesia non suo sed Christi lumine »), dit saint Ambroise. Tandis que, pour Cyrille d’Alexandrie, « l’Église est auréolée de la lumière divine du Christ, qui est l’unique lumière dans le royaume des âmes. Il y a donc une seule lumière : l’Église brille aussi cependant dans cette seule lumière, mais elle n’est pas le Christ lui-même ».

 

Texte de Son Eminence le Cardinal Georges Cottier, Théologien émérite de la Maison Pontificale

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8 décembre 2009 2 08 /12 /décembre /2009 20:51

 

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9 novembre 2009 1 09 /11 /novembre /2009 12:56

« [...] L'obéissance dans l'Eglise est certainement fondamentale, mais cette obéissance doit être éclairée : c'est une obéissance filiale, une obéissance de la foi. L'obéissance [des fidèles] aux évêques, au Pape, au concile ne doit pas être passive mais véritablement illuminée par la foi, et le premier devoir de toute la hiérarchie est de la leur communiquer et de l'entretenir. Lorsqu'il y a des défaillances individuelles ou même collectives de la part de ceux qui dans l'Eglise sont responsables avant tout de la foi, ce n'est pas du tout une infidélité de la part des fidèles mais au contraire une marque de fidélité de critiquer et de ne pas accepter ce qu'enseigne tel prêtre ou même tel évêque ou un groupe d'évêques, lorsqu'il est clair que cela est en contradiction avec ce que le Pape, les conciles, et toute la tradition des évêques jusqu'à nous ont enseigné. L'obéissance des fidèles doit donc toujours être une obéissance éclairée et une obéissance [...] qui s'adresse, à travers les hommes, au Christ seul. Et lorsque des hommes qui représentent le Christ se mettent visiblement en conflit avec Lui, avec toute la tradition de l'Eglise et avec ceux qui en sont les représentants les plus assurés aujourd'hui même, il n'y a pas à hésiter à leur respecter, à leur résister respectueusement d'abord, et s'ils ne comprennent pas ou n'acceptent pas ces critiques, à leur résister fermement et en face [...] .

 

P. Louis BOUYER, Le métier de théologien, Paris, 1979, pp. 141-142

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30 octobre 2009 5 30 /10 /octobre /2009 02:59

ratzingerCDF-copie-1.jpg« La sainteté de l’Église réside dans ce pouvoir de sanctification que Dieu exerce malgré le caractère pécheur de l’homme. Nous sommes confrontés ici à la caractéristique propre à la Nouvelle Alliance : dans le Christ, Dieu s’est spontanément lié aux hommes, il s’est laissé lier par eux. La Nouvelle Alliance ne s’appuie plus sur l’observance d’un pacte de part et d’autre, mais elle est donnée par Dieu comme une grâce, qui subsiste en dépit de l'infidélité de l'homme. Dieu continue, malgré tout, à être bon avec celui-ci, il ne cesse de l’accueillir justement en tant que pécheur, il se tourne vers lui, il le sanctifie et l’aime. En vertu du don du Seigneur, don jamais repris, l’Église continue à être celle qu’il a sanctifiée, en qui la sainteté du Seigneur se rend présente parmi les hommes. Mais c’est toujours vraiment la sainteté du Seigneur qui se fait présente ici, et il choisit aussi et justement les mains sales des hommes comme réceptacle de sa présence. C’est là l’aspect paradoxal de l’Église, en laquelle le divin se présente si souvent dans des mains indignes. [...] La déconcertante association de la fidélité de Dieu et de l’infidélité de l'homme, qui caractérise la structure de l’Église, est l’aspect dramatique de la grâce. [...] On pourrait aller jusqu’à dire que l’Église, justement dans sa paradoxale structure de sainteté et de misère, est la représentation de la grâce en ce monde. Au contraire, dans le rêve humain d’un monde sauvé, la sainteté est imaginée comme le fait de ne pas être touché par le péché et par le mal, de ne pas se mêler à lui. [...] Dans la critique actuelle de la société et dans les actions auxquelles elle aboutit, ce côté impitoyable qui caractérise très souvent les idéaux humains est même trop évident. Ce qui était déjà perçu comme scandaleux dans la sainteté du Christ, aux yeux de ses contemporains, c’était précisément le fait qu’elle était complètement dénuée de cet aspect de condamnation : le fait qu’il ne faisait pas descendre le feu sur ceux qui étaient indignes et ne permettait pas aux gens zélés d’arracher dans les champs l’ivraie qu’ils y voyaient pousser. Au contraire, la sainteté de Jésus se manifestait précisément dans ses rencontres avec les pécheurs, qu’il attirait à lui ; des rencontres poussées jusqu’au point de se faire lui-même "péché", en acceptant la malédiction de la loi dans la peine capitale : complète communauté de destin avec les égarés (cf. 2 Corinthiens 5, 21; Galates 3, 13). Il a pris le péché sur lui, il s’en est chargé, révélant ainsi ce qu’est la véritable sainteté : non pas une séparation mais une unification ; non pas un jugement mais un amour rédempteur.

 

Et bien, l’Église n’est-elle pas simplement la poursuite de cet abandon de Dieu à la misère humaine ? N’est-elle pas la continuation des repas pris par Jésus avec les pécheurs, de ses contacts avec la pauvreté du péché, au point d’avoir l’air d’y sombrer ? Dans la sainteté de l’Eglise, bien peu sainte par rapport à l'attente humaine d’une pureté absolue, n’y a-t-il pas la révélation de la véritable sainteté de Dieu qui est amour, un amour qui toutefois ne se réfugie pas dans le noble détachement de l'intangible pureté, mais qui se mêle à la saleté du monde de façon à la nettoyer ? Si l’on tient compte de cela, la sainteté de l’Église peut-elle être autre chose que le fait que les uns portent les charges des autres, ce qui vient évidemment, pour tous, du fait que tous sont soutenus par le Christ ? [...] Au fond, c’est toujours un orgueil mal dissimulé qui est à l’œuvre lorsque la critique de l’Église prend ce ton de rude amertume qui commence à devenir un mode d’expression habituel aujourd’hui. S’y ajoute trop souvent, malheureusement, un vide spirituel dans lequel on ne perçoit plus du tout ce qui est spécifique à l’Église, de telle sorte que celle-ci n’est plus considérée que comme une formation politique qui agit en fonction de ses intérêts et que l’on perçoit son organisation comme misérable ou brutale, presque comme si la particularité de l’Église ne se situait pas, au-delà de son organisation, dans la consolation de la Parole de Dieu et des sacrements qu’elle apporte dans les jours de joie ou de tristesse. Les vrais croyants ne donnent jamais une importance excessive à la lutte pour la réorganisation des formes ecclésiale : ils vivent de ce que l’Église est toujours. Si l’on veut savoir ce qu’est vraiment l’Église, c’est eux qu’il faut aller voir. En effet, la plupart du temps, l’Église n’est pas là où l’on organise, où l’on réforme, où l’on dirige ; elle est présente en ceux qui croient avec simplicité et qui reçoivent en elle le don de la foi, qui devient pour eux source de vie. [...]

 

Cela ne veut pas dire qu’il faut toujours laisser les choses comme elles sont et les soutenir comme elles sont. Soutenir peut aussi être un processus très actif, une lutte pour rendre l’Église elle-même de plus en plus capable d’aider et de soutenir. En effet l’Eglise ne vit qu’en nous, elle vit de la lutte de ceux qui ne sont pas saints pour parvenir à la sainteté, comme du reste cette lutte vit, à son tour, du don de Dieu, sans lequel elle ne serait même pas possible. Mais la lutte ne sera fructueuse, constructive, que si elle est animée d’un esprit de soutien, d’un authentique et véritable amour. Nous voici donc aussi arrivés au critère en fonction duquel il faut toujours évaluer la lutte critique pour une meilleure sainteté : non seulement cette lutte n’est pas en opposition avec le soutien, mais elle est exigée par lui. Ce critère, c’est la construction. Une critique amère, uniquement capable de destruction, se condamne elle-même. Certes, une porte claquée peut être un signal qui secoue ceux qui sont à l’intérieur. Mais croire que l’on peut construire davantage en étant seul qu’en collaborant avec d’autres est justement une illusion, exactement comme l’est l'idée d’une Église "des saints" au lieu d’une Église "sainte", qui est sainte parce que le Seigneur lui prodigue le don de la sainteté, sans aucun mérite de notre part ».

 

Extraits tirés du dernier chapitre d’"Introduction au christianisme", par Joseph Ratzinger

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5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 08:58

« A la racine de la crise liturgique se trouve une autre crise bien plus profonde et sournoise : la crise du concept d'Eglise. C'est là l'origine de nombreuses erreurs qui, en s'étant progressivement infiltrées dans nos pratiques liturgiques, mettent aujourd'hui en péril la conscience commune d'appartenance à l'Eglise catholique. La réalité "Eglise" n'est pas vraiment rejetée : elle s'efface peu à peu, disparaît chaque jour un peu plus... pour être remplacée par une nouvelle notion d'Eglise librement construite à partir des seules expériences humaines. Certes, l'Eglise catholique est faite de l'expérience des hommes. Mais elle n'est pas faite que de cela : derrière ces expériences se trouve une structure fondamentale voulue par Dieu. Derrière la façade humaine se trouve le mystère d'une réalité surhumaine sur laquelle le théologien, le sociologue, le philosophe, l'historien... n'ont aucune autorité pour intervenir. Si, par contre, l'Eglise est perçue comme une construction humaine, comme une œuvre qui ne dépend que de nous, alors on conçoit que les données de la foi puissent finir par n'être qu'arbitraire : car la foi n'a alors plus d'instrument garanti à travers elle puisse s'exprimer. L'évêque devient alors un super-manager de structures diocésaines toujours plus nombreuses et lourdes, le prêtre fait du social et du convivial, les laïcs s'immiscent dans des questions qui ne sont pas de leur ressort, la liturgie qui veut cristalliser de telles orientations doit se reconstruire sans cesse à partir de l'addition des goûts et des préjugés de quelques fidèles. Sans une vision de l'Eglise qui soit surnaturelle et pas seulement sociologique, la foi perd sa référence au Divin : pour combler le vide, l'absence de référence au Divin, on multiplie les structures purement humaines (équipes liturgiques, équipes de funérailles, équipes responsables des communautés de paroisses, équipes de catéchèse... etc.) qui donnent l'impression que les choses vont bien, mais finissent par insinuer dans la mentalité des gens que l'Eglise ne peut et ne doit fonctionner qu'à l'aide de projets humains. On oublie alors très vite qu'on entre dans l'Eglise et qu'on est dans l'Eglise non pas par le biais d'appartenances sociologiques ou parce qu'on milite dans tel mouvement paroissial, mais uniquement parce qu'on a été baptisé et que l'on participe à l'Eucharistie.

 

L'Eglise, en effet, ne se réduit ni au "collectif" des croyants, ni à leur engagement au sein de tel groupe ou de telle équipe : étant le Corps du Christ, elle est bien plus que l'addition du savoir-faire de ses membres. Pour sortir d'une crise profonde - dont la crise liturgique ne représente que la partie visible - il est urgent de recréer un climat authentiquement catholique. C'est-à-dire qu'il faut restaurer en nous, fidèles, le sens de l'Eglise en tant qu'Eglise du Seigneur, en tant que lieu de la présence réelle de Dieu dans le monde. Cette Eglise-là n'est pas "notre" Eglise, mais l'Eglise du Seigneur; sa façon de célébrer sa foi à travers la liturgie n'est pas "notre" façon de célébrer la foi, mais la sienne, celle qu'elle a reçu en héritage. "Nous ne devons pas faire des prières à la messe, mais faire de la messe notre prière", disait le pape Pie X. C'est la vision actuellement faussée que nous avons de l'Eglise qui nous mène à accepter de participer à ces liturgies paroissiales fausses où ne se pratique plus qu'une sorte d'idolâtrie du subjectif, d'hypertrophie du "moi" accentuée par le face-à-face célébrant-assemblée.

Si l'Eglise se réduit à n'être plus que "notre" Eglise, si notre regard ne porte plus que sur les structures mises en place dans les diocèses et les paroisses et les réunions qui s'y font, alors c'est la notion de "hiérarchie" qui devient incompréhensible : cette hiérarchie au service des baptisés liée à la présence de ministres ordonnés finit par être rejetée. On en vient à rapidement nier le concept d'une autorité de service voulue par Dieu, et l'on multiplie les structures chargées de prendre des décisions à la majorité des voix et où prennent de plus en plus de place de présomptueux "laïcs en responsabilité". Dès lors, l'Eglise n'est plus perçue que comme une association, comme un club devant fonctionner sur le système démocratique : chacun s'autorise à donner son avis avec généralement une véhémence inversement proportionnelle à la compétence. Or dans l'Eglise, l'autorité n'est pas fondée sur le vote à la majorité, mais sur l'autorité du Christ lui-même qui a voulu la communiquer à des hommes choisis pour être ses propres représentants jusqu'à son retour. Ce n'est qu'en se référant à cette vision qu'on pourra redécouvrir la nécessité et la fécondité de l'obéissance à la hiérarchie légitime de l'Eglise. Une obéissance qui pourra nous faire enfin comprendre pourquoi la liturgie, par laquelle l'Eglise célèbre et manifeste sa foi, ne se construit pas, ne se discute pas, mais se reçoit de ceux qui ont été chargés de la transmettre sans l'altérer arbitrairement ». 

 

Source : Cardinal J. Ratzinger, Entretien sur la foi, éd. Fayard, (chap. 3)

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9 juin 2009 2 09 /06 /juin /2009 14:29

 

RomeVaticanStPierre2_WEB_m.jpg

 

« Nous savons bien que c’est un mystère. C’est le mystère de l’Eglise. Et si, avec l’aide de Dieu, nous fixons le regard de l’âme sur ce mystère, nous en obtiendrons de nombreux bienfaits spirituels, ceux, précisément, dont nous croyons que l’Eglise a actuellement le plus grand besoin. La présence du Christ, sa vie même, entrera en action dans chacune des âmes et dans l’ensemble du Corps mystique par l’exercice de la foi vive et vivifiante, selon la parole de l’Apôtre : "Que le Christ habite par la foi dans vos cœurs" (Eph., III, 17).La conscience du mystère de l’Eglise est en effet le résultat d’une foi mûre et vécue. Elle produit dans l’âme ce "sens de l’Eglise" qui pénètre le chrétien grandi à l’école de la parole divine, nourri de la grâce des sacrements et des inspirations ineffables du Paraclet, entraîné à la pratique des vertus évangéliques, pénétré de la culture et de la vie de la communauté de l’Eglise et profondément joyeux de se sentir revêtu du sacerdoce royal qui appartient en propre au peuple de Dieu (cf I Pierre, II, 9). Le mystère de l’Eglise n’est pas un simple objet de connaissance théologique, il doit être un fait vécu dans lequel, avant même d’en avoir une notion claire, l’âme fidèle peut avoir comme une expérience connaturelle ; et la communauté des croyants peut trouver la certitude intime de sa participation au Corps mystique du Christ quand elle se rend compte que ce qui la fait commencer, l’engendre (cf. Gal., IV, 19 ; I Cor., IV, 15), l’instruit, la sanctifie, la dirige, c’est le ministère de la hiérarchie ecclésiastique instituée divinement, si bien que ce canal béni, le Christ répand dans ses membres mystiques les communications merveilleuses de sa vérité et de sa grâce et confère à son Corps mystique, pèlerin dans le temps, sa structure visible, sa noble unité, le caractère fonctionnel de son organisme, sa variété harmonieuse, sa beauté spirituelle. Les images ne suffisent pas à traduire en concepts accessibles la réalité et la profondeur d’un tel mystère ; cependant après l’image que Nous venons de rappeler, du Corps mystique, suggérée par saint Paul, il y en a une autre dont nous devrons nous souvenir, parce que suggérée par le Christ lui-même, celle de l’édifice dont il est l’architecte et le constructeur ; édifice fondé, il est vrai, sur un homme naturellement fragile, mais transformé miraculeusement par lui en pierre solide, c’est-à-dire doué d’une indéfectibilité prodigieuse et sans fin : "Sur cette pierre, je construirai mon église". (Mt., XVI, 18) ».

 

Sa Sainteté le Pape Paul VI - Ecclesiam suam (§ 33)

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9 mai 2009 6 09 /05 /mai /2009 12:07

Dans l’homélie de la Messe du Dimanche 3 mai, au cours de laquelle le Pape Benoît XVI a ordonné de nouveaux prêtres du Diocèse de Rome, le Saint-Père a notamment déclaré : « Il faut faire attention à une réalité de fait : que ce ‘monde’, interprété au sens évangélique, menace aussi l’Eglise, en contaminant ses membres et les ministres ordonnés eux-mêmes ; et, sous cette parole ‘monde’, Saint Jean indique et veut désigner une mentalité, une manière de penser et de vivre qui peut souiller l’Eglise elle-même, et de fait, il la souille, et ainsi, cela requiert une vigilance et une purification constantes » (Benoît XVI , homélie du 3 mai 2009).

 

 

Il est donc nécessaire et urgent de veiller, parce que tout ce que le monde dit, propose, affirme, et parfois impose, n’est pas toujours bon, au contraire ! Une certaine mentalité, qui considérait indistinctement tout ce qui provenait du monde comme quelque chose de bon, tout simplement parce que « œuvre de l’homme » qui est « l’œuvre de Dieu », révèle aujourd’hui toute sa propre erreur : vis-à-vis de la Vérité de Foi du péché des origines (à moins que l’on veuille le nier !), et dans sa confrontation avec la réalité quotidienne qui montre inlassablement que le progrès du monde ne coïncide, en aucune manière, avec le progrès moral de l’homme, ni avec son bonheur réel. Le chrétien, et plus encore le prêtre et le missionnaire, savent bien que le monde doit être évangélisé ; le monde est appelé à la conversion, à écouter l’invitation du Christ qui déclare : « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile ! ». Seule la dynamique de la conversion ouvre tout grands les yeux de l’esprit, en les éclairant, et en aidant à comprendre que c’est le monde qui doit se convertir à Dieu, et pas le contraire. Cette clarté de jugement, nourrie par la prière et par la pénitence, conduit à cette « vigilance et à cette purification constantes » vis-à-vis de la pollution mondaine dans l’Eglise. Une pollution qui n’est pas théorique, mais réelle, contre laquelle il est toujours nécessaire de lutter, avec une clarté et une fidélité absolues. Une pollution qui est très insidieuse parce que, en se transformant en mentalité, et étant largement propagée par les moyens de communication sociale, elle envahit toutes les réalités, dont ne sont pas même exclus les consacrés et les prêtres. Le monde pollue l’Eglise chaque fois que l’on fait passer avant ses propres opinions subjectives, ou ses propres goûts personnels, au détriment de la doctrine commune et de la doctrine enseignée avec autorité, soit de manière ordinaire soit de manière extraordinaire par le Magistère ; chaque fois que la parole des apôtres et de leurs collaborateurs n’est pas le « oui, oui, non, non » de mémoire évangélique, mais cette recherche exténuante de médiations humaines, qui se terminent parfois en compromis ; chaque fois que nous risquons de manifester une confiance peu réelle dans la grâce surnaturelle, et un excès de confiance dans l’œuvre humaine ; et aussi, le monde pollue et souille l’Eglise chaque fois que l’on célèbre la liturgie de manière spectaculaire, non conforme aux normes liturgiques et à l’esprit de la Liturgie, et, surtout, en n’observant pas les désirs du Saint-Père pour toute l’Eglise, qui sont exprimés de différentes manières. En définitive, ce qui permet au monde de souiller et de polluer l’Eglise, et l’homme en particulier, c’est le manque d’humilité qu’a causé elle aussi la révolution anthropologique. Si c’est une vérité que le monde souille l’Eglise, demandons la grâce d’être guidés par la réalité, dans une vigilance continue.

 

Fides

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24 février 2009 2 24 /02 /février /2009 19:59

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19 août 2008 2 19 /08 /août /2008 06:12

Du temps du Christ, nombreux furent les disciples, qui ont arrêté de le suivre, au motif que ses paroles étaient trop dures, trop exigeantes. Le Christ, et à sa suite l’Eglise, a toujours été dur avec le péché, mais miséricordieux envers les pêcheurs. L’Eglise, comme le rappelle Paul VI dans Humanæ Vitæ, est « Mater et Magistra », Mère et Maîtresse. Elle est pleine de sollicitude et de compassion pour les hommes pêcheurs que nous sommes, elle comprend nos faiblesses, nos conflits intérieurs, nos difficultés à vivre la continence ou à en comprendre le sens. Et en même temps, elle est Educatrice, elle ne cesse de nous montrer le bon chemin qui comblera nos cœurs et nos corps, de nous redire ce que doit être la transmission responsable de la vie, conforme à la Vérité. « L’Eglise, en effet, ne peut avoir, vis à vis des hommes une conduite différente de celle du Rédempteur : elle connaît leur faiblesse, elle a compassion de la foule, elle accueille les pêcheurs ; mais elle ne peut renoncer à enseigner la loi, qui est en réalité, celle d’une vie humaine rendue à sa Vérité originelle et conduite par l’Esprit de Dieu » (Paul VI - Humanæ Vitæ N°19). La parole du Christ et à sa suite, l’enseignement de L’Eglise, nous invite à un dépassement de nous-mêmes pour notre plus grand bonheur !

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15 août 2008 5 15 /08 /août /2008 12:05

« En 1170 après la naissance du Christ, j’étais pendant un long temps malade au lit. Alors, physiquement et mentalement éveillée, je vis une femme d’une beauté telle que l’esprit humain n’est pas capable de comprendre. Sa figure se dressait de la terre jusqu’au ciel. Son visage brillait d’une splendeur sublime. Son regard était dirigé vers le ciel. Elle était vêtue d’un vêtement lumineux et resplendissant de soie blanche et d’un manteau garni de pierres précieuses. Aux pieds elle portait des souliers d’onyx. Mais son visage était couvert de poussière, son vêtement était déchiré du côté droit. Le manteau aussi avait perdu sa beauté singulière et ses chaussures étaient souillées sur le dessus. D’une voix haute et plaintive, la femme cria vers le ciel : ‘Écoute, ô ciel : mon visage est sali ! Afflige-toi, ô terre : mon vêtement est déchiré ! Tremble, ô abîme : mes chaussures sont souillées !’ ». Et elle poursuivit : « J’étais cachée dans le cœur du Père, jusqu’à ce que le Fils de l’homme, conçu et engendré dans la virginité, répandit son sang. Avec ce sang, comme sa dot, il m’a prise comme son épouse. Les stigmates de mon époux demeurent frais et ouverts, tant que sont ouvertes les blessures des péchés des hommes. Justement le fait que les blessures du Christ restent ouvertes est la faute des prêtres. Ils déchirent mon vêtement puisqu’ils sont transgresseurs de la Loi, de l’Évangile et de leur devoir sacerdotal. Ils enlèvent la splendeur à mon manteau, parce qu’ils négligent totalement les règles qui leur sont imposées. Ils souillent mes chaussures, parce qu’ils ne marchent pas sur les droits chemins, c’est-à-dire sur les durs et exigeants chemins de la justice, et ils ne donnent pas aussi un bon exemple à ceux qui leur sont soumis. Toutefois je trouve en certains la splendeur de la vérité’. Et j’entendis une voix du ciel qui disait : ‘Cette image représente l’Église. C’est pourquoi, ô être humain qui vois tout cela et qui écoutes les paroles de plainte, annonce-le aux prêtres qui sont destinés à la conduite et à l’instruction du peuple de Dieu et auxquels, comme aux Apôtres, il a été dit : "Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création"’ (Mc 16, 15) »

 

(Vision de Sainte Hildegarde de Bingen - Lettre à Werner von Kirchheim et à sa communauté sacerdotale : PL 197, 269ss).

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